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Agroalimentaire

Des exosquelettes pour faciliter les préparations de commandes

Leader français sur le marché des salades traiteur, le groupe Martinet affiche des chiffres impressionnants. Chaque jour, en saison, 60 000 à 80 000 colis quittent le site de Saint-Quentin-Fallavier, en Isère. Une activité intense, qui sollicite les préparateurs de commandes. Pour les soulager, une démarche globale de prévention des risques professionnels a été initiée dans ce secteur, et des exosquelettes ont été testés.

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Delphine Vaudoux - 04/05/2023
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Un salarié dans la zone de préparation des colis pour expédition.

[Article paru dans le numéro de Travail & Sécurité de mars 2023]

Enfant, adolescent, avec femme et enfants ou avec des célébrités, Pierre Martinet, fondateur et dirigeant de l’entreprise du même nom, est sur tous les murs du siège social, de Saint-Quentin-Fallavier, en Isère. Avec cinq sites dans l’Hexagone, ce groupe de fabrication de préparations alimentaires emploie 715 personnes et produit 77 000 tonnes de salades traiteur, 2 500 de pâtisseries salées et 3 700 de charcuterie chaque année. Ciblée TMS Pros en 2018 par la Carsat Rhône-Alpes, l’entreprise a mené à bien des actions de prévention en production. Puis, forte de cette expérience, elle s’est lancée dans une réflexion sur les exosquelettes… à la préparation de commandes.

« Nous créons chaque année entre quatre et huit nouvelles recettes, pour sans cesse nous renouveler et répondre aux attentes des consommateurs », explique Isabelle Breuillot, la directrice industrielle du groupe. Depuis le site isérois, 4 000 palettes sont expédiées chaque semaine en saison, 2 500 en hiver, pour 200 références. À la préparation de commandes, les manutentions sont nombreuses.

4 000 colis sont composés par chaque préparateur de commandes quotidiennement.

« Le travail réalisé dans le cadre de TMS Pros a permis à Martinet de mettre le pied à l’étrier, commente Marjorie Poupet-Renaud, contrôleuse de sécurité à la Carsat Rhône-Alpes. Et de bien appréhender ce qu’est une démarche de prévention des risques professionnels. » Et quand l’entreprise commence à évoquer la possibilité de recourir aux exosquelettes pour assister les préparateurs de commandes, elle trouve en Auvergne-Rhône-Alpes Gourmand (Arag), une aide précieuse. Association de soutien au développement des entreprises agroalimentaires de la région, celle-ci travaille déjà sur le sujet et c’est donc tout naturellement qu’elle se propose de l’accompagner dans ses réflexions.

Selon la saison, de 25 à 45 personnes travaillent aux expéditions, et entre 8 et 16 personnes préparent des palettes à partir de colis pesant de 1 à 4 kg. « Les préparateurs travaillent à 2-3 °C, et chacun manipule près de 4 000 colis par jour », souligne François Spat, directeur technique et sécurité. « Nous devons suivre le rythme donné par les camions : les grosses commandes arrivent avant 10 heures. Étant le dernier maillon, nous travaillons souvent en flux tendu », complète Éric Roudet, responsable du service expédition.

Une démarche globale 

En mai 2021, Alain Balsière, ergonome à la Carsat Rhône-Alpes, intervient dans l’entreprise : « L’objectif était de sensibiliser les dirigeants au sujet des exosquelettes, en m’appuyant sur le travail que nous réalisons avec l’Arag et l’Adiv 1. » Et de faire comprendre que l’acquisition d’un exosquelette doit s’accompagner d’une démarche globale participative et pluridisciplinaire. « L’exosquelette n’est pas une solution ultime et absolue, insiste Marjorie Poupet-Renaud. Il doit s’inscrire dans une démarche organisationnelle. » « Trop souvent, les dirigeants achètent des exosquelettes en pensant que c’est LA solution. S’il n’y a ni réflexion en amont ni participation des salariés concernés, c’est voué à l’échec… », reprend Françoise Molegnana, cheffe de projet à l’Arag.

Chez Martinet, le message semble être bien passé. Les volumes, les charges, le matériel utilisé, les flux, la charge mentale… tout a été passé en revue, notamment par des entretiens au poste et hors poste. « On s’est aperçu que selon les personnes et leur ancienneté, les flux, l’organisation du travail étaient différents. Certains opérateurs réalisent ainsi jusqu’à 60 % de reprises inutiles de colis », remarque Éric Roudet. Illustration avec un bon de commande qui lui tombe sous la main : « Il vient d’arriver. Je vois qu’il est constitué de 109 colis dont 35 de taboulé oriental. Je ne vais donc pas commencer par la première ligne, mais par les colis de taboulé pour ne pas faire de retour en arrière et ainsi déposer les références les plus importantes au fond de la palette. »

Les analyses de postes ont mis en avant des gestes répétitifs, de nombreuses sollicitations du dos, de la coactivité, des vibrations, ainsi que des problèmes liés à l’éclairage, au port de charges, etc. Un plan d’action a été établi avec les opérateurs et le CSE en a été tenu informé. Il part des constats, et mentionne les réalisations possibles, leurs bénéfices, coût, délais, et la présentation aux opérateurs. Parmi les opérations proposées, des tests d’exosquelettes. Sébastien Malfant, adjoint au directeur sécurité du groupe, propose à quatre personnes – deux hommes et deux femmes – de tester deux modèles pendant un mois en 2022. Maxime Thodiard, préparateur depuis cinq ans dans l’entreprise, en faisait partie : « À la longue, j’ai trouvé qu’il apportait trop de contraintes, notamment lors des montées et descentes de chariots. Pour ma part, je n’ai pas poursuivi l’essai. » Autre son de cloche avec Valérie Bron, depuis trente ans chez Martinet. « Moi, j’aime bien. Je le porte entre 4 et 8 heures par jour à la préparation des commandes. Il m’arrive d’oublier que je l’ai... Je conseille aux jeunes de l’essayer. C’est peut-être plus tard qu’ils en comprendront les bénéfices. »

Un opérateur enfile un exosquelette.

Lors de notre venue, Valérie Bron était au double contrôle qualité, un poste où elle ne le porte pas. « Elle a raison, car un exosquelette est dédié à une tâche précise », remarque Alain Balsière. En revanche, une chose est sûre, porter un exosquelette ne fait pas gagner de temps. « C’était clair dès le départ, remarque Éric Roudet. Il ne s’agissait pas de gagner en productivité. » Guillaume Garcia, préparateur de commandes depuis un an et demi, a testé les deux modèles. Alors qu’il enlève celui qu’il a adopté, il nous explique : « Je sens bien l’avant et l’après. Celui-ci me convient bien, j’ai moins de douleurs au dos. » Au début, il avait le sentiment de travailler moins vite, mais après quelques semaines et une adaptation de sa gestuelle, il est revenu à son rythme habituel.

Aujourd’hui, tous les préparateurs de commandes peuvent utiliser les exosquelettes, mais il s’avère plus compliqué de les faire accepter par les nouveaux venus. « C’est plus facile lorsque les personnes ont été associées dès le départ. Celles qui sont arrivées après ont plus de mal à se les approprier, car elles n’ont peut-être pas eu le même niveau d’explications et d’accompagnement », remarque l’infirmière du travail, Laetitia Mouret. Une fois testé, encore faut-il que l’exosquelette soit accepté. Aux expéditions, la température n’excède pas les 3 °C : les préparateurs le mettent sous leur veste antifroid. « Il ne se voit pas, ça participe à l’acceptation », remarque Sébastien Malfant. Avec près d’une année de réflexion sur les exosquelettes, les enseignements sont riches et pourraient servir à d’autres sites. n

FICHE D'IDENTITÉ

Nom : Martinet, cinq sites de production en France
Activité : production de salades traiteur vendues essentiellement en grande surface
Lieu : siège à Saint-Quentin-Fallavier (Isère)
Effectif : 715 personnes au niveau du groupe, dont 280 sur le site isérois
Chiffre d’affaires : 181 millions d’euros

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