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Travaux sous-marins

Une plongée en toute sécurité

À Marseille, deux fois par an, Sous Marine Services inspecte les canalisations immergées du Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée (Mucem). Cette opération est réalisée par des scaphandriers qui doivent veiller au moindre détail pour travailler en toute sécurité.

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Delphine Vaudoux - 06/07/2023
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Un scaphandrier s'équipe avant une plongée

[Article paru dans le numéro de Travail & Sécurité de février 2023]

« Tu passes à l’intérieur, tu gardes le narguilé en main et tu le récupères au fur et à mesure. Si tu fais passer le narguilé devant toi, je ne vais pas avoir une bonne vidéo. » « Tu peux répéter ? » « Si tu fais passer le narguilé devant toi, je ne vais pas avoir une bonne vidéo. » « OK. » Depuis son fourgon aménagé, Jérôme Mascolo, directeur de Sous Marine Services et chef opération hyperbare (COH), reste en contact avec Tristan Barbosa. Ce dernier est en immersion à quelques mètres du rivage, où il effectue une plongée en narguilé, cet ensemble de tuyaux qui lui permettent de respirer, et de passer les câbles audio et vidéo. Objectif : vérifier le curage des canalisations de climatisation et chauffage du Mucem (Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée), à Marseille, dans les Bouches-du-Rhône.

Des opérations qui, bien qu’elles aient lieu dans un espace proche, nécessitent de la préparation et une vigilance de chaque instant. Deux fois par an, en effet, les conduits qui amènent de l’eau de mer au Mucem afin de le chauffer en hiver ou de le climatiser en été, sont nettoyés. « Cette opération se déroule sur quatre jours, explique le COH. Le premier jour, nous faisons une inspection visuelle. Le deuxième et le troisième, nous nettoyons en guidant sous l’eau un hydrocureur d’une société spécialisée. Le quatrième jour, nous plongeons à nouveau pour apporter la preuve du travail effectué, en fournissant des images à notre donneur d’ordres, Dalkia. »

3 heures, c’est la durée maximale quotidienne de vacation d’un scaphandrier mention A (titre professionnel de scaphandrier travaux publics), obligatoire pour travailler en France.

Les travaux ayant lieu en milieu hyperbare, l’opération réclame des règles strictes. Les canalisations, déposées au fond de la mer, mesurent chacune (il y en a une pour amener l’eau et l’autre pour l’évacuer) une cinquantaine de mètres de longueur et un peu plus d’un mètre de diamètre. Elles sont situées entre 1 m 50 et 6 m sous la surface de l’eau. « Ça n’est pas forcément la profondeur qui fait le risque en hyperbarie, explique Jean-Claude Stefani, ingénieur-conseil à la Carsat Sud-Est. Dès un mètre sous l’eau, on double la pression, ce qui n’est pas négligeable pour l’organisme. » Les quatre intervenants de Sous Marine Services – qui compte six salariés et fait aussi appel à des intérimaires – sont arrivés sur le site à 8 h 30.

Une affaire de bon sens

« On a déjà inspecté les 25 premiers mètres depuis une extrémité. Là, on s’attaque à la deuxième partie, les 50-25 m en partant de l’autre extrémité », remarque Jérôme Mascolo. Le travail est ainsi organisé pour des raisons de sécurité. En effet, mieux vaut s’avancer sur 25 m, relié au poste de travail avec le narguilé, lourd et encombrant, que de le faire sur les 50 m de longueur, plus le retour.

Pour cette deuxième vacation, c’est Tristan qui se prépare, la première ayant été effectuée par Nathan Madrolle. Il s’équipe d’une combinaison étanche, d’un gilet divex sur lequel son biberon de secours 2 et son lestage sont installés, le tout pesant 20 kg, plus quelques kilos supplémentaires que Nathan lui glisse dans les poches. Celui-ci l’aide à s’équiper, procède aux vérifications techniques et enduit de savon antiseptique les bords du casque et la vitre pour éviter la buée. « La réglementation stipule que les travaux en milieu hyperbare doivent être réalisés en narguilé pour des raisons de sécurité. Sauf si l’environnement ou les contraintes de l’opération rendent ce mode de plongée impossible. Dans ce cas, une demande de dérogation, pour plongée ou scaphandre autonome, doit être adressée à la Dreets avant les travaux », insiste Jean-Claude Stefani.

Le fourgon de l'entreprise face au Mucem.

À quelques dizaines de mètres du rivage, un bateau de l’entreprise arbore un fanion bleu et blanc. Il est positionné près des deux bouées indiquant l’entrée des canalisations. « Le bateau n’est pas obligatoire mais nous devons informer que nous réalisons des plongées, d’où ce fanion, remarque le COH. L’embarcation permet de délimiter la zone d’intervention : aujourd’hui, il fait beau, il peut y avoir du trafic autour du port, c’est important que les autres bateaux contournent le périmètre d’intervention. » Le scaphandrier descend à l’eau par une échelle. Sur le quai, une potence de sécurité a été mise en place au cas où le scaphandrier se blesse ou fasse un malaise et qu’il ne puisse pas sortir par ses propres moyens.

En liaison continue avec la terre ferme

Le top départ est donné par Jérôme qui a pris soin, au préalable, de demander une consignation des pompes et de signer une autorisation de travail. Il remplit aussi la fiche de plongée qui indique le nom du plongeur, l’heure de début de plongée, la profondeur, le temps passé… « Pour les mentions A, la réglementation impose une durée de plongée limitée à trois heures par jour, précise Jean-Claude Stefani. Cette fiche est obligatoire. »

Une fois Tristan à l’eau, la liaison radio commence. « Je remonte dans le coude, affirmatif ? » « Affirmatif, tu as deux coudes à passer avant d’être dans la partie droite. » Pendant toute la durée de la plongée, le COH reste en contact vidéo et audio avec Tristan : « S’il y a un souci, si le tuyau reste accroché, s’il y a un problème avec le casque ou si le scaphandrier est victime d’un malaise ou coincé sous une turbine, on voit tout de suite ce qui se passe. » À quai, Nathan gère le narguilé. En combinaison, il est prêt à se mettre à l’eau en cas de problème. « Chaque minute compte, en milieu hyperbare, insiste Jean-Claude Stefani. Il y a déjà eu des accidents mortels parce que le plongeur de secours n’était pas équipé. Les quelques minutes nécessaires pour le faire peuvent être fatales pour le plongeur. »

Plongeur, un métier qui fait rêver mais très exigeant

Le métier de plongeur en fait rêver beaucoup, mais Jérôme Mascolo rencontre des difficultés à recruter :  Ce que l'on cherche avant tout, ce sont des personnes ayant des compétences sur des métiers techniques... et qui ont passé leur mention A de plongée pour travailler sous l'eau. Et pas l'inverse, à savoir des plongeurs qui veulent en faire leur métier sans avoir d'autres compétences. Car, la plupart du temps, nous intervenons dans le noir, pas forcément dans des eaux propres... et la maîtrise du métier est primordiale. 

Après une trentaine de minutes, l’opération se termine. « Ça a bien curé par rapport à la vidéo de lundi. Le tuyau est presque à nu. » Après avoir constaté la qualité du nettoyage, le COH donne l’ordre au plongeur de faire machine arrière. Car dans ces conduits d’1 m 20 de diamètre, il ne peut pas se retourner et devra donc revenir en reculant, accroupi. Une fois à terre, Jérôme et Nathan l’aident à se déséquiper et rangent soigneusement le matériel dans le fourgon.

Si, aujourd’hui, l’intervention était relativement simple, elle a quand même nécessité quatre personnes, toutes aguerries. « On réalise au moins une fois par an un exercice avec une simulation d’accident de plongée, relate Jérôme, pour voir la réaction de chacun et s’améliorer, au cas où un problème surviendrait en situation réelle. »

FICHE D'IDENTITÉ

Nom : Sous Marine Services
Activité : travaux sous-marins portuaires, maritimes, fluviaux…
Lieu : Marseille (Bouches-du-Rhône). La zone d’intervention s’étend à toute la France
Effectif : 6 personnes (+ des intérimaires)
Chiffre d’affaires : 700 000 euros

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