Sans le savoir, tout le monde ou presque a déjà eu un jour entre les mains des produits dont la boîte a été réalisée par le groupe Autajon. Il s’agit de l’un des leaders de la fabrication d’emballages en carton plat destinés à l’industrie pharmaceutique, cosmétique ou encore aux spiritueux, à travers le monde. Son siège est installé à Montélimar ainsi que deux de ses sites de production. SP (pour Santé Pharma), l’une de ces deux usines drômoises, a suivi et achevé le parcours de la démarche TMS Pros en 2018. Mais, en 2021, devant l’augmentation des inaptitudes et des restrictions, ses dirigeants se sont réinterrogés sur la prévention des risques professionnels.
Le site s’étend sur 30 000 m2, et environ 300 personnes y fabriquent des étuis en carton destinés aux médicaments. Des semi-remorques livrent des bobines qui sont découpées en feuilles et qui sont ensuite imprimées et découpées au format voulu. Les emballages sortent d’abord à plat, ils sont ensuite « dépiautés » (détachés les uns des autres), puis collés avant d’être expédiés dans le monde entier. Le lieu est particulièrement vaste et lumineux.
Après avoir observé une embellie jusqu’en 2020, les chiffres de la sinistralité ont commencé à devenir préoccupants, de l’aveu même des dirigeants. « On se sentait impuissants », « On n’a pas compris »… Christophe Debin, directeur d’Autajon SP, et Tressie Lenzoni, responsable des ressources humaines (RH) du site, ne trouvent pas d’explications à l’augmentation des chiffres de jours d’arrêt, d’inaptitudes totales ou du nombre de maladies professionnelles.
« Nous avions investi dans des machines dernier cri », souligne le directeur du site. « Nous avions aussi échangé avec la médecine du travail », renchérit la responsable RH. Pour inverser la tendance, le directeur souhaite que la prévention devienne véritablement « l’affaire de tous » en 2022…
Améliorer les flux
Depuis, dès le démarrage de chaque journée, une AIC (animation intervalle court) a lieu, pendant laquelle chaque responsable de secteur présente un bilan de la veille en présence du directeur. « Je passe également une heure chaque matin dans l’atelier pour prendre des nouvelles, me tenir au courant des avancées ou des problèmes », précise Christophe Debin. Dans la semaine, un sujet de progrès est identifié par secteur.
Des exemples ? Le directeur n’a aucun mal pour en trouver : toutes les allées de circulation ont été modifiées, pour améliorer les flux et limiter les croisements engins-piétons ; une barrière a été installée dans l’axe de sortie de l’offset ; le champ de vision est à améliorer dans certains secteurs. Si des problèmes peuvent être rapidement résolus, d’autres nécessitent plus de temps.
Parallèlement, « les accidents du travail et presqu’accidents sont discutés, ce qui constitue un axe de progrès intéressant », explique Catherine Mousny, ingénieure-conseil à la Carsat Rhône-Alpes. Ainsi, dernièrement, une personne s’est fait une entorse à la cheville en chutant sur une marche, parce qu’elle était pressée. Pourquoi était-elle pressée ? Peut-on supprimer cette marche ? Faisait-elle deux choses à la fois ?… Les causes de cette chute ont été partagées. Une réflexion suivie de décisions : en début d’année, la « zen attitude » est de mise, avec, notamment, l’interdiction de courir…
Par ailleurs, des sessions de formation à la prévention des risques professionnels ont été initiées. Maxime Jean, alors ingénieur amélioration continue, a été formé personne ressource sur les TMS. Étant amené à occuper de nouvelles fonctions sur un autre site, de nouvelles formations, en intra, vont être initiées et concerneront environ quatre personnes de l’encadrement. Elles seront complétées par le déploiement de formations Prap. « Une bonne initiative, selon Catherine Mousny, pour faire avancer la prévention des risques professionnels en partant du terrain. »
Pour compléter cette approche, la direction a identifié le secteur du collage comme étant celui où les manutentions et manipulations étaient les plus nombreuses et les absences les plus fréquentes. Le site possède plusieurs lignes de collage qui fonctionnent avec une personne qui travaille à l’approvisionnement de la machine, l’autre à la mise en caisse. Les opérateurs, en début de ligne, reçoivent les étuis à plat. Ils les prennent par paquets, les contrôlent et les retournent pour présenter la bonne face à la colleuse, ce qui sollicite les membres supérieurs et les poignets notamment.
Les projets ne restent pas dans les cartons
Pour connaître les attentes des opérateurs, Maxime Jean a mené huit entretiens. Il en ressort des problèmes de reconnaissance au travail (source de motivation), de temps de pause, de chariots qui ne fonctionnent pas en fin de semaine… et de gestes répétitifs. Si le tout dernier point évoqué est toujours d’actualité, des améliorations sont en cours : un film est en projet pour accueillir les nouveaux embauchés ; des messages sont diffusés sur les écrans des points de pause ; les opérateurs changent désormais de poste toutes les deux heures ; les étuis en fin de ligne sont mis dans des caisses inclinées, « plus pratiques », remarque une opératrice ; des tapis antifatigue soulagent les opérateurs ; et dès qu’un poste se libère dans un autre secteur, il est proposé aux opérateurs du collage. Ainsi, au labo copie où les tâches de préparation et de contrôle des éléments d’impression sont nombreuses, beaucoup viennent du collage, après avoir été formés et accompagnés pour acquérir de nouvelles compétences.
LA SINISTRALITÉ DU SITE AUTAJON SP MONTÉLIMAR
2018 : 669 jours d’arrêt liés aux MP et 0 inaptitude
2020 : 725 jours d’arrêt liés aux MP et 2 inaptitudes – début de la pandémie de Covid-19
2021 : 2386 jours d’arrêt liés aux MP et 6 inaptitudes
2022 : 693 jours d’arrêt liés aux MP, 5 inaptitudes et 7 reprises à mi-temps thérapeutique.
De plus, des études sont en cours pour réduire le nombre de retournements et revoir la découpe, et aller vers davantage d’automatisation pour rendre les lignes plus ergonomiques. Plusieurs machines d’emballage automatiques sont réservées aux grands formats et aux grosses séries, de l’ordre de 100 000 pièces, ce qui réduit d’autant le port de charge des opérateurs. À la sortie des colleuses, ce sont plusieurs milliers de caisses d’étuis qui sont chaque jour acheminées par des convoyeurs vers la palettisation.
Des postes ont été créés ou adaptés pour permettre aux personnes victimes de maladies professionnelles de revenir à temps partiel thérapeutique. Afin d’aller plus loin, le service méthodes n’est pas en reste : « Dès la conception des étuis, ce service cherche à tenir compte du facteur humain, remarque le directeur. On fait en sorte que les services support soient au service de la production. » Parfois aussi, le rythme des machines est ralenti pour s’adapter à celui des opérateurs...
En 2022, le nombre de jours d’arrêt a nettement diminué pour les maladies professionnelles. « Nous voulons changer profondément notre approche, en mobilisant les opérateurs pour qu’ils deviennent acteurs des projets d’amélioration des conditions de travail, décloisonner les services pour créer des synergies et mettre en commun les enjeux autour de la recherche d’amélioration », conclut le directeur.
FICHE D'IDENTITÉ
Nom : Autajon SP
Lieu : Montélimar (Drôme)
Activité : production de boîtes pour médicaments
Effectif : environ 300 salariés sur le site Autajon SP