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Maintenance de véhicules

La rénovation change tout, du sol au plafond

Dans la préfecture du Doubs, Grand Besançon Métropole a refait à neuf un atelier de maintenance de bus mis à la disposition de Keolis Besançon mobilités, l’exploitant du réseau urbain. Une rénovation pensée en amont avec tous les acteurs concernés, qui a considérablement amélioré les conditions de travail des salariés.

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Corinne Soulay - 27/04/2023
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[Article paru dans le numéro de Travail & Sécurité d'avril 2023]

« Un bâtiment de 1974, resté dans son jus. » L’expression revient dans toutes les bouches pour décrire l’ancien atelier de maintenance des bus du transporteur Keolis Besançon mobilités, dans le Doubs. Et chacun des salariés ayant fréquenté les locaux de faire appel à un souvenir pour dresser un portrait peu glorieux du « B4 », avant juin 2022 : un hangar sombre, mal isolé, doté de fosses vétustes à l’accès peu sécurisé. « Quant au sol, il était si abîmé qu’à chaque fois qu’un bus entrait dans le garage, ça pianotait sous les roues », se remémore un mécanicien. Bref, il était temps de rénover le bâtiment.

Mais pas question d’opérer des changements à la marge. Dès le départ, l’objectif est clair : tout refaire, « du sol au plafond », selon Alain Tourneret, le responsable du service qualité, sécurité, environnement (QSE). L’entreprise jouit d’un contexte propice à la prévention des risques professionnels. Avec l’arrivée du tramway dans la métropole du Grand Besançon en 2014, la politique de Keolis Besançon mobilités en santé et sécurité au travail (SST) est passée à la vitesse supérieure. « En tant qu’exploitant, nous bénéficions d'une attention particulière de la préfecture en matière de SST, précise Alain Tourneret. Et nous avons l'obligation d’avoir un référent dédié, directement rattaché au directeur. D’où la création du service QSE. »

« En plus des bus, nous sommes chargés de l’exploitation des 19 rames de tramway, poursuit-il. Ces véhicules disposent d’un centre de maintenance tout neuf et nous sommes suivis, pour cette activité, par le service technique des remontées mécaniques et des transports guidés qui effectuent des contrôles réguliers. Globalement, l’intégration du tramway dans nos activités a permis d’améliorer notre rigueur sur les questions de SST, de la systématiser, de la formaliser, et de décliner ce modèle sur le secteur des bus. »

« Nous nous sommes appuyés sur une démarche de conception participative, en réunissant dès le début tous les acteurs concernés. »

Résultat : quand la question de la rénovation du B4 s’est posée en 2020, les risques professionnels ont été pris en compte dès la définition des besoins. « Nous avons travaillé avec la Carsat Bourgogne-Franche-Comté, en partant du principe qu’il vaut mieux anticiper car c’est souvent plus compliqué et plus cher d’intervenir a posteriori », explique Alain Tourneret. « Le but était d'optimiser le bâtiment en matière de conception des lieux et situations de travail, résume Aude Verpillat, contrôleuse sécurité à la Carsat. Nous avons donc fait le point sur les recommandations – en particulier sur les risques de chutes de hauteur et de plain-pied, le risque chimique et l’ergonomie aux postes de travail – pour élaborer un cahier des charges. »

Prévenir le risque chimique

Organisation des espaces de travail, circulations, qualité de l’air, éclairage, confort thermique… Rien n’est laissé au hasard. « Sur nos 116 bus, 37 fonctionnent au gaz naturel (GNV), et leur maintenance se fait dans le B4, remarque le responsable QSE. L’atelier est donc en zone Atex (NDLR : atmosphère explosive). Comme le veut la réglementation, nous avons évalué les risques, cartographié les zones dangereuses, prévu des mesures de prévention et de protection, puis tout consigné dans le DRPCE (document relatif à la protection contre les explosions), actualisé pour l’occasion. »

Keolis Besançon mobilités a aussi intégré le programme national Risques chimiques Pros. Audrey Perrin, l’animatrice QSE, s’est donc lancée dans un travail d’inventaire des produits chimiques utilisés : liquide de refroidissement, huiles, dégrippants, peintures et solvants. Ce travail a été suivi d’une évaluation des risques grâce au logiciel Seirich développé par l’INRS. Ce qui a débouché sur deux actions : la mise en place de l’aspiration des gaz d’échappement diesel et la ventilation de la fosse.

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Comment le logiciel Seirich peut aider les petites entreprises à évaluer leurs risques chimiques

« Pour appréhender le projet de rénovation dans sa globalité, nous nous sommes aussi appuyés sur une démarche de conception participative, en réunissant dès le début tous les acteurs concernés », poursuit Aude Verpillat. En mars 2020 a donc lieu une première réunion regroupant Yann Chauvin, le directeur transports du Grand Besançon Métropole – la structure est propriétaire des locaux qu’elle met à la disposition de Keolis dans le cadre de la délégation de service public et a investi 900 000 euros dans la réfection de l’atelier –, des représentants de Keolis, de la Carsat et les entreprises parties prenantes.

Trois ans plus tard, le résultat est là. Ce qui frappe, en entrant dans le garage de 2 000 m2, c’est d’abord la luminosité. Les néons ont laissé place à des leds, la verrière centrale a été remise à neuf et les portes sectionnelles ont été pourvues d’ouvertures pour laisser entrer la lumière naturelle. « Nous sommes en janvier et on n’a même pas besoin d’allumer les lampes  », s’enthousiasme Frédéric Faivre, chef d’équipe. Alors que le thermomètre annonce 0 °C, la température à l’intérieur du garage est étonnamment douce. « L’isolation a été refaite et les anciens aérothermes ont été remplacés par de nouveaux, plus performants, avec des ventilateurs qui poussent l’air chaud en direction du sol », détaille Alain Tourneret.

Travailler à hauteur d’homme

Pour l’heure, les cinq mécaniciens sont à pied d’œuvre, chacun au chevet d’un bus. Le hangar peut accueillir jusqu’à huit de ces mastodontes de 11 à 16 tonnes, qui stationnent, bien rangés, dans des travées délimitées par un récent tracé peint au sol. Certains font l’objet de travaux de maintenance préventive – vidange, graissage, changement de filtres… –, d’autres d’opérations programmées, imposées par le constructeur, comme le réglage des culbuteurs, une pièce du moteur à changer tous les 30 000 km… D’autres sont là pour une intervention corrective.

La plupart des opérations se font à hauteur d’homme, même lorsqu’il est nécessaire d’accéder sous le véhicule, grâce à des colonnes de levage mobiles, que le mécanicien installe en quelques minutes au niveau de chaque roue. Elles permettent de lever ou d’abaisser le bus en fonction des besoins. « Auparavant, soit on descendait en fosse, soit on utilisait ce même système de colonnes, mais elles étaient connectées entre elles via des câbles qui traînaient par terre. Désormais, elles le sont à distance, le sol n’est donc plus encombré et il y a moins de risques de trébucher », se réjouit un mécanicien.

Une seule fosse a survécu à la rénovation de l’atelier. Elle est dévolue aux examens préparatoires au contrôle technique, dont les tests de freinage. Placée à une extrémité du garage, elle est entièrement clôturée, afin d’éviter les chutes. Casquette coquée sur la tête, Frédéric Faivre s’apprête justement à aller sous un bus articulé. « C’est beaucoup plus confortable, déclare-t-il : la fosse dispose d’un système de renouvellement de l’air et de détecteurs de monoxyde de carbone. » Le banc de freinage a également été sécurisé. Des capteurs permettent de déceler une présence et d’activer l’arrêt d’urgence en cas de besoin.

Partout dans l’atelier règne l’ordre, résultat de la réflexion portée sur l’organisation. Chaque mécanicien dispose d’une servante individuelle mobile équipée des outils nécessaires. Une station de distribution centralise les fluides : huiles, lave-glace… « Avant, on remplissait des cubis de 1 000 litres au sous-sol, se souvient Frédéric Faivre, et on les remontait dans l’atelier, où ils étaient stockés sans place définie. » L’installation de la station a réduit les manutentions manuelles mais aussi les risques liés au transvasement et aux émanations.

Des passerelles amovibles pour le travail en hauteur

Des aides à la manutention sont disponibles, chacune stockée dans un espace dédié, surmontée de la photo de l’appareil, selon la méthode 5S d'optimisation des conditions et de l'environnement de travail. Parmi ce gros outillage, un chariot doté de ventouses pour manipuler les pare-brise ou un autre destiné à soulever une roue, des étriers de frein ou des moyeux sans effort. Les mécaniciens disposent aussi d’une clé à choc pneumatique qui sert actuellement pour démonter un pneu : l’appareil, pourvu d’un siège, permet de réaliser l’opération assis, le poids de l’outil étant allégé grâce à un équilibreur.

L'atelier Keolis Besançon mobilité entièrement rénové

Pour les interventions en hauteur, des investissements ont aussi été réalisés. Dans un coin du garage, un agent s’attelle à refaire l’étanchéité des joints sur le toit d’un bus GNV. Pour ce faire, il bénéficie d’une passerelle amovible. « Il accède sur le dessus du bus par un escalier sécurisé et, en haut, une plate-forme se déploie comme un parc d’enfants pour éviter les chutes », explique Aude Verpillat.

Sur la travée voisine, des tests sont effectués sur un bus, moteur tournant. Pourtant, aucune trace de fumée. Un système de gaines, accessibles partout dans l’atelier grâce à des rails au plafond, permet une aspiration à la source des gaz d’échappement qui sont rejetés directement en toiture grâce à un ventilateur. « Pour les véhicules qui présentent leur pot d’échappement en partie basse, explique Frédéric Faivre, un petit chariot est glissé sous le bus afin de relier le pot à la gaine, sans avoir à se baisser. Pour les modèles avec le pot sur le toit, des perches aux embouts adaptés permettent de le clipser sans effort non plus. »

Un bus à la sortie du site Keolis Besançon.

Les améliorations de cette rénovation « du sol au plafond » touchent même le toit : « Des garde-corps ont été installés pour assurer un accès sécurisé pour les travaux de maintenance du bâtiment », précise Aude Verpillat. Mais tous ces aménagements n’exemptent pas d’une attention au quotidien. Chaque matin, à 8 h 30, le chef d’équipe organise un point avec mécaniciens et carrossiers, où les questions de sécurité (remontées d’anomalies, événements critiques…) sont traitées en priorité. Autre rituel immuable : « Tous les jours, nous faisons une tournée de terrain », ajoute Yohan Perrot, chef d’équipe. Et chaque mois, l’atelier reçoit la visite de l’équipe QSE, pour un contrôle, des interventions thématiques ou des audits de gamme de maintenance.

À la faveur de la rénovation du B4, d’autres zones ont bénéficié d’une réhabilitation. « On s’est aperçu que pour passer du B4 à l’autre atelier de maintenance, les employés n’empruntaient pas forcément les voies tracées et coupaient par la pelouse, remarque Alain Tourneret. On en a profité pour tout refaire en prenant en compte cette réalité. » De même, le sens de circulation des voitures a été modifié pour assurer une meilleure visibilité et réduire le risque de collision.

KEOLIS BESANÇON MOBILITÉ EN CHIFFRES

 116 bus et 19 rames de tramway
 21 millions de voyages par an (soit 5,8 millions de kilomètres parcourus)
 3 sites d'exploitation pour les bus, 3 pour les tramways
 482 salariés dont 332 conducteurs 

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