Montbéliard, novembre 2021. Sur un chantier de construction, un plombier chauffagiste chute à travers une trémie. En l’absence de témoin, l’enquête ne permet pas de cerner les circonstances exactes de ce grave accident du travail qui concerne aussi bien l’entreprise du gros œuvre, responsable de l’installation des dispositifs antichute, que celles du second œuvre, amenées à les déplacer pour pouvoir réaliser leurs tâches. Comment la planche de bois qui obturait l’ouverture a-t-elle été installée ? Quand a-t-elle été retirée ? Pourquoi n’a-t-elle pas été remise en place ? Autant d’interrogations qui restent sans réponse.
« Le seul élément factuel est que la protection n’était pas adaptée, soupire Johann Rousset, le contrôleur de sécurité de la Carsat Bourgogne-Franche-Comté qui a mené les investigations. Si les causes précises n’ont pu être établies, je voulais néanmoins que du positif ressorte de ce triste événement. Puisque c’est à celui qui crée le risque de le prévenir, j’ai proposé à l’entreprise TED, en charge du gros œuvre du chantier en question, de mettre en place un groupe de travail sur la sécurisation des trémies. »
Le second œuvre sollicité
« Nous avons bien évidemment répondu favorablement à la requête de la Carsat, affirme Frank Vampouille, président de Groupe V auquel appartiennent TED et trois autres entreprises familiales de la région. Nos clients, qui sont des grands comptes industriels, sont exigeants en matière de prévention et j’y suis moi-même très sensible depuis mes années chez Bouygues Construction. La QSE (NDLR : qualité, sécurité, environnement) est un axe fort de notre politique. »
Animé par Jean Fuchs, responsable QSE du groupe, le groupe de travail est composé de conducteurs de travaux et de chefs de chantier de TED, auxquels s’ajoutent ponctuellement des entreprises du second œuvre. « Il était logique d’associer ces chauffagistes, électriciens ou plaquistes puisqu’ils sont tout autant concernés que nous par le sujet, souligne Jean Fuchs. Avoir leur point de vue sur l’efficacité et la praticité des dispositifs était indispensable à la réussite du projet. » Des intervenants de l’OPPBTP ainsi que Johann Rousset et son collègue Fabrice Baretti, également contrôleur de sécurité à la Carsat, apportent aussi leur expertise.
Dans un premier temps, il s’agit de recenser les différents types de trémies ainsi que les moyens d’obturation existants. TED propose ensuite un test grandeur nature : un chantier de restauration scolaire, débuté en mars 2022 à Vesoul. « La construction de ce bâtiment de 3 500 m2, comprenant deux salles de restauration, un self, une zone technique, un hall et neuf logements de fonction, était tout désignée pour mener cette expérimentation, souligne Alexandre Gigante, chef de chantier TED. Il rassemble en effet une large palette de trémies. »
Des caillebotis orange fluo
L’option testée et validée pour celles de moins de 50 cm de côté est de les obturer avec du béton cellulaire facile à carotter pour y passer gaines électriques et tuyaux de faible diamètre. Pour les ouvertures plus grandes, une première option consiste, pour les trémies destinées à accueillir des conduites de VMC, à positionner ces dernières avant de couler la dalle autour.
Mais la complexité de mise en œuvre, associée à la nécessité de déposer les capots qui scellent les deux extrémités de la conduite pour les interventions ultérieures, n’a pas convaincu. Le risque que les plaques ne soient pas remises en place, comme c’est régulièrement le cas avec les planches de contreplaqué classiquement utilisées sur les chantiers, réapparaît.
La solution d’obturation des autres grandes trémies implique de couler le béton avec une réservation comprenant une feuillure sur laquelle caler des caillebotis affleurant, découpés selon la forme de l’ouverture et fixés par le dessous. « Nous sommes très vite passés à des caillebotis dits pleins, car des gravats ou des morceaux de métal tombaient sur les ouvriers en dessous », explique Alexandre Gigante. « Il n’y a pas de dénivelé donc fini les chutes de plain-pied, constate Éric Rodrigues, chef de chantier chauffage et sanitaire de l’entreprise Imhoff, qui intervient sur le chantier. Le matériau est facile à découper pour y passer les canalisations tout en étant résistant puisqu’il supporte que l’on marche dessus, même une fois taillé. J’ai d’ailleurs fait remonter cette bonne pratique auprès de ma hiérarchie afin qu’elle soit utilisée sur nos autres chantiers. » En attendant de trouver des caillebotis de couleurs vives, ils sont signalés en étant recouverts de bombe orange fluo, pour empêcher qu’une nacelle ou un autre équipement lourd stationne dessus.
Pour les trémies d’escaliers, l’utilisation de pinces articulées trois positions spécialement conçues pour la mise en place de rambardes s’est avérée être une bonne idée. Ce matériel permet de s’assurer que les garde-corps sont à la bonne hauteur, quelle que soit leur inclinaison. Enfin, pour prévenir les chutes dans les cages d’ascenseur, des protections grillagées spécialement conçues pour s’adapter à toutes les ouvertures s’avèrent efficaces. « Ce chantier pilote a porté ses fruits, se félicite Jean Fuchs. Nous déploierons ces bonnes pratiques sur nos futurs ouvrages. »
FICHE D'IDENTITÉ
Nom : TED
Lieu : Sochaux (siège) et Vesoul (chantier de restauration scolaire mutualisée des lycées Belin et Munier)
Activité : gros œuvre et désamiantage de toiture
Effectif : 60 salariés
Chiffre d’affaires : 14 millions d’euros