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Hébergement social

Une sinistralité mise en défaut

À Dijon, Adefo héberge et accompagne les personnes se retrouvant à la rue ou risquant de l’être. Les salariés en charge du ménage des locaux de l’association déclarant des troubles musculosquelettiques, la Carsat Bourgogne-Franche-Comté a incité la structure à intégrer le programme TMS Pros. Les actions de prévention techniques et organisationnelles mises en place commencent à porter leurs fruits.

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Damien Larroque - 27/04/2023
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Une salariée de l'association Adefo.

[Article paru dans le numéro de Travail & Sécurité d'avril 2023]

Depuis sa création en 1952, l’association dijonnaise d’entraide des familles ouvrières (Adefo) soutient les plus démunis. Aujourd’hui, elle emploie 160 salariés et possède sept sites d’hébergement dans la capitale bourguignonne et ses alentours. Les dispositifs d’accueil varient selon le profil des bénéficiaires (sans-abri, réfugiés, mineurs isolés ou familles, femmes victimes de violence…), allant de chambres pour la nuit à des appartements ou des maisons dans lesquels il est possible de s’installer plusieurs mois et de commencer à se reconstruire en toute tranquillité.

Jacqueline Lomberget a fait toute sa carrière chez Adefo. Quarante années à nettoyer bureaux, chambres, appartements, salles communes… Des milliers d’heures à passer le balai ainsi que l’aspirateur, à lessiver les murs et à récurer les recoins les plus encrassés. Des mouvements répétitifs et contraignants qui ont fini par faire apparaître des douleurs chez cette professionnelle. « Aux épaules et surtout aux poignets à cause des essorages de serpillières, précise Jacqueline. Mais, depuis un an, mes nouveaux outils de travail me soulagent. »

400 personnes en situation de vulnérabilité bénéficient quotidiennement des dispositifs du pôle d’accompagnement d’urgence d’Adefo.

L’acquisition de ce matériel résulte de la démarche de prévention engagée à la suite de l’intégration de l’association au programme TMS Pros, à la demande de la Carsat Bourgogne-Franche-Comté, fin 2020. « Quand j’ai appris la nouvelle, je n’ai pas sauté de joie, reconnaît Isabelle Tréfouël, directrice des ressources humaines (DRH) de l’association. Être confrontée à la détresse humaine au quotidien ne laisse que peu de place pour l’amélioration des conditions de travail. Mais cela a été le coup de pouce dont nous avions besoin pour nous lancer ! » Sans ressource en interne pour conduire la démarche, elle se tourne vers l’Opco santé qui finance l’intervention d’Audrey Opsomer, consultante-ergonome à l’Afpa. Épaulée par Soiarfati Toumane, stagiaire en master 2 d’ergonomie, elle étudie les postes et échange avec les salariés pour faire émerger des priorités.

Un matériel mieux adapté

« Les agents de service étaient les professionnels les plus exposés. Tous se plaignaient de douleurs au niveau des épaules, des poignets et du dos. Certaines situations de travail ont fait l’objet d’un diagnostic approfondi mené en collaboration avec les premiers intéressés », indique Audrey Opsomer. Les solutions qui en émergent sont soumises pour validation au groupe de pilotage composé de la direction, de la RH, de chefs de services, de représentants de la CSSCT, de salariés et du service de prévention et de santé au travail. La Carsat est représentée par Maryline Vannier, contrôleuse de sécurité. « Une récompense destinée aux entreprises méritantes a été octroyée à Adefo fin 2022, annonce-t-elle. L’objectif est de valoriser les actions engagées dans le cadre de la démarche TMS Pros, en finançant en partie les matériels acquis. »

Une salariée de l'association Adefo dans l'espace laverie.

Ainsi, depuis septembre 2022, le ménage est devenu moins difficile pour Jacqueline, qui intervient sur le site de Blanqui (hébergement longue durée, réinsertion, crèche), et ses collègues de celui de Sadi-Carnot (accueil d’urgence pour une nuit). De dimensions réduites, les chariots sont adaptés aux couloirs et aux pas-de-porte. Grâce à leurs manches réglables, les balais et raclettes conviennent à tous. Pour nettoyer les sols, une centrale de dilution mélange l’eau et le produit de nettoyage et en délivre la quantité juste nécessaire pour imprégner les franges. Avec cette méthode, plus de seau à remplir. De plus, le textile de ces franges retient efficacement la poussière, ce qui ne nécessite plus de passer d’aspirateur au préalable. « Je gagne vingt bonnes minutes sur le nettoyage d’une salle, estime Jacqueline. Ce n’est pas du luxe, car mon temps est compté. Lorsque je m’occupe de la crèche, par exemple, je commence à 6 h 30 et je dois avoir fini à 7 h 30 pour l’arrivée des enfants. Je suis donc plus sereine. »

Actionner le levier de la formation

Sur le site de Sadi-Carnot, l’usage du nouveau matériel a rencontré un obstacle. « Il nous facilite le travail dans les parties communes, le réfectoire et les bureaux et c’est déjà très bien, convient Sharon Zeze, agente de service. En revanche, les chambres sont souvent trop sales pour se passer d’un lavage à grandes eaux. Les personnes que nous accueillons ont bien souvent perdu leurs repères, notamment en matière d’hygiène… » Un bémol qui n’a pas empêché d’autres améliorations de voir le jour. Grâce à La Chaîne verte, association dijonnaise qui collecte les déchets organiques pour les valoriser sous forme de compost, le poids des poubelles a diminué. Quant au trajet pour sortir les conteneurs, il a été raccourci en autorisant le recours à l’ascenseur.

RÉORGANISATION ET RÉAFFECTATION

Sur le site de Sadi-Carnot, des étagères ont été installées au sous-sol pour stocker les affaires des résidents. Auparavant entassées dans des chariots qui encombraient l’espace, elles empêchaient à tout véhicule de se garer sur les quelques places du lieu et gênaient le passage des conteneurs de déchets. L’organisation de la sortie de ces derniers a aussi été revue. Alors qu’un tracteur électrique qui permet de déplacer trois bennes à la fois avait été acquis, il n’était pas utilisé. « Il fallait traverser le parking extérieur et emprunter un virage où passent des voitures qui risquaient de percuter les conteneurs, notamment le dernier qui se déportait dans la courbe. », raconte Enes Bajrami, agent de service. Pour limiter ce risque de collision, les salariés faisaient le trajet trois fois. La décision a donc été prise d’utiliser l’ascenseur, ce qui permet un parcours bien plus direct. Mais le tracteur n’est peut-être pas perdu pour tout le monde. « À première vue, la configuration du site Blanqui est plus propice à son utilisation, entrevoit Isabelle Tréfouël, DRH d’Adefo. Nous serons fixés après une période de test. »

Pour compléter les actions matérielles et organisationnelles, Adefo prévoit d’actionner le levier de la formation. « Nous sommes en train de finaliser l’organisation de sessions Prap 2, explique Audrey Opsomer. Ces séances permettront aux équipes de devenir force de proposition pour évaluer les risques professionnels et d’apprendre les bonnes pratiques. » En multipliant ainsi les approches, l’association est bien engagée dans l’amélioration des conditions de travail. De quoi rendre Maryline Vannier optimiste pour la suite. « Les risques psychosociaux sont une autre problématique forte d’Adefo, puisque les bénéficiaires peuvent parfois être agressifs, note-t-elle. Si l’association propose déjà des séances psy et des formations à ses salariés, nul doute qu’en appliquant les étapes de la démarche TMS Pros aux RPS, des avancées sont encore possibles. »

PIRL ET CHARIOTS À FOND CONSTANT

Une plate-forme individuelle roulante légère (pirl), équipée de rambardes et de garde-corps, est venue sécuriser le rangement en hauteur dans les réserves de nourriture du site de Sadi-Carnot. « Alors que je me hissais sur la pointe des pieds pour l’attraper en haut d’une étagère, une boîte de conserve est tombée sur ma main, me causant une entorse. Pas de risque que cela se reproduise avec la pirl », s’enthousiasme Djamila Tagmi, agente de service. En outre, un chariot à fond constant va bientôt faciliter la réception de denrées en grande quantité. « Il est déjà là, mais il faut le monter. J’espère que cela ne va pas tarder car décharger des sacs de sel de 25 kilos, les poser au sol et les reprendre, ça fait mal au dos », affirme Enes Bajrami qui occupe la même fonction.

Deux autres chariots à fond constant ont été mis à disposition du salarié de la blanchisserie située sur le site de Blanqui. Normalement, plus besoin de se plier en deux pour récupérer le linge. « Ce sont des outils intéressants, mais ils nécessitent quelques réglages pour être totalement satisfaisant, précise Bendehiba Larbi, qui travaille dans la blanchisserie. Il manque un frein car le sol est légèrement en pente. J’aimerais aussi que la résistance du fond soit diminuée car le poids du linge n’est pas toujours suffisant pour l’abaisser et les tas qui se forment montent trop haut. » « Ce poste, non étudié à ce jour dans le cadre de la démarche, va devoir faire l’objet d’une étude précise du poste pour que les modifications répondent parfaitement aux besoins », souligne Maryline Vannier, contrôleuse de sécurité à la Carsat Bourgogne-Franche-Comté.

FICHE D'IDENTITÉ

Nom : Adefo

Activité : accueil et accompagnement social

Lieu : 7 sites sur Dijon (Côte-d’Or) et sa périphérie

Effectif : 160 salariés

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