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Logistique

Le plus fidèle ami du préparateur de commandes

La partie logistique de l’entreprise Degrenne a fait l’objet d’un contrat de prévention ces dernières années. Celui-ci visait notamment à limiter les risques liés aux ports de charges et aux manutentions manuelles.

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Céline Ravallec - 26/05/2023
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Une salariée de l'entreprise Degrenne.

Il n’est pas commun de croiser Riri, Fifi, Loulou, Belle ou encore Rantanplan dans les allées d’un entrepôt logistique. C’est pourtant le cas chez Degrenne, à Vire, dans le Calvados. Dans les allées du bâtiment de ce fabricant et distributeur d’arts de la table, les préparatrices de commandes sont suivies de ces robots à quatre roues, chacun doté d’une plaque d’immatriculation personnalisée affichant son petit nom. À distance régulière derrière les salariées, dont les jambes leur servent de repères, les robots s’arrêtent quand celles-ci cessent de marcher, redémarrent quand elles repartent. Comme de grands chiens à quatre roues suivraient leurs maîtresses.

La partie logistique attenante à l’usine de production s’est équipée dans le courant de l’année 2022 de ces robots de manutention collaboratifs autonomes qui assistent les préparateurs de commandes dans leur mission. Jusqu’alors, l’activité était réalisée à l’aide de tables roulantes qui nécessitaient d’être tirées ou poussées, et dont le poids augmentait au fur et à mesure de l’avancement des commandes. Pour atteindre jusqu’à 80 kg. « Nous avions identifié le besoin de soulager les préparateurs de commandes, explique Peggy Moreau, directrice des flux et de la performance logistique. Parmi les possibilités d’évolution, nous avions envisagé des chariots à hauteur variable. Nous avons regardé autour de nous ce qui se faisait et nous avons découvert ces chariots suiveurs à La Poste de Nantes. »

Appréhension et aménagements

Après avoir effectué une étude de rentabilité, l’entreprise a opté pour ces dispositifs. Quatre premiers chariots ont été achetés en mars 2022, complétés par deux autres en septembre. Ces acquisitions ont été accompagnées d’un contrat de prévention signé avec la Carsat Normandie. « Les salariés ont été associés aux réflexions. Il y a eu une vraie coconstruction, ce qui facilite l’appropriation et l’adhésion aux nouveautés », témoigne Sandrine Lucas, contrôleuse de sécurité à la Carsat Normandie. Des réunions ont été organisées avec l’ensemble des protagonistes pour qu’ils échangent sur leurs pratiques, leurs impressions.

Quelques appréhensions ont été exprimées au départ, relatives à la proximité du robot et la crainte qu’il heurte les jambes. Pour y remédier, la distance de suivi a été augmentée. Quelques autres aménagements ont été réalisés en interne, notamment l’installation d’une tablette en bois offrant une zone de pose intermédiaire lors de la préparation des cartons. Cette démarche participative a contribué à améliorer le dispositif et à mieux le faire accepter.

RÉFLEXIONS SUR L’EMPLOI D’EXOSQUELETTES

Parmi les pistes d’amélioration des conditions de travail, l’entrepôt logistique de l’usine Degrenne à Vire réfléchit également à l’utilisation d’exosquelettes pour certaines tâches. « On étudie cette option notamment pour les préparations de commandes sur les ventes spot, ces ventes privées où il y a de gros tonnages à manutentionner sur un temps court », explique Florian Letourneur, alternant en master d’ergonomie. L’entreprise réalise à cette fin des tests avec deux références d’exosquelettes. « Nous tenons compte des critères d’acceptabilité définis par l’INRS pour les évaluer, poursuit-il. Comme les exosquelettes sont légers, une de nos craintes est que, quand les opérateurs qui participent aux tests n’en sont pas équipés, ils oublient qu’ils n’ont plus l’aide et se fassent mal en forçant. » Les essais sont en cours.

Après un an d’utilisation, qu’en est-il ? « Il ne va pas assez vite et a du mal à me suivre, commente Sylvie Desfaux, préparatrice de commandes. Mais on porte moins, c’est sûr. » Pour Véronique Daguier, une autre préparatrice, « c’est bien adapté, c’est mieux pour travailler… sauf si ça tombe en panne ». Une fois la préparation de la commande terminée, le robot, paramétré en mode autonome, part seul vers le convoyeur de la zone de fermeture des colis. Il épargne ainsi aux opérateurs la dernière partie du trajet. « Sur une moyenne de 12 à 15 missions par jour pour chaque préparateur de commandes, on a mesuré une diminution d’environ 3 km de marche par personne », commente Florian Letourneur, alternant en master ergonomie dans l’entreprise.

5 000 références transitent par le service logistique. Le poids des cartons est limité à 15 kg.

Les robots fonctionnent en wifi, projettent un point lumineux bleu au sol pour que leurs déplacements soient repérés, et klaxonnent deux fois pour s’annoncer à chaque croisement. Ils déchargent les commandes également de façon autonome sur la ligne de fermeture des colis, grâce à des rouleaux intégrés leur adjoignant une fonction de convoyeur. « Ce qui représente 500 kg en moins portés chaque jour », poursuit Florian Letourneur.

Palonnier à ventouses 

Une fois déchargé, chaque robot retourne en zone d’attente avant d’être à nouveau sollicité pour une nouvelle préparation de commandes. « Ça a constitué une grande transformation de l’outil et de la situation de travail, résume Sébastien Rousseau, responsable prévention des risques. Et au final, c’est un bel exemple de synergie et une réussite d’intégration ergonomique, technique et sociale. »

Dans le cadre du contrat de prévention avec la Carsat, d’autres aménagements ont été réalisés. Comme en témoigne l’installation d’un palonnier à ventouses au poste de fermeture des colis. Jusqu’à 1,5 tonne peut être portée quotidiennement à ce poste. Le palonnier vient ainsi réduire le cumul de charges portées. « L’utilisation du palonnier abaisse légèrement la productivité au poste et a pu rencontrer des résistances au début. Mais malgré cela, l’entreprise s’y retrouve avec moins d’absentéisme à ce poste », explique Sandrine Lucas. « C’est mieux avec, on force moins, c’est moins fatigant », témoigne Éric Deshogues.

Le contrat de prévention a également couvert un autre aménagement de l’entreprise, la sécurisation des deux quais d’expédition. « Il y avait un risque de chute depuis le quai », relate Peggy Moreau. Les deux quais ont ainsi été équipés, en avril 2021, de barrières asservies à la présence d’un camion, à partir d’une cale pour roues. « Tant que le camion n’est pas à quai, la barrière est bloquée et ne peut être ouverte », nous montre Patrick Aguiton, agent de quai. Dans le même esprit, trois quais de livraison ont été équipés en mars dernier de quais niveleurs.

« Chaque nouveau chantier intègre les questions de sécurité, c’est une préoccupation maintenant bien ancrée dans les équipes », souligne Peggy Moreau. « Aujourd’hui, les allées ne sont plus encombrées, les flux chariots-piétons ont été séparés grâce à une meilleure signalisation au sol. En cinq ans, l’entrepôt est devenu méconnaissable », conclut Sébastien Rousseau.

FICHE D'IDENTITÉ

Nom : Degrenne
Lieu : Vire (Calvados)
Activité : fabrication de couverts en inox et logistique de toute la production Degrenne (arts de la table)
Effectif : 35 personnes à la logistique, 286 salariés au total sur le site de Vire

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