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Bâtiment

À réhabilitation XXL, risques XXL

Sur les hauteurs de Nancy (Meurthe-et-Moselle), deux barres d’immeubles, parmi les plus imposantes d’Europe, subissent une réhabilitation en profondeur. Un chantier colossal qui a nécessité une anticipation des risques professionnels, mais aussi une adaptation des mesures de sécurité au quotidien.

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Corinne Soulay - 19/07/2023
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Un ouvrier sur le chantier de réhabilitation de la barre HLM "le Haut du lièvre" à Nancy.

Ce sont deux bâtiments iconiques de Nancy, en Lorraine, deux barres de près de 700 mètres de long en tout, perchées depuis les années 1960 sur le plateau de Haye, avec une vue plongeante sur la préfecture de Meurthe-et-Moselle. Dans le cadre du Nouveau Plan de rénovation urbaine (NPRU), le Cèdre bleu et le Tilleul argenté, qui abritent 1 257 logements, s’apprêtent à faire peau neuve. Un chantier de réhabilitation XXL, engagé par l’Office public de l’habitat de la Métropole du Grand Nancy (OMh), maître d’ouvrage de l’opération.

« Les travaux, débutés en 2022, dureront cinq ans. Nous restructurons 100 % des logements, explique Mathieu Collot, responsable de programmes pour l’OMh. Nous gardons la superstructure, les murs porteurs, mais nous détruisons tout le cloisonnement et recréons des trémies d’ascenseurs et des extensions en surélévation. » Sur le Cèdre bleu, où les travaux sont en cours, la toiture est aussi supprimée pour aménager des jardins au sommet. Le bâtiment de treize étages sera également découpé pour atteindre quatre étages à certains endroits, et créer ainsi des ouvertures dans la barre.

Désamiantage, démolition, gros œuvre, menuiserie, plomberie, peinture… Pas moins de 19 corps d’état sont impliqués dans cette opération titanesque. Ce qui a nécessité d’anticiper la prévention des risques professionnels, avant même le départ du projet. « Nous avons travaillé en amont avec le coordonnateur SPS (NDLR : sécurité et protection de la santé) et la maîtrise d’œuvre pour établir avec précision le phasage des différents travaux et mettre en place une protection collective efficace, souligne Mathieu Collot. Cela comprenait notamment la mutualisation de l’approvisionnement et de certains équipements, comme les échafaudages, ou l’installation de cinq lifts pour transporter ouvriers et matériaux. » L’objectif étant de séparer le plus possible les zones de travail pour éviter la coactivité qui génère des risques supplémentaires, et de réduire le port de charge.

Dès que les marchés ont été attribués, dans le cadre d’appels d’offres, des réunions ont eu lieu avec chaque entreprise pour définir au mieux leurs besoins et affiner les mesures. « On a pu adapter le positionnement des lifts et décider de l’utilisation de grues automotrices, télescopiques, pour l’acheminement des matériaux », poursuit le responsable de programmes. Ces discussions ont aussi permis à certaines entreprises de prévoir des investissements adaptés aux spécificités du chantier.

C’est le cas de GTM Hallé, filiale de Vinci Construction qui, au vu du nombre de logements à réhabiliter, a doté ses opérateurs d’un vibreur électroportatif, pour le béton. « Il est plus léger qu’un vibreur classique et s’enfile comme un sac à dos pour pouvoir le déplacer facilement dans les étages, explique Zoé Pernet, conductrice de travaux pour GTM Hallé. Il ne nécessite pas de branchement, donc il y a moins de risque de chute, liée à la présence de câble au sol. »

Adapter les méthodologies

En ce printemps 2023, quelque 80 personnes sont à pied d’œuvre dans l’immeuble du Cèdre bleu, vidé de ses habitants. Alors que les opérations de désamiantage se terminent dans les premiers étages, des ouvriers s’attellent à refaire l’étanchéité du dernier, tandis qu’ailleurs, d’autres s’emploient à couler du béton dans les trémies de gaines techniques… Autant de mini-chantiers dans le chantier, indépendants les uns des autres. Au pied de la barre, un atelier en plein air est dédié à la préfabrication de modules de cuisines, qui seront ajoutés au bâtiment. « Encore une procédure prévue en amont, indique Benoît-Yves Lozach, contrôleur de sécurité à la Carsat Nord-Est, qui suit la réalisation du chantier. Cela permet de travailler de plain-pied. C’est moins contraignant et le risque de chute de hauteur est moindre que s’il avait fallu créer des cuisines en extension directement sur le bâtiment. »

250 personnes seront amenées à travailler en même temps sur le chantier, au plus fort de l’activité.

Tous les mardis, les différents acteurs du chantier se réunissent. L’occasion de faire un point sur l’avancement des travaux, de gérer la coactivité, mais aussi d’évoquer les adaptations techniques. « Car, contrairement à un chantier où on part de zéro, ici, les entreprises font des hypothèses d’intervention qui parfois se révèlent irréalisables sur le terrain. Cela nécessite d’adapter sans cesse les méthodologies, ce qui entraîne de nouveaux risques et donc de nouvelles mesures de sécurité à mettre en œuvre », souligne Mathieu Collot. « Le fait d’avoir investi le rez-de-chaussée pour y installer toutes les bases-vie permet d’avoir tout le monde sur place, ce qui facilite la communication et la réactivité lorsqu’il faut trouver des solutions », remarque Benoît-Yves Lozach.

Par exemple, certaines opérations de démolition se sont avérées plus complexes que prévu, engendrant un surplus de déchets et donc davantage de manutentions manuelles pour les opérateurs. Il a donc été décidé de créer des ouvertures dans les anciennes cages d’ascenseur pour y jeter les gravats, plutôt que de les évacuer au seau via les lifts, et un convoyeur automatique a dû être installé dans les escaliers pour les acheminer jusqu’au trou.

Vue d'ensemble d'un lift.

Autre mauvaise surprise : alors qu’il était prévu une découpe par sciage des dalles pour la création des 800 trémies dans les futurs logements, le type de plancher (en dalle alvéolaire) a obligé l’entreprise GTM Hallé à changer de technique pour finalement opter pour le marteau-piqueur. « Le problème, c’est que ce type d’appareil peut engendrer des troubles musculosquelettiques, relève Zoé Pernet. En lien avec notre service QSE, nous avons décidé de tester un modèle de support de marteau-piqueur muni d’un appui supplémentaire au sol pour réduire le port de charge et les vibrations. Le test s’est avéré concluant. »

Dans un souci d’amélioration continue, l’entreprise a également fait appel à une étudiante en ergonomie pour analyser les postes les plus soumis au port de charge et à la manutention manuelle, et réfléchir à des solutions organisationnelles pour réduire au maximum les risques associés. « La réhabilitation, c’est l’avenir. Il est donc important de trouver des solutions pour s’adapter, qui pourront être réutilisées sur de prochains chantiers », souligne la conductrice de travaux.

En 2024, commencera la réhabilitation de la seconde barre, le Tilleul argenté. Là encore, anticipation et adaptation seront de mise, d’autant que les entreprises devront faire face à une contrainte supplémentaire : au début des travaux, une partie de l’immeuble sera encore habitée.

FICHE D'IDENTITÉ

Maître d’ouvrage : Office public de l’habitat de la métropole du Grand Nancy (OMh)
Maître d’œuvre : groupement Atelier Alexandre Chemetoff et Touzanne et Associés
Lieu : Nancy (Meurthe- et-Moselle)
Objectif : déconstruction de 424 logements, réhabilitation de 713 logements et aménagement/création d’espaces de bureaux
Coût : 60 millions d’euros
Durée des travaux : 5 ans

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