Frisée, iceberg, feuille de chêne, laitue pour les adultes ; roquette, mesclun, épinard, mâche pour les jeunes pousses… La gamme des salades préparées et mises en sachets sur le site Florette de Mâcon, en Saône-et-Loire, est assez complète. Les manipulations que réclame cette production sont nombreuses et peuvent être sources de troubles musculosquelettiques (TMS). Un sujet d’ampleur dont l’usine s’est saisie il y a trois ans, en lançant une réflexion de fond pour améliorer les postes de travail.
C’est en 2001 qu’un site de transformation de salades voit le jour à Mâcon. Après plusieurs rachats, il atterrit dans l’escarcelle du groupe coopératif Agrial dont la branche fruits et légumes frais comprend les marques Priméale, Florette et Créaline. « Florette est le numéro 1 français des fruits et légumes prêts à l’emploi, avec six sites de production dans l’Hexagone, explique Yann Cezanne-Bert, le directeur du site. Cela représente 1 500 salariés qui traitent 50 000 tonnes de salades et 17 000 tonnes de légumes par an. » Aujourd’hui, l’usine de Mâcon emploie 172 personnes, pour produire autour de 7 000 tonnes annuelles. « Historiquement, précise Aurélie Blanc, responsable santé et sécurité, 100 % de nos maladies professionnelles sont des troubles musculosquelettiques. Les salariés au parage (NDLR : opération qui consiste à couper le trognon de la salade et enlever les premières feuilles) et à l’emballage étaient les plus touchés, aux épaules, poignets et coudes. »
Photos à l’appui, elle détaille les secteurs du parage PAR 1 et PAR 2 en 2021. Des locaux très encombrés, où les salariés se faisaient face pour parer et où il fallait monter quelques marches avec des caisses pour approvisionner les lignes de matière première. « Les caisses vides étaient entassées ensuite dans les allées, complète Jean-Claude Bouteiller, contrôleur de sécurité de la Carsat Bourgogne-Franche-Comté, et il y avait énormément de manutentions, avec souvent les bras au-dessus des épaules car le tapis d’envoi des salades était à 1,40 m du sol. » Le site avait été conçu de telle façon que les tapis de déchets étaient positionnés à 80 cm du sol, et ceux d’envoi à 1,40 m.
LE SAVIEZ-VOUS ?
• La vente de salades 4e gamme est une activité relativement fluctuante, avec des pics de ventes à Pâques, Noël, Jour de l’An, ainsi qu’aux beaux jours. De plus, les ventes sont liées aux déplacements de populations, à savoir qu’elles augmentent pendant la période estivale dans le sud de la France.
• Pour laver 1 kg de salade, il faut 15 l d’eau aujourd’hui. Il en fallait plus de 19 il y a trois ans. La réduction de la consommation d’eau est un objectif de l’ensemble des sites de Florette qui cherchent à réduire leur consommation d’eau par des bonnes pratiques et des investissements.
• En 20 minutes, une salade passe de sa caisse au sachet.
Des groupes de travail ont été constitués pour mener des réflexions qui ont abouti aux premières modifications des lignes de parage, pour un montant de 330 000 euros. Ainsi, les lignes de crudités ont disparu du site et « des lignes de salades ont été entièrement refaites, de façon à ne plus avoir de marches pour accéder à l’estrade des pareurs, explique le directeur. On a dû casser la dalle pour enterrer l’aspiration des déchets destinés à l’alimentation animale ». Le tapis d’envoi est désormais à 1,10 m, pour ne plus travailler les bras au-dessus des épaules.
Chaque poste de parage est doté d’une tablette réglable en hauteur, et les pareurs ne travaillent plus que d’un côté de la ligne, l’autre étant réservé aux personnes déplaçant les caisses à l’aide de transpalettes électriques. Les contenants vides repartent désormais sur des convoyeurs, afin de ne plus encombrer l’allée tout en permettant à l’approvisionneur de les récupérer à hauteur. Quant aux palettes d’approvisionnement, elles sont scindées en deux demi-palettes pour limiter le travail en hauteur.
2 650 000 euros de travaux au parage et à l’emballage
En 2022, c’est une nouvelle ligne, semi-automatisée, la Florecoupe, qui a été installée. « Cela nous permet de faire tourner les personnes, remarque Damien Coehlo, manager parage, sur les nouvelles lignes manuelles, sur la ligne jeunes pousses, et sur la Florecoupe, installée sur une mezzanine. » Là, une personne positionne sur un carrousel les salades tête en bas pour qu’elles soient parées automatiquement. « Ces rotations permettent aux personnes de varier les gestes, souligne le contrôleur de sécurité. Cette meilleure prise en compte des conditions de travail s’accompagne aussi d’un gain de productivité. » « C’est vraiment mieux, confirme Adeline Prabel, une conductrice référente. On n’a plus qu’à pousser les caisses. Si, au début, on trouvait le tapis un peu bas, aujourd’hui, tout le monde est content. »
Sur la ligne des jeunes pousses, un travail autour des gestes à effectuer a été réalisé avec un ergonome du service de prévention et de santé au travail. « Il nous a appris à retourner les caisses sans faire de mouvement de poignet, en lâchant la caisse sur la ligne », explique Sonia Beigner, une conductrice référente, en joignant le geste à la parole. Après avoir été parées, les salades sont coupées, lavées, séchées (pour les jeunes pousses) avant d’être ensachées automatiquement et emballées.
La mise en cartons a également été revue. « Les cartons n’arrivent plus suspendus à un carrousel ou sur palettes, remarque Yann Cezanne-Bert. Le nouvel équipement permet de préparer et distribuer automatiquement les différentes formes de cartons et d’aider les opératrices. » La machine peut aussi mettre quelques sachets dans les cartons, à l’opératrice ensuite de les compléter en les positionnant correctement selon les demandes des enseignes, notamment celles dont les cartons servent de présentoirs. « La présence d’une table accumulatrice et la possibilité de régler le poste en hauteur sont des vrais plus », constate Jean-Claude Bouteiller.
Tous ces changements ont été accompagnés de formations conséquentes. Aurélie Blanc, formatrice Prap (prévention des risques liés à l’activité physique), a ainsi formé 28 salariés du site acteurs Prap, en débutant par le parage et l’emballage afin de les associer aux groupes de travail, en amont. « Je peux maintenant analyser des postes et faire remonter des situations de travail dangereuses », explique Estelle Malatrait, une animatrice expédition qui a suivi cette formation. Cette démarche de remontées de situations est aussi favorisée par l’organisation de l’entreprise en équipes autonomes et responsables. Son objectif est de donner à chacun la possibilité d’avoir des responsabilités dans un autre cadre que celui qui est fixé.
Des exemples ? La réunion quotidienne de 5 minutes, le « Top 5 », peut être animée par une personne non manager. Ou bien, toujours sur la base du volontariat, des personnes sont identifiées « Casquettes » pour les EPI ou l’accueil des nouveaux embauchés. « À son lancement, Florette m’avait parlé de ce type d’organisation, reconnaît Jean-Claude Bouteiller. Mais j’ai peu rencontré d’entreprises qui s’étaient lancées, car cela nécessite une confiance totale de la direction envers ses salariés. » Autant d’éléments qui semblent présents sur ce site.
FICHE D'IDENTITÉ
Nom : Florette
Lieu : Mâcon (Saône-et-Loire)
Activité : préparation, emballage et expédition de salades prêtes à être consommées
Effectif : 172 personnes
Tonnage annuel : 7 065 tonnes
DES INVESTISSEMENTS CONSÉQUENTS POUR AMÉLIORER LES CONDITIONS DE TRAVAIL
Depuis trois ans, le site Florette de Mâcon qui produit des salades en sachets s’est lancé dans de très importants travaux sur les lignes de parage des salades, en vue d’améliorer les conditions de travail et de gagner en productivité. Pouvez-vous nous détailler ces travaux ?
Yann Cezanne-Bert, directeur du site. Au début de l’année 2021, nous avons lancé une première phase de travaux sur la première moitié du parage manuel de nos lignes de salades adultes, pour un montant de 330 k€. Puis nous avons lancé une deuxième phase de travaux à la fin de l’année 2022 : pour un montant de 1250 k€, nous avons créé une ligne semi-automatique pour les salades adultes avec l’arrivée de la Florecoupe. Cela nous a permis de remplacer la deuxième moitié de nos lignes de salades adultes, sachant que la ligne jeunes pousses avait déjà été optimisée ergonomiquement début 2018. Puis nous avons investi 1400 k€ pour améliorer le secteur de l’emballage.
Dans la pratique, quelles sont les améliorations que vous avez pu observer ?
Aurélie Blanc, responsable santé et sécurité. La première phase des travaux nous a permis de travailler sur l’ergonomie, sans gain particulier de productivité. On a ainsi réduit l’effort physique. Et c’est seulement après la deuxième phase de travaux que les rotations aux postes ont été pleinement efficaces (alternance de gestes entre des lignes manuelles ou semi-automatisées) Du côté de l’emballage, un système de vérins permet de régler chaque poste en hauteur, et nous avons créé des lignes « droites » et des lignes « gauches », même si au départ, les opérateurs n’étaient pas forcément convaincus… De plus, le pré remplissage automatique des cartons permet de réduire le nombre de gestes et les cartons arrivant automatiquement sur la ligne, tous les gestes et rotations du tronc pour attraper les cartons ont été supprimés. Quant à la charge mentale, une table d’accumulation rotative permet de stopper son travail sans arrêter la ligne sur un temps court et un bouton au poste emballage permet l’arrêt de la ligne amont si nécessaire.
ZOOM
100 % des maladies professionnelles sont des TMS réparties de la façon suivante :
- Épaule : 53 %
- Poignet/main : 36 %
- Coude : 11 %
Les chiffres du site de Mâcon :
- Surface : 28 000 m2
- Réception : 20 camions par semaine
- Expédition : 145 camions par semaine
- Production : 120 000 sachets par jour, essentiellement pour des marques distributeurs. ¾ de salades adultes (vs jeunes pousses)
- Préparation de 2 550 palettes par semaine