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L'hôtellerie

À Nice, des métiers de la maintenance hôtelière mieux pris en compte

Dans le cadre d’un plan d’actions régional mené ces dernières années par la Carsat Sud-Est, les conditions de travail des services de maintenance dans l’hôtellerie ont été ciblées pour faire l’objet d’améliorations pérennes.

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Céline Ravallec - 30/10/2023
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Un agent de maintenance répare la porte d'une chambre d'hôtel.

De la toiture jusqu’au deuxième sous-sol, le personnel du service technique du Hyatt Regency Nice-Palais de la Méditerranée, à Nice, est amené à intervenir partout dans cet hôtel de 16 000 m2 qui compte neuf étages. « L’image des services techniques est de changer les ampoules ou de déboucher les toilettes. Or notre domaine d’intervention est bien plus vaste », remarque Philippe Roux, directeur technique de l’établissement depuis seize ans. Cet hôtel de luxe, situé face à la mer sur la promenade des Anglais, compte 187 chambres et suites, un espace congrès de 1 500 m2, piscine, sauna, hammam, salle de fitness... La machinerie nécessaire au bon fonctionnement d’un tel établissement est impressionnante : aérocondenseurs en toiture, chaufferie, local CVC (chauffage-ventilation-climatisation), groupe froid, centrale de traitement de l’air, sécurité incendie, local de traitement d’eau pour alimenter la piscine… Autant d’équipements plus proches d’un environnement industriel que de l’hôtellerie.

Un travail de longue haleine

L’équipe technique en charge de leur bon fonctionnement compte cinq personnes, plus 1,2 équivalent temps plein d’une société sous-traitante. « Nous couvrons toutes les familles techniques, y compris la peinture pour laquelle nous avons un peintre à l’année et un renfort pendant six mois hors saison, poursuit le directeur technique. Nous sommes en quelque sorte le médecin généraliste, et traitons tous les corps d’état, en plus des spécificités propres à l’hôtellerie. » Pour ce directeur qui reconnaît détester les imprévus et pépins techniques, « qui arrivent toujours au mauvais moment », le maître-mot est que tout soit en permanence maîtrisé.

« La maintenance, c’est avant tout de l’anticipation : 85 % de notre activité est de la maintenance préventive », estime-t-il. En seize ans de carrière dans l’établissement, il n’a été dérangé que deux fois lors d’astreintes, pour des fuites d’eau sur des réseaux horizontaux. L’été dernier, il n’y a eu aucune plainte de clients malgré les épisodes successifs de canicule, preuve que la climatisation a parfaitement bien rempli son rôle. Mais tout ne s’est pas fait en un jour pour parvenir à une telle fiabilité et une telle sérénité. « Le secteur technique, c’est du long terme dans un bâtiment comme ici, poursuit-il. Les choses se construisent progressivement. Et on ne peut pas avoir un haut degré d’exigence sans mettre les moyens derrière. »

Cela passe donc aussi par de bonnes conditions de travail et un environnement bien adapté. « Fréquemment, dans l’hôtellerie, le devant est très beau et l’arrière est une catastrophe, observe Jean-Denis Clary, ingénieur-conseil à la Carsat Sud-Est. Ici, le back office est aussi important que le front office. Cela illustre l’importance accordée à l’environnement de travail de tout le personnel. » À commencer par la lumière. Alors que les techniciens sont amenés à intervenir dans des locaux parfois exigus et le plus souvent aveugles, donc très sombres, comme la chaufferie, le local CVC ou encore le groupe froid… tous les espaces techniques ici sont très bien éclairés par des leds.

Des locaux pensés pour tous les métiers 

Si la construction du Palais de la Méditerranée date de la fin des années 1920, il a fait l’objet d’une rénovation totale au début des années 2000 et a réouvert en 2004. Seule la façade, classée depuis 1989, a été conservée. Tout le reste de l’édifice a été intégralement démoli et reconstruit. La conception des espaces à l’époque a été bien pensée et permet encore aujourd’hui au personnel de l’hôtel de bénéficier de conditions de travail adaptées. Et ce, y compris pour les services techniques, qui sont souvent les grands oubliés de ce genre de rénovations.

« Dans tous les locaux techniques, les circulations sont dégagées, les espaces de travail sont facilitants, une lumière est adaptée », se réjouit Jean-Denis Clary. Et force est de constater que tous les locaux sont ordonnés : chaque chariot, chaque outil, chaque stock de pièces est à sa place. Les escaliers qui descendent au 2e sous-sol sont recouverts d’une peinture anti-poussières blanc crème, rendant l’environnement de travail en permanence propre et clair.

EN QUÊTE PERMANENTE DE SOLUTIONS

En cherchant à simplifier ses propres interventions, le personnel technique du Hyatt Regency Nice - Palais de la Méditerranée améliore également les conditions de travail des autres services de l’établissement. En effet, l’équipe cherche en permanence des solutions pour limiter les casses qui peuvent survenir au quotidien. Le passage des aspirateurs dans les chambres et des chariots dans les couloirs peut entraîner des heurts, des dommages matériels sur les murs, les plinthes, etc. Certains aspirateurs et nettoyeurs vapeur ont ainsi été « customisés » avec la pose de boudins en caoutchouc. Les nouveaux chariots motorisés possèdent des roues « pare-chocs », et sont tractés par une roue centrale qui facilite leur pilotage. Des réflexions sont actuellement menées sur les lits supplémentaires parfois demandés en chambre, qui ne sont jamais simples à installer. Un système de lits rabattables devrait être testé incessamment avec une entreprise locale. Les chariots des bagagistes, encore manuels, devraient également être motorisés dans quelques mois.

Au sommet de l’édifice, la toiture-terrasse a également été aménagée. Pour des motivations esthétiques, toute la toiture – qui constitue la 5e façade de l’établissement – a été recouverte de grilles. Celles-ci masquent les canalisations et autres tuyaux qui courent sur toute la superficie du toit. Et afin de faciliter les circulations, un cheminement en caillebotis a été spécialement aménagé parmi ces grilles pour les interventions de maintenance, et pour permettre l’accès direct aux équipements techniques. Des escaliers évitent également aux techniciens de devoir enjamber les grosses canalisations pour se rendre aux points d’intervention. Un acrotère fait office de garde-corps. Et là où les techniciens n'étaient pas suffisamment protégés, des garde-corps complémentaires ont été installés. « On travaille dans de bonnes conditions », confirme Antoine Halouse, technicien salarié de l’établissement.

Des aides techniques sont également à disposition pour assister les manutentions manuelles. Au premier sous-sol, où se situe la zone de stockage des matières premières, un stock temporaire est situé sur une mezzanine, avec à disposition une barrière écluse et un gerbeur électrique pour réduire et sécuriser les manutentions. Entre le -1 et le -2, une trappe équipée d’un palan motorisé et d’une cage permet de descendre les produits lourds (bidons, sacs de sel…). Pendant longtemps, ces transferts ont été faits par l’escalier.

Vue d'un palan motorisé.

« Quand je suis arrivé ici, le système était défectueux. On se mettait à plusieurs pour descendre les charges lourdes », explique Marc Dodu, technicien sous-traitant de Bouygues Énergies & Services, à demeure dans l’établissement. Avec la remise en service du dispositif, il se dit satisfait du système qui réduit les manutentions manuelles, et améliore les conditions de travail sur le site.

La culture sécurité dans l’établissement constitue une dynamique qui diffuse auprès de tout le personnel. « Au niveau de la sécurité, je suis inflexible et sans concession, reconnaît le directeur technique. On trouve toujours les arguments qui convainquent nos décideurs de l’intérêt d’opter pour un dispositif apportant de la sécurité. Résultat : si, chez nous, sur le papier, le service technique est le département le plus dangereux, de par la nature des activités (emploi de machines-outils comme des disqueuses, travail par points chauds…), il recense le moins d’accidents du travail. » Et il s’avère même être un acteur de premier plan pour améliorer les conditions de travail des autres services.

Corriger les erreurs du passé 

Car au-delà des aspects techniques liés au bâtiment, Philippe Roux porte également un regard attentif sur les équipements choisis pour les équipes dans les étages. Il a par exemple mené des tests et choisi les chariots motorisés dont se servent les femmes de chambre. « Comme c’est nous qui effectuons l’entretien et les réparations, c’est mieux de savoir vers quoi on s’engage », explique-t-il. Il réfléchit également plus largement à des aménagements possibles pour améliorer le quotidien des autres services et par la même occasion celui de son équipe.

À quelques kilomètres de là, à l’autre bout de la promenade des Anglais, une grande zone commerciale de la commune de Saint-Laurent-du-Var compte plusieurs hôtels. Parmi eux, le Novotel Nice Aéroport Cap 3000. Construit en 1972, le bâtiment propose 103 chambres, un restaurant, un bar, des salles de réunion et séminaires, une terrasse, une piscine, soit environ 5 000 m2 de superficie. La direction de cet établissement a suivi la formation délivrée par la Carsat Sud-Est dans le cadre de son plan d’actions régional hôtellerie-restauration (lire l'encadré ci-dessous). Les salariés actuels héritent, malgré de multiples rénovations et améliorations au fil des ans, des décisions prises lors de la construction.

PLAN D’ACTIONS RÉGIONAL EN CARSAT SUD-EST

La Carsat Sud-Est a mené un plan d’actions régional hôtellerie-restauration entre 2018 et 2022. Malgré la crise sanitaire qui est venue interrompre sa dynamique, le programme a pu être mené auprès dans une centaine d’hôtels de la côte. Il s'est appuyé sur trois axes : les métiers des étages, les opérations de maintenance et les risques psychosociaux (RPS). Ce programme régional a contribué à une hausse des taux d’équipements et au développement de partenariats en formation initiale avec des établissements scolaires. Des suites sont également envisagées avec certains services de prévention et de santé au travail de la région ainsi que des organisations professionnelles. Plus largement, un changement de perception du sujet a été observé de la part des acteurs du métier : pour beaucoup, les actions de prévention sont désormais considérées comme un investissement et non plus comme un coût, et la survenue d’un accident du travail est de moins en moins attribuée à la fatalité. Ce plan régional devrait faire l’objet d’une capitalisation et d’un déploiement auprès d’autres établissements.

« Il y avait par exemple de la place pour deux ascenseurs, mais un seul avait finalement été installé, explique Jean-Paul Aubé, le directeur. Nous n’avons donc pas de monte-charge et tout le monde doit passer par le même ascenseur. Nous sommes aussi limités au niveau des zones de stockage, nous manquons de locaux dédiés. » Ces dernières années, plusieurs projets liés à la sécurité et à l’amélioration des conditions de travail ont néanmoins été réalisés au sein du Novotel : pose d’un système de désenfumage, climatisation de la cuisine, aménagement du poste de plonge avec un ergonome. « Dans le cadre de sa politique sécurité, le groupe AccorInvest a toujours la volonté de bien faire les choses, d’aller au-delà des obligations réglementaires », souligne Jean-Denis Clary.

Sécuriser les accès à la toiture

Le dernier projet en date a porté sur la pose de garde-corps en toiture. La présence de certaines installations en toiture nécessite la venue de techniciens sur le toit : l’enseigne lumineuse de l’hôtel, deux groupes froid (un pour l’hôtel et un pour le restaurant) et enfin une antenne relais Orange. Les interventions y restent rares pour les deux techniciens de l’équipe. « Au cours de discussions sur les sujets de sécurité dans le cadre de la formation avec la caisse régionale, j’ai pris conscience que les interventions en toiture représentaient un véritable risque d’accident mortel dans l’établissement, poursuit le directeur. Ce n’était pas possible pour moi d’avoir cette épée de Damoclès, sachant que des solutions techniques existent. »

Vue d'un toit sécurisé par garde-corps.

Des garde-corps ont été installés en périphérie de toute la toiture, ainsi qu’une échelle à crinoline pour accéder à une deuxième toiture. Une passerelle a également été aménagée pour franchir un dénivelé entre deux autres terrasses. « La sécurité n’est pas notre cœur de métier. Les connaissances apportées par la Carsat et par notre siège nous aident à nous ouvrir sur les nouveautés et à prendre conscience des actions à mettre en œuvre », conclut Jean-Paul Aubé.

JOURNÉES DE FORMATION

La région Paca-Corse compte plus de 3 000 hôtels, employant près de 29 000 salariés. Le plan d’action régional mené ces dernières années visait ainsi à accompagner la montée en compétences des hôtels dans la gestion de leurs risques professionnels.
Parmi les actions menées, un module de formation « Agir en prévention, levier de performance de votre hôtel » à destination des dirigeants d’hôtels a été développé dans le cadre du plan d’action régional de la Carsat Sud-Est. Quatre sessions, rassemblant au total 56 personnes de différents groupes hôteliers (AccorInvest, Journel, Summer Hôtels), se sont déjà tenues. « Cette formation visait à sensibiliser les managers d’établissements à la sécurité et à attirer leur attention sur trois points : la prévention peut être un levier de performance dans l’hôtellerie, la conception des lieux de travail, la prévention des RPS », présente Jean-Denis Clary, ingénieur-conseil à la Caisse régionale.

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