Des flux complexes, un site exigu, des contraintes importantes… Le Brico Dépôt de Tarbes a entièrement revu sa politique de prévention des risques professionnels, avec l’aide de la Carsat Midi-Pyrénées. Pour la satisfaction de tous.
« Vous cherchez le directeur ? On n’a qu’à s’installer dans son bureau en l’attendant… il fait le tour du site, comme chaque matin », explique Vincent Penard, le responsable sécurité du magasin Brico Dépôt de Tarbes. Il est 8 heures, ce jour de juin 2024. Alors que nous pensions avoir rendez-vous avant l’ouverture des portes, les clients déambulent déjà dans les allées du magasin, tandis que les responsables de rayons, vendeurs et hôtesses de caisses s’affairent afin de répondre aux sollicitations ou de finir d’alimenter les rayons. Objectif : respecter la promesse de l’enseigne qui propose des produits immédiatement disponibles. Ce qui implique une agilité au niveau des stocks et des contraintes pour les équipes.
Le magasin au logo rouge et noir de Tarbes a été ouvert en 1998, à la place d’une autre enseigne, sur 1 500 m2. En 2011, le site est entièrement remodelé, et passe à 2 500 m2 de surface de vente, auxquels il faut ajouter 3 700 m2 de bâti roulant – une cour dans laquelle des matériaux de construction que l’on peut venir chercher en voiture sont entreposés. 70 personnes y travaillent, en deux équipes (une du matin et l’autre de l’après-midi), avec de larges horaires d’ouverture : 7 h-19 h 30 du lundi au samedi, ainsi que de 9 h à 17 h le dimanche.
Mais, pour l’heure, le plus fascinant réside dans le ballet des véhicules, à l’extérieur. Camions, camionnettes, véhicules particuliers et même voiturettes sans permis défilent… « Mais ils se croisent moins, intervient Julien Baqué, contrôleur de sécurité à la Carsat Midi-Pyrénées. Alors qu’il y a deux ans, quand je suis intervenu, nous avions relevé un endroit où il y avait jusqu’à cinq flux qui coexistaient. Avec des risques d’accidents importants. » Il incite alors l’entreprise à s’emparer du sujet.
Aujourd’hui, les déchargements de camions n’ont lieu que le matin. « On accueille chaque jour environ dix semi-remorques, et entre dix et quinze camionnettes de messagerie express, explique Vincent Penard. Les chauffeurs doivent s’arrêter à l’entrée pour que l’on puisse gérer les flux et ne pas encombrer la zone de déchargement. » Un semi transportant des pavés de bordure est en cours de déchargement : le chauffeur doit rester dans sa cabine, ou à proximité immédiate de celle-ci, ou bien se positionner dans la zone d’attente prévue à cet effet.
Gilet jaune et chaussures de sécurité sont obligatoires. « Mais ça n’est pas toujours facile de se faire comprendre, car 90 % des chauffeurs sont étrangers et beaucoup ne parlent pas français, remarque le responsable sécurité. C’est pour cette raison que j’ai créé ces affiches très visuelles. » Le camion chemine ensuite entre les nouveaux racks. « Avant, il n’y avait pas de dalle de béton ni de racks, poursuit le contrôleur de sécurité. Certaines marchandises étaient stockées dans l’herbe… la zone est beaucoup plus sécurisée depuis que ces installations ont vu le jour. »
Les camions ressortent près de la cour des matériaux, pas très loin du drive et du parking client. C’est là que le contrôleur de sécurité et le responsable sécurité avaient identifié les cinq flux, réduits à trois aujourd’hui. Des panneaux de signalisation, un marquage au sol et des barrières canalisent les véhicules. L’homme chargé de la sécurité du parc matériaux participe aussi à la régulation des flux. Lorsque les clients ont chargé leur voiture de matériaux, ils doivent s’arrêter à la barrière, couper leur moteur, ouvrir leur coffre pour que l’une des deux caissières scanne les articles. Les clients iront ensuite payer à la caisse avant de pouvoir repartir. « Mais on a beau mettre des panneaux, s’exclame Vincent Penard, certains prennent le sens interdit. » Pour limiter ce type d’entorse aux règles, il a prévu de refaire entièrement la signalisation et le marquage, notamment des flux piétons, pour sécuriser les déplacements, à la fois des clients et des salariés.
« Cet établissement est suivi et accompagné grâce au programme TMS Pros depuis 2019, reprend Julien Baqué. Un programme qui se base sur les chiffres de sinistralité des années précédentes. On les a accompagnés, formés. Ils sont montés en compétence et leur vision de la prévention des accidents du travail a changé. » Après un arrêt de travail, les salariés bénéficient désormais systématiquement d’un entretien de reprise. « À chaque accident du travail, avec les CSE, qui se réunit tous les mois, on intervient pour réaliser un arbre des causes et trouver des solutions », remarque Paul Witcamp, le directeur du site.
« Pour ma part, précise Vincent Penard, j’interviens tous les trimestres sur les questions de santé et sécurité au travail : je présente les chiffres du compte employeur, les accidents du travail du dernier trimestre, l’arbre des causes tout en m’appuyant sur les membres du CSE. » À chaque instant, il est présent dans le magasin pour veiller à l’application des mesures mises en œuvre. Il a d’ailleurs scindé le DUERP en quatre parties, et se penche plus particulièrement sur l’une d’elles chaque trimestre, de façon à passer en revue l’ensemble du document unique sur une année.
L’espace étant très contraint, l’établissement a opté pour le stockage en hauteur. Jusqu’à 4,50 m. Mais avec des règles très strictes : les racks sont remplis aux heures où la fréquentation est la plus faible, tôt le matin ou à la mi-journée. « C’est un point qui se discute, observe Julien Baqué. S’ils le font lorsqu’il y a des clients, même avec une barrière, il faut être tout le temps vigilant à ce qu’un client ne passe pas. S’ils le font lorsque le magasin est fermé, cela implique des amplitudes horaires plus importantes pour les salariés. » De plus, jusqu’à 1,80 m, la marchandise doit être attachée, puis au-delà d’1,80 m jusqu’à 4 m, tout doit être filmé. Et enfin, sur les ultimes niveaux, l’ensemble doit être filmé et sanglé.
Youssouf Camara, un salarié, est d’ailleurs en train de sangler du matériel exposé, depuis une plate-forme élévatrice de personnel – une PEMP –, l’un des 17 engins du Brico Dépôt. Treize électriques pour l’intérieur et quatre thermiques pour l’extérieur, parmi lesquels une balayeuse. Toute personne amenée à s’en servir doit avoir passé le Caces (certificat d'aptitude à la conduite d'engins en sécurité) et bénéficier d’une autorisation de conduite. « S’il a eu une conduite dangereuse, je lui retire immédiatement son autorisation. C’est sans appel », insiste le directeur.
Ce dernier et le responsable sécurité ont une obsession commune : veiller à ce que les allées soient dégagées. Pour la sécurité des clients et des salariés. Pour ce faire, ces derniers bénéficient de rolls pour les déchets. « Les cartons doivent être aplatis, ça évite aussi de laisser de la marchandise à l’intérieur, puis rangés dans les rolls de déchets », remarque le directeur. Les cartons ou les plastiques sont ensuite transformés en balles. Le poste pour cercler les marchandises a été entièrement revu. « Avant, il fallait sortir la cercleuse dans l’allée, pour s’en servir, remarque le responsable sécurité. Dorénavant, elle est positionnée à côté du poste du drive, et peut être utilisée en toute sécurité sans être déplacée. »
Depuis peu, le magasin bénéficie d’étiquettes électroniques pour indiquer les prix. « Ça n’a l’air de rien, mais c’est un vrai plus, souligne le directeur. Précédemment, les vendeurs devaient apposer les étiquettes à la main. Il fallait gratter et utiliser un spray pour les décoller et il n’était pas rare de voir des vendeurs à quatre pattes pour changer les étiquettes des rangées les plus basses. » Depuis six mois environ, les prix sont pilotés depuis un logiciel géré au niveau national.
Le national s’est également penché sur les postes d’encaissement, avec l’aide de salariés. « On revit, lance Nathalie Maladot, hôtesse de caisse, en réagissant à notre arrivée. Ces postes sont vraiment nettement mieux. » Les caissières bénéficient dorénavant de deux écrans, qui peuvent être tournés côté client ou côté caissière. Si la caissière doit se déplacer pour scanner un objet imposant qui doit rester dans le caddie, elle peut voir immédiatement la dénomination du produit et son prix à l’écran, sans refaire le tour de sa caisse.
« Mais surtout, précise Julien Baqué, elles n’ont plus de torsion du tronc. Avant, le poste était positionné dans l’autre sens, et la caissière devait se tourner une fois le produit scanné. Ça n’est plus le cas avec ces nouvelles caisses. » De plus, la salariée a le choix de travailler assise ou debout, et « je peux passer mes jambes sous la caisse quand je suis assise », complète l’hôtesse.
Nous retrouvons Nathalie Maladot au poste d’accueil. « En fonction de l’affluence, je suis à la caisse ou ici », lance-t-elle dans un éclat de rire. Là aussi, le poste a été entièrement revu, passant d’un comptoir à 360 ° à un comptoir à 180 °. Jusqu’à présent, le poste était un carré : les clients pouvaient interpeller les salariés depuis le devant, les côtés et même l’arrière de l'accueil. « C’était très désagréable pour les personnes occupant le poste, cela leur créait une forte charge mentale, de l’incompréhension et l’insatisfaction des clients qui n’étaient pas vus ou entendus », reconnaît Vincent Penard. Le nouveau poste, lumineux, réalisé avec des matériaux aux couleurs de l’enseigne, semble donner entièrement satisfaction à Nathalie Maladot.
Plus loin, dans les allées, se trouve Khaïna Tazdaït, récemment élue au CSE et passée de la caisse à la vente. « C’était une demande de ma part, explique-t-elle. Je suis en binôme pendant quinze jours pour la vente, et après je serai seule. J’avoue que j’appréhende un peu, compte tenu du nombre de palettes à mettre en rayon, mais ça devrait aller. » Le magasin ayant du mal à recruter, cela peut ajouter une charge de travail aux employés présents. Cependant, la direction, consciente du problème, s'efforce de mettre en place des solutions pour attirer de nouveaux candidats. Elle va ainsi proposer des contrats à des étudiants souhaitant travailler le dimanche… et donner plus de souplesse dans les plannings pour les salariés. Le tout devrait participer à l’amélioration des chiffres de la sinistralité, qui évoluent dans le bon sens depuis quelques années.