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Les risques psychosociaux

La formation comme première étape du changement

La direction de la mutuelle Mare-Gaillard a participé à une formation à la prévention des risques psychosociaux organisée par la CGSS et la Deets 1 de Guadeloupe. Une étape décisive dans le déploiement de la politique de prévention des RPS de l’entreprise.

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Céline Ravallec - 23/09/2022
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Illustration prévention des RPS.

Avec près de 90 ans d’existence, la mutuelle Mare-Gaillard (MMG), présente en Martinique et en Guadeloupe, est bien ancrée dans le paysage social local. Comptant une dizaine d’agences, elle emploie autour de 50 salariés au service de ses 80 000 adhérents. De par son activité, elle est confrontée aux risques « classiques » du secteur tertiaire : postures de travail au bureau, relations clients, relations internes et externes, charge de travail... La digitalisation du métier, avec des migrations vers de nouveaux outils numériques, nécessite aussi une politique d’accompagnement au changement.

C’est dans ce contexte qu’est intervenue la formation sur la prévention des RPS lancée par la CGSS et la Deets. « Un constat partagé par les contrôleurs de la Caisse était qu’il y avait des besoins sur la thématique des RPS, relate Léa Allen, psychologue du travail à la CGSS de Guadeloupe. La pandémie a accéléré les demandes, nous recevions de plus en plus d’appels d’entreprises sur le sujet. C’est pourquoi nous voulions proposer quelque chose pour les accompagner plus en amont. » Une formation d’une journée et demie a ainsi été mise sur pied, ciblant les dirigeants d’entreprise, représentants du personnel et services RH.

La première session s’est tenue en décembre 2021. Cinq entreprises, dont MMG, y ont pris part. Pour chacune d’entre elles, un membre de la direction et un représentant des salariés y participaient. « La proposition de formation est arrivée dans le prolongement de la démarche continue que nous avions initiée avec l’aide de la CGSS et de la Deets, explique Éloïde Houelche, la responsable RH de la mutuelle. Nous avions déjà établi un diagnostic RPS sur l’organisation du travail, tenté de lancer des plans d’action qui n’avaient pas abouti, car nous ne maîtrisions pas la méthodologie nécessaire. »

Période de réorganisation

« Cette formation est intervenue en pleine réorganisation de nos services, souligne Julienne Gane, directrice générale. Les RPS sont un très vaste sujet, il faut commencer par bien les identifier avant de les traiter. On a ainsi compris qu’il était nécessaire de se former avant de se lancer. » Car trop souvent, « les entreprises sont dans une posture de trouver une solution avant même de poser le problème », constate Léa Allen. Comme le souligne Jean-Philippe Mirot, contrôleur de sécurité à la CGSS, « cette formation contribue à modifier les représentations du sujet : comment mener une analyse, se remettre en cause pour redémarrer ensuite avec une méthodologie plus solide. Et le fait que dirigeants et membres de CSE soient présents et entendent le même discours, ça fluidifie la compréhension et facilite le passage à l’action ensuite ».

Outre le rappel des bases, l’analyse de cas pratiques, le visionnage de vidéos, un grand pan de la formation était consacré aux aspects juridiques. « Tous les cas concrets de jurisprudence présentés ont intéressé les entreprises, remarque Isabelle Nuissier, inspectrice du travail à la Deets. La notion de risque grave, peu connue et différente du danger grave et imminent, et appropriée au sujet des RPS, était importante à aborder. Tout comme la différence entre responsabilité civile et responsabilité pénale, ou encore la délégation de pouvoir, qui est souvent méconnue. » Une session dense et riche en informations…

LE TÉMOIGNAGE DE...

Isabelle Nuissier, inspectrice du travail à la Deets Guadeloupe

« La Guadeloupe est un territoire avec un secteur tertiaire très présent (banques, mutuelles…), généralement exposé aux risques psychosociaux. La crise sanitaire a été un déclencheur. Il était temps de mettre en œuvre une offre qui réponde aux questions des entreprises qui, jusque-là, se débrouillaient seules, chacune à sa façon, avec ses moyens. On sent que les risques psychosociaux interpellent, mais aussi que les dirigeants sont démunis. Si en matière de santé au travail, les employeurs savent que leur responsabilité est engagée, mettre des notions juridiques en face des mots était nécessaire. Il y a souvent peu d’anticipation sur ces sujets, il était important d’insister sur le fait qu’il ne faut pas se contenter de mesures correctives, mais bien organiser une prévention primaire des risques psychosociaux. »

« Le sujet paraît effrayant au début, commente Éloïde Houelche. En tant que RH, on a déjà toute la gestion du personnel. Y ajouter un gros volet RPS interroge : comment va-t-on faire ? Où va-t-on trouver le temps ? La formation démontre que ce qui paraît une montagne peut se décliner par des actions simples, comme des petites réunions mensuelles. Avec beaucoup de pédagogie, de bienveillance, et à condition d’associer tout un chacun (direction, managers, équipes…), les actions se mettent vite en place. » À la suite de cette session, une dizaine de personnes de la mutuelle (membres de la direction, du CSE, managers) ont suivi une déclinaison de la formation sur une journée. Une façon d’embarquer toutes les strates de l’entreprise sur le sujet.

Prise de conscience collective

« Depuis 2012, la mutuelle a connu plusieurs périodes de tensions, résume Cynthia Balon, responsable animation commerciale et membre du CSE. Nous évoquions les RPS, nous pensions être sensibilisés à ces risques sans l’être vraiment. En tant que représentants du personnel, nous n’allions pas au fond du sujet. Avec cette formation, nous avons pris conscience de ce que sont les RPS. Et nous avons suivi une autre formation sur le sujet, en juin dernier, par un autre organisme. Tout cela crée une évolution culturelle dans l’entreprise vis-à-vis de ces risques. »

Chez MMG, un diagnostic réalisé dans le prolongement de la formation a abouti à la rédaction d’un plan d’action. Les situations de travail ont été classées par facteur de risque, avec des personnes dédiées au suivi, des délais fixés. Un comité de pilotage se réunit tous les quinze jours pour en suivre l’avancement. Parmi les actions déjà mises en œuvre figure la gestion des remplacements lors des arrêts maladie. « Il a été décidé de former des binômes dans les agences, ainsi que d'avoir une personne volante qui puisse venir en renfort et permettre la continuité de service en cas d’absence », présente Éloide Houelche. Diverses actions pour favoriser une meilleure reconnaissance au travail (primes, promotions en interne, valorisation du travail…) ont également été déployées.

LE TÉMOIGNAGE DE...

Éloïde Houelche, responsable des ressources humaines chez MMG

« Cette formation a profondément changé mon regard sur les RPS. Elle nous a apporté le bagage nécessaire pour identifier et analyser les situations. Sans elle, nous n’aurions pas fait de plan d’action structuré. Grâce à la formation, nous avons pris conscience que notre situation devenait urgente, malgré des indicateurs plutôt rassurants (faible turn-over, arrêts maladie et accidents du travail dans la moyenne). Aujourd’hui, les RPS sont une de nos priorités. On est une petite structure, on est là pour apprendre, s’améliorer, ce n’est pas inné. D’où l’importance que ça passe par la direction générale. Il est aussi primordial que les managers participent au plan d’action, pour s’impliquer dans la durée. Pour la pérennité de l’entreprise, nous savons qu’il faut être plus vigilant et analyser les indicateurs différemment. Tout ceci constitue une véritable évolution de notre culture. Cela nous a aussi permis de prendre en considération les évolutions du monde du travail depuis la crise Covid, et les futurs enjeux RH. »

Illustration prévention des RPS

« Associer la direction générale, les managers et les élus était vraiment formateur. On a tous reçu le même niveau d’information », poursuit Cynthia Balon. Cette formation a ainsi outillé les dirigeants pour qu’ils soient en capacité de piloter une démarche lorsqu’ils font appel à un prestataire externe - critères pour choisir un consultant, modalités pour rédiger un cahier des charges –, puis d'en assurer le suivi et le contrôle. « Avant, on le faisait parce qu’on était obligés, dans un cadre réglementaire et non dans une démarche programmée, relate Julienne Gane. Aujourd’hui, nous voulons mettre en œuvre et réussir ce plan. Peut-être y aura-t-il besoin de piqûres de rappel pour que la dynamique perdure. » Et surtout, « il est important de ne pas lâcher les chefs d’entreprise une fois que la démarche est commencée », conclut Isabelle Nuissier.

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