[Article paru dans le numéro de Travail & Sécurité de décembre 2022]
Depuis quelques jours, les deux petits cimetières jouxtant l’église du Châtelet-sur-Meuse, en Haute-Marne, sont le théâtre d’une activité inhabituelle. Les unes après les autres, des tombes disparaissent… Rien à voir cependant avec des pilleurs d’art funéraire ou des rites hérétiques. Il s’agit d’un chantier de restructuration réalisé par une équipe d’Ad Vitam, la branche « cimetière » du groupe Finalys Environnement dont les autres entités mènent des études d’ingénierie géographique et hydraulique pour aider les communes à mieux maîtriser l’aménagement de leurs territoires.
Sécuriser les lieux
L’un des objectifs des travaux en cours, lancés après quatre ans de recherches pour retrouver les éventuels descendants puis trois ans de délai légal, est de sécuriser les lieux car les monuments funéraires non entretenus peuvent devenir dangereux. « En France, tous les ans, une demi-douzaine de personnes chutent dans des caveaux aux pierres tombales fragilisées ou sont heurtées par des stèles qui se renversent, remarque Didier Terragno, le fondateur et dirigeant du groupe. Nos interventions visent également à faire de la place aux nouveaux défunts. » Au Châtelet-sur-Meuse, le nombre de concessions disponibles passera ainsi de trois à 85, repoussant à une soixantaine d’années la nécessité pour la commune d’investir dans un nouveau cimetière.
L’opération, qui consiste à démonter puis évacuer les sépultures et à exhumer les ossements avant de reboucher le trou, est désignée sous le terme « relevage ». « Quand j’ai commencé en 2003, j’avais un Kangoo, deux diables, une brouette, une pelle et deux barres à mine pour tout matériel, se souvient Didier Terragno. J’ai cassé des pierres tombales, transbahuté les morceaux, creusé… bref, je connais le métier et il m’est apparu indispensable de faire évoluer les conditions de travail. » Mais les espaces étroits qui séparent les dernières demeures sont un frein à la mécanisation des tâches.
Si, dans un premier temps, l’achat de brouettes motorisées a soulagé les salariés lorsqu’il s’agissait d’amener granit, marbre, bois et métal jusqu’aux bennes à déchets à l’extérieur du cimetière, leur chargement et déchargement restaient manuels. C’est l’acquisition de mini-engins, des pelleteuses et des chargeuses, capables d’atteindre la majorité des tombes en se faufilant dans des allées d’un mètre de large, qui a réellement changé la donne.
Un investissement dans du matériel adapté
Le godet de la pelleteuse peut être remplacé par une pince pour se saisir des pierres tombales et des stèles qui sont directement transférées à la chargeuse. « À l’origine, cette pince est utilisée pour positionner les bordures de trottoir. Mais je me suis dit qu’elle serait parfaite pour notre activité. Elle se resserre sous le poids de la charge, qui ne risque pas de lui échapper », souligne Didier Terragno. Il est donc de plus en plus rare que les éléments des monuments funéraires soient sanglés au godet de la pelleteuse : ce n’est pas toujours stable, et les salariés risquent de se faire écraser la main en détachant les sangles.
Autre amélioration : grâce à son bras télescopique pouvant soulever 1,6 tonne, la chargeuse vide directement les matériaux dans les bennes, supprimant là aussi des manutentions. « Et, bien sûr, nous utilisons la pelleteuse pour excaver les tombes. Grâce à la rallonge amovible du bras articulé, plus de pelle à manier, même lorsque les restes à récupérer sont enfouis profondément », se félicite Raphaël Vuillemard, un ouvrier polyvalent. « Avant, nous devions étayer le trou pour terminer de creuser, le tout manuellement. Nous gagnons du temps, nous faisons moins d’efforts physiques et il n’y a plus de risque d’ensevelissement », se réjouit Mohamed Sahli, chef d’équipe.
sont restructurés annuellement par les équipes d’Ad Vitam.
Équipés d’EPI adaptés (gants renforcés et combinaison jetable étanche, lunettes de protection, casque et masque), les salariés exhument les restes contenus dans les tas de terre excavée à l’aide de binettes. Ils entreposent les os, qu’ils aspergent de solution antiseptique, dans un reliquaire en bois qui sera conservé dans le tombeau communal. Après avoir enlevé leurs EPI, ils se désinfectent les mains et le visage avec des lingettes. « C’est par principe de précaution car, d’après les études sur le sujet, aucun pathogène ne subsiste plus 18 mois après la mise en terre. Et les tombes que nous relevons ont au minimum plusieurs dizaines d’années… », indique Didier Terragno. « Pour descendre dans les caveaux, nous portons un masque couvrant tout le visage, ajoute Carl-Alexis Bouliung, un manœuvre. C’est un peu gênant au début, mais on s’y habitue rapidement. »
De plus, lorsque les caveaux comportent plusieurs niveaux, les salariés sont assurés par un harnais et une longe afin de les extraire rapidement en cas d’effondrement du plancher. « Ce n’est pas idéal, mais il n’existe pas de solution totalement satisfaisante à l’heure actuelle, remarque Fabrice Baretti, contrôleur de sécurité à la Carsat Bourgogne-Franche-Comté. Mais Finalys étant engagée dans une démarche de prévention pérenne, nul doute que leur veille en la matière permettra de faire évoluer les choses. » D’autant que Xavier Georges, qui doit prendre la tête de l’entreprise en début d’année prochaine lors du départ à la retraite de Didier Terragno, possède la même fibre sécuritaire que le dirigeant historique. Lui aussi a débuté sa carrière sur le terrain et en connaît les difficultés.
FICHE D'IDENTITÉ
Nom : Ad Vitam, groupe Finalys Environnement
Activité : étude et réhabilitation de cimetières
Lieu : Chassey-lès-Scey (Haute-Saône)
Effectif : 15 salariés
Volume d’activité : 100 chantiers par an
Chiffre d’affaires annuel : 1,4 million d’euros