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Fromagerie

Faciliter l'affinage grâce aux aides mécaniques

Rose, beige, grise… La moisissure – surnommée aussi poil de chats – qui caractérise les fromages saint-nectaire est l’objet de toutes les attentions. Elle nécessite un travail quotidien des affineurs, souvent manuel mais pouvant aussi bénéficier d’aides mécaniques.

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Delphine Vaudoux - 18/01/2023
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Un opérateur frotte un saint-nectaire dans une cave d'affinage.

« Je vous laisse avec Maurilia, je reviens à la fin pour faire mon Stéphane Bern. » C’est ainsi que Dominique Prugne, directeur général (DG) des Terres d’Auvergne, nous accueille sur son site de Besse-et-Saint-Anastaise, dans le Puy-de-Dôme. À l’issue de 3 heures de visite avec Maurilia Cartier, responsable qualité, c’est un dirigeant passionné et passionnant qui nous narre l’histoire de cette entreprise d’affinage de saint-nectaire dans laquelle il travaille depuis ses seize ans, et dont il vient d’agrandir les locaux pour améliorer les conditions de travail.

Les Terres d’Auvergne sont nées du rapprochement des fromageries Prugne – créée par ses parents dans les années 1960 – et Roche, fondée avant la Seconde Guerre mondiale. La nouvelle entreprise voit le jour en 1999, dans un bâtiment de 2 000 m2 sur le site actuel, qui a bénéficié d’un agrandissement de 400 m2 en 2001. « Au démarrage, nous étions quinze. Aujourd’hui, nous sommes 35 salariés et cinq intérimaires », explique le DG. En 2019, il décide d’agrandir le site et se rapproche de la Carsat Auvergne à qui il avait déjà fait appel. Alexandre Sanmarti, contrôleur de sécurité à la Carsat, l’incite à réaliser un diagnostic ergonomique afin d’identifier les points d’amélioration.

C’est le cabinet Aphos Ergonomie qui s’en charge. « Il est arrivé au bon moment, s’enthousiasme le directeur général. On avait déjà identifié des points à améliorer, mais on a pu modifier les plans pour tenir compte des préconisations du cabinet conseil, notamment la hauteur de certaines tables, le placement du matériel ou encore les flux. »

Les flux et la marche en avant 

L’agrandissement du site a tout d’abord permis de créer de vastes locaux sociaux, parmi lesquels un espace de restauration avec vue sur les montagnes, et des vestiaires dotés de douches. Les flux ont été revus pour respecter le principe de la marche en avant. L’entreprise collecte des saint-nectaire fermiers en blanc tout frais auprès de 35 producteurs de la zone d’appellation. Elle se charge, pendant quatre à six semaines selon les arrivages et les demandes des clients, de les affiner pour qu’ils acquièrent cette croûte qui va du rosé au gris.

Durant leur affinage, les saint-nectaire – d’environ 1,6 kg pièce – sont d’abord déposés sur des clayettes composées d’un store en plastique recouvert d’un paillon de seigle. Les sols, lisses, permettent d’amener aisément les chariots d’affinage dans l’une des douze caves enterrées. Toutes les semaines, les fromages seront lavés à l’eau salée pour favoriser et maîtriser le développement des fleurs de surface. Puis ils sont retournés et frottés. Des opérations qui sollicitent les bras et épaules des affineurs, même s’ils sont aidés de machines à laver.

1,6 kg

c’est le poids d’un saint-nectaire, qui nécessite d’être lavé, retourné et frotté toutes les semaines.

« Avant, celles-ci étaient branchées sur secteur, ce qui posait des risques électriques et demandait aux affineurs de venir aux machines. Dorénavant, elles sont sur batterie et peuvent aller jusqu’au fond des caves », souligne Maurilia Cartier. Elles doivent être nettoyées et passent dans le bac de trempage très régulièrement. Pour cela, elles sont soulevées à l’aide d’un treuil commandé par l’opérateur depuis une passerelle et plongées dans un bac d’eau à 80 °C.

Les clayettes, nettoyées au jet haute pression, devraient sous peu bénéficier des nouvelles armoires de lavage déjà installées, mais pas encore en fonctionnement. « Associées à un système de distribution centralisé des liquides lessiviels, elles nous permettront de réduire l’usage du jet et des produits chimiques, et donc de limiter manutentions et expositions des opérateurs aux produits chimiques », poursuit la responsable qualité.

Des opérations encore manuelles 

Le frottage des saint-nectaire, pour aplanir les fleurs naturelles, se fait à la main. « Je rêve de trouver une solution pour semi-mécaniser cette opération, souligne Dominique Prugne. Mais c’est un geste précis, dans lequel l’humain est important… et, pour l’instant, je n’ai pas la solution. » Ainsi, chaque jour, quatre affineurs frottent les 10 000 fromages affinés dans une cave, équipés de masques FFP2 qu’ils changent trois fois par jour. Ils portent également des gants fins pour sentir les fromages, ainsi qu’une combinaison et des bottes.

« Cela fait douze ans que je suis là, explique Jean-Yves, l’un d’entre eux. Je ne ressens pas de douleur. » Maurilia Cartier leur a fait tester des planches en mousse pour s’agenouiller, ou bien des genouillères, mais ils préfèrent s’en passer. Quant aux masques à cartouche, ils ont été jugés trop lourds. « Dans l’idéal, ils ne devraient pas frotter des fromages situés trop bas, ni trop haut sur les clayettes, ça génère des postures contraignantes. De plus, nous avons fait des prélèvements d’aérosols biologiques avec le Centre de mesures physiques et l’INRS, et les taux sont élevés, complète Alexandre Sanmarti. Une extraction d’air a été mise en place, mais elle est limitée pour ne pas modifier l’hygrométrie des caves qui doit rester autour de 95 %. »

Un salarié de la fromagerie prépare la saumure.

Dans le couloir desservant les caves, Sébastien Gay, responsable affinage, prépare la saumure destinée au lavage des fromages. Il verse 100 kg de sel pour 300 l d’eau qu’il brasse à l’aide d’une grande spatule : « Le cabinet d’ergonomie m’a demandé trois motifs de satisfaction et trois points à améliorer. J’ai cité ce poste. » Financée en partie par la Carsat, une vis sans fin est prévue pour acheminer le sel depuis une trémie, tandis que l’opération de brassage sera mécanisée.

Après quatre à six semaines d’affinage, les saint-nectaire fermiers sont prêts à partir chez les clients, des fromagers ou des grandes surfaces. Ils passent par la peseuse et l’emballeuse automatiques. Une découpe étant parfois demandée, Orlane Roche, une opératrice, nous montre la trancheuse automatique qui vient d’arriver : « Elle va nous soulager et nous faire gagner du temps. Reste à positionner une table pour réaliser la mise sous vide dans la foulée, à la bonne hauteur. » « C’est une solution intéressante, remarque le contrôleur de sécurité, mais il faut aussi être vigilant au risque de coupure, notamment lors des changements de lame ou des opérations d’affûtage. » Des gants en maille ont été achetés pour ces opérations. Les fromages affinés sont ensuite conditionnés dans des cartons, préformés depuis l’important stock désormais rangé dans les nouveaux sous-sols de l’établissement.

Aujourd’hui, Les Terres d’Auvergne occupent 5 000 m2, après avoir investi 5 millions d’euros pour l’agrandissement. Dans les bureaux, restent çà et là des cartons. « On est revenu il y a deux semaines, s’excuse Maurilia Cartier. Il y a encore des choses à mettre en route, mais cela progresse bien. » Une installation qui prendra peut-être davantage de temps à Dominique Prugne qui a voulu un bureau à chaque extrémité des 120 m du nouveau bâtiment : l’un à la production, l’autre à l’administration…

FICHE D'IDENTITÉ

Nom : Les Terres d’Auvergne
Activité : affinage de fromages, essentiellement du saint-nectaire fermier
Lieu : Besse-et-Saint-Anastaise (Puy-de-Dôme)
Effectif : 35 salariés plus 5 intérimaires
Production : 1 500 tonnes de fromages affinées par an
Chiffre d’affaires : 15 millions d’euros

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