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Logistique

Le ruissellement de l’amélioration continue

La filiale logistique de Maisons du Monde, implantée dans les Bouches-du-Rhône, est composée de neuf bâtiments. Elle a mis en place, sur l’ensemble de ses locaux, une politique de prévention des risques professionnels basée sur l’amélioration continue, avec un système de remontées d’information efficace et des méthodes de résolution de problèmes mises en œuvre à tous les étages. Conséquence : les bonnes pratiques se multiplient et ruissellent d’un entrepôt à l’autre.

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Corinne Soulay - 07/06/2023
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On s’attendrait à la caverne d’Ali Baba, avec un enchevêtrement de fauteuils, de miroirs, de bougies chauffe-plat et autres coussins multicolores… Que nenni : les entrepôts de Distrimag, la filiale logistique de l’enseigne de décoration et d’ameublement Maisons du Monde, offrent une réalité tout autre. Dans chaque bâtiment, la même impression d’ordre et de propreté : des allées dégagées, des racks rangés au cordeau, des palettes stables, une circulation fluide, des zones de travail bien identifiées…

« Dans le secteur de la logistique, c’est assez exceptionnel, commente Olivier Trojani, contrôleur de sécurité à la Carsat Sud-Est. C’est notamment dû à un système de panneaux standardisés, avec un code couleur et différentes tailles, qui permet même aux non-initiés – intérimaires, nouveaux employés… – de s’y retrouver en un coup d’œil. »

Distrimag est une entreprise constituée de quatre pôles répartis sur neuf bâtiments, implantés à Fos-sur-Mer et Saint-Martin-de-Crau, dans les Bouches-du-Rhône. En tout, 440 000 m2 et 750 salariés dédiés à la réception, au stockage et à la préparation de quelque 12,7 millions de produits livrés chaque année en magasin ou à domicile, dans toute l’Europe. L’activité y est intense, et pourtant… tout semble à sa place.

« À partir de 2018, nous avons adopté la méthode 5S, précise Lucile Williams, responsable qualité, hygiène et sécurité (QHS). Cela consiste à optimiser et assainir l’environnement de travail en jouant sur cinq paramètres : éliminer le superflu, ranger, nettoyer, standardiser et respecter. » Un souci du détail poussé loin : la forme du balai est dessinée au mur pour indiquer où l'accrocher.

En ce matin de février, le pôle de Feuillane, spécialisé dans le stockage « multiproduit » – des éléments peu encombrants comme la vaisselle, le textile, les bougies… – réceptionne un conteneur de 1 250 colis. Dans la zone de réception, différents aménagements permettent de réduire les postures contraignantes. Une nacelle articulée, positionnée devant le conteneur, approche l’opérateur au plus près de la marchandise afin qu’il puisse s’en saisir à hauteur d’homme.

Une culture de l’amélioration continue

Les différentes zones de travail sont concrétisées par un marquage au sol et la coactivité engins-piétons est régie par des règles strictes : dans la zone de réception, à l’exception des gerbeurs, tous les engins sont proscrits. « J’accompagne Distrimag depuis 2014 et il y a vraiment eu un changement à partir de 2018, avec la nomination d’un responsable sécurité par pôle chargé d’animer la sécurité et la prévention au plus près des équipes, ainsi qu’une centralisation de ces questions autour de la responsable QHS. L’entreprise est entrée dans une nouvelle dimension de la prévention », remarque Olivier Trojani. C’est à cette période qu’a été lancée la démarche de lean management baptisée Distriway, qui allie qualité et sécurité.

« L’idée est d’instaurer une culture de l’amélioration continue, souligne Lucile Williams. À chaque niveau de l’entreprise, on dispose d’outils et de méthodologies qui permettent de partir d’une question pour arriver à un plan d’action. Pour chaque équipe, ont été mis en place un système de médaille qui récompense les bonnes pratiques et un tableau avec des fiches d’amélioration afin de faire remonter les dysfonctionnements et de visualiser l'étape de résolution où ils se trouvent. »

« Quand des améliorations jaillissent sur un site, ça ruisselle dans les autres bâtiments. »

Dans le cas de situations plus lourdes à aborder, un processus spécifique a été prévu : « Si le problème ne peut pas être réglé au niveau de l’équipe, poursuit Lucile Williams, on implique alors le Comop – qui regroupe responsables du pôle, RH, exploitation, sécurité, qualité, etc. – et si cela exige une solution encore plus globale, cela remonte au Codir. » Lorsque la situation implique plusieurs directions ou un investissement conséquent, le mode projet est activé, avec la constitution d’un groupe de travail et des ressources dédiées. L'installation du convoyeur de Feuillane, par exemple, résulte d’un projet engagé après que les équipes ont identifié un problème de flux et d’ergonomie aux postes de travail.

Dans le bâtiment où se déroulent l’emballage et la préparation de commandes, l’activité bat son plein. Mais, là encore, on est loin de la fourmilière attendue. « La taille des équipes est limitée pour garantir la proximité managériale et l'animation de notre démarche Distriway », précise Jean Soreau, responsable sécurité du pôle. Dernièrement, les remontées de terrain ont débouché sur plusieurs changements, notamment l’achat de nouveaux cutters, à lames rétractables, et de scotcheuses plus légères.

En 2020, une personne s’était pris les pieds dans les fourches d’un chariot à l’arrêt dans la zone. Réaction immédiate : les engins n’ont désormais plus le droit d’y stationner. Pour emballer les miroirs les plus imposants dans du papier bulle, des tables réglables en hauteur et inclinables ont été installées. Un système de butoir permet de basculer le carton contenant le miroir dessus et de le faire glisser sans trop d’effort. « Mais cette solution n’est pas satisfaisante, note Lucile Williams. À terme, nous souhaitons supprimer ce poste, encore trop contraignant : nous travaillons actuellement avec les fournisseurs pour qu’ils protègent directement les objets à l’intérieur du carton. »

Autre pôle, autres problématiques. À une trentaine de kilomètres, le site de Dyna, qui s’étend sur 96 000 m2, accueille petits et moyens meubles. Afin de gagner de la place de stockage, la largeur des allées a été réduite au minimum. Dans ces conditions, le travail des caristes est facilité par l’utilisation de chariots élévateurs tridirectionnels. L’engin est guidé entre les racks par filoguidage, un système de capteurs au sol. Arrivé devant le bon emplacement, la cabine s’élève à hauteur des colis sans que le conducteur n’ait à lever la tête.

En réception, après trois accidents liés à la cercleuse manuelle, un projet a été lancé. Une machine automatique a été testée en décembre 2021 puis adoptée. « Plus besoin de cutter et je n’ai plus à me baisser donc je n’ai plus mal au dos », se réjouit Salah, un opérateur. La cercleuse a ensuite été proposée aux autres pôles. « Quand des améliorations jaillissent sur un site, ça ruisselle dans les autres bâtiments », s’enthousiasme Olivier Trojani.

Un centre de formation interne

Autre exemple de cette cascade vertueuse : en 2021, afin d’améliorer l’accueil des intérimaires, Hélène Bertinetti, la responsable sécurité de Dyna, a créé une formation spécifique d’une demi-journée, dispensée dans un local dédié. « Certains n’ont jamais travaillé dans la logistique, c’est l’occasion de les sensibiliser aux risques, mais aussi de les familiariser avec l’organisation de leur équipe. » Bilan : en un an, le pôle a vu son taux de fréquence d’accidents du travail divisé par deux…

Et le concept a fait tache d’huile : en 2022, il a été déployé sur tous les sites sous le nom de « Distrischool ». Pour Lucile Williams, la formation est un levier de prévention central : « Grâce à notre centre de formation interne, tous nos collaborateurs sont formés aux bons gestes et postures, chaque équipe compte deux SST (sauveteurs secouristes du travail) et les managers sont formés Prap (prévention des risques liés à l'activité physique). »

BIENVENUE À LA DISTRISCHOOL


© Claude Almodovar pour l'INRS/2023

En 2021, Hélène Bertinetti, responsable qualité et sécurité du pôle Dyna – petits et moyens meubles – chez Distrimag, lance la « Dynaschool ». Objectif : améliorer l’accueil des intérimaires. Dans une salle dédiée, les nouveaux arrivants reçoivent une demi-journée de formation, dispensée dans un local dédié et basée principalement sur des supports visuels (affiches, tableaux, vidéos…) pour favoriser l’apprentissage. Au programme : un panorama des différents métiers du secteur de la logistique, une sensibilisation aux risques auxquels ils peuvent être exposés, aux points de vigilance, aux EPI et aux consignes à connaître, une présentation de l’organisation de leur équipe et des interlocuteurs auxquels ils peuvent s’adresser en cas de problème. Un focus est fait sur les consignes spécifiques à leur service. Ainsi, un intérimaire en réception se verra exposer les bonnes pratiques de déchargement, de dépalettisation ou encore les bons réflexes à adopter en cas de colis abîmé. La session se termine par un questionnaire puis les nouveaux bénéficient d’un accompagnement sur le terrain durant deux jours et sont revus au bout de quatre pour s’assurer que l’adaptation se fait au mieux et que les process sont acquis. Si ce n’est pas le cas, ils sont revus en formation. Le concept a récemment été déployé sur les différents sites : la « Dynaschool » s’est transformée en « Distrischool ». Le dispositif s’adresse non seulement aux nouveaux arrivants, mais aussi aux employés qui viennent en renfort sur un autre pôle que leur lieu de travail habituel. Ils suivent ainsi la formation pour être sensibilisés au fonctionnement et aux spécificités du site sur lequel ils opèrent exceptionnellement. 

Au quotidien, la prévention progresse aussi par d’autres canaux. Cap sur le pôle de Boussard, dédié à la décoration et aux meubles volumineux. Comme chaque matin a lieu un point chapeauté par le responsable d’exploitation du site, avec tous les chefs d’équipe. L’occasion pour eux d’évoquer les remontées de terrain recueillies lors de leur propre réunion quotidienne avec leurs équipes. Des informations qui seront ensuite relayées à la réunion du Comop, puis à celle du Codir.

En outre, dans chaque équipe, une personne, qui change régulièrement, est chargée d’animer un sujet de sécurité choisi pour deux semaines. Rangement des palettes, conduite de chariot…. Ce « bienveillant » effectue des tours de terrain pour appeler à la vigilance. À Boussard, une strate d’animation supplémentaire a été mise en place. « Tous les mois, un sujet est mis en avant au niveau du bâtiment entier, via des vidéos, des communications… En ce moment, on s’intéresse au thème suivant : “Pour parler, je descends de mon engin” », précise Pierre Cosson, responsable sécurité du site.

À quelques centaines de mètres, le pôle Eva, créé en 2020, se démarque des autres. Très peu de produits y sont stockés : il accueille un des showrooms de Maisons du Monde ainsi que l’atelier de reconditionnement et de réparation pour les retours-clients et les produits endommagés (litiges qualité avec le fournisseur, articles comportant un défaut sur toute la série…). Sur 30 000 m2 cohabitent donc couturières, ébénistes, peintres…

Des aménagements sur mesure

Des professions artisanales pour lesquelles certaines mesures de prévention ont été anticipées. À l’ébénisterie, tous les postes de travail sont pourvus de ponceuses avec aspiration à la source, pour supprimer les émanations de poussières de bois, et supendues à des potences par des bras articulés. Deux cabines de peinture permettent aussi de travailler en sécurité avec une aspiration latérale pour le captage des aérosols.

Mais, là encore, on mise sur l’amélioration continue. « Au départ 28 000 produits par an étaient réparés, reconditionnés puis remis en stock. Aujourd’hui, c’est 63 000, pointe Nathalie Borja, responsable sécurité du pôle. Cette montée en puissance a nécessité de s’adapter. On a rassemblé des groupes de volontaires pour travailler sur différents sujets : fluidification des flux, ergonomie… » Résultat, le plan de circulation a été révisé pour réduire les risques de collisions engins-piétons et des meubles sur mesure ont été fabriqués.

Distrimag - Site de Feuillane

Pour désencombrer la zone d’emballage, des dessertes mobiles en nid d’abeille abritent désormais tout le matériel nécessaire aux opérateurs. Quant aux ébénistes, qui souhaitaient pouvoir travailler assis, ils disposent de chaises roulantes élaborées à partir des best-sellers en velours coloré de l’enseigne. Pour l’heure, une étagère est en cours de réalisation pour stocker les produits chimiques de l’ébénisterie. Colle, liquide nettoyant, vernis, cire, produits inflammables… « Nous avons identifié une situation à risque : on avait tendance à laisser les produits sur les postes de travail, explique Cédric Nougier, le chef d’équipe. Chacun a désormais à disposition un bac de rétention pour rassembler tous ses produits en fin de journée. »

Dans tous les pôles, et à tous les niveaux, l’amélioration se poursuit. De son côté, Lucile Williams doit s’atteler à un gros chantier en 2023 : « Jusqu’à maintenant nous avions un document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP) pour toute l’entreprise. Mais vu leurs spécificités, nous avons décidé d’en créer un par site pour mieux agir sur les risques. »

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