Travail & Sécurité. Fin juin s’est déroulée une réunion de restitution du projet Arrim. De quoi s’agit-il ?
Jérôme Rebelle. Dans le cadre d’une étude que je mène sur l’arrimage depuis juillet 2021, nous avons répondu à un appel à projets lancé par l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR). L’un des objectifs était d’actualiser les chiffres concernant le nombre d’accidents intervenant sur la route impliquant un défaut d’arrimage. Mais aussi de créer des données susceptibles d’être utilisées pour développer des supports de prévention. Pour le premier volet, nous avons travaillé avec le Laboratoire mécanismes d’accidents (LMA) de l’université Gustave-Eiffel de Salon-de-Provence, qui a eu accès à la base de données regroupant des procès-verbaux des forces de l’ordre et a mené une analyse entre 2010 et 2020. Résultat : sur les voies de circulation en France, 16 accidents par an sont en lien avec un défaut d’arrimage ou une chute de chargement. La France n’est pas parmi les meilleurs pays d’Europe sur la qualité de l’arrimage lors des transports routiers de marchandises. Souvent, le matériel utilisé est défectueux (sangles prédécoupées, maillon de chaîne tordu…) ou attaché sur des points d’arrimage non prévus à cet effet. Selon la Dreal (Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement), qui réalise des contrôles sur le territoire, seuls 20 % des chargements bénéficient d’un arrimage sûr : un arrimage direct (entre deux points d’amarrage, un sur le chargement, un sur le bord du plateau du camion) ou indirect (par frottement) ou par calage. Cela implique aussi de choisir les dispositifs appropriés (sangle à cliquet, câbles ou chaînes).
Quelles autres recherches avez-vous réalisées dans le cadre de ce projet ?
J. R. Nous avons mené des essais sur le site de Transpolis, dans l’Ain. Il s’agissait de simuler en conditions réelles deux situations – freinage d’urgence et virage – d’un poids lourd transportant un chargement, d’une part arrimé tel que c’est préconisé par la norme et, d’autre part, selon des pratiques couramment observées sur le terrain (manque d’arrimage). Avec, en conséquence, une projection de la palette vers l’avant ou un échappement sur le côté. Les mesures réalisées (effort, dynamique du véhicule…) vont permettre de créer des supports de prévention afin d’améliorer l’information des opérateurs. Nous travaillons aussi sur un volet numérique, ébauché dans le cadre du projet Arrim. Nous cherchons à reproduire informatiquement un large panel de situations, en jouant sur tous les paramètres pour bien comprendre les phénomènes physiques qui s’opèrent (contact charge/plancher et sangles/charges, déformation du chargement, étirement des sangles…). L’idée est de s’en servir pour créer des aides à l’arrimage sur des cas spécifiques. Transport de sable, de packs d’eau, de vitres… L’objectif est de mettre à disposition des professionnels du contenu pratique opérationnel, pour leur faciliter le travail et qu’ils aient moins de questions à se poser pour mettre en oeuvre un arrimage sûr, adapté à la charge.
La norme n’est-elle pas suffisante ?
J. R. C’est un compromis, qui implique un certain nombre de simplifications. La norme s’appuie notamment sur l’hypothèse d’une charge rigide et indéformable. Cela marche donc pour un bloc d’acier ou de pierre, mais pas pour des marchandises plus molles ou fuyantes, comme des sacs de terreau par exemple… L’un des objectifs de l’étude est de proposer des pistes d’amélioration de cette norme, pour qu’elle soit plus adaptée à la réalité du terrain et aux différents types de charges et de transports que l’on voit sur la route. Les résultats sont prévus pour la fin 2024.