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Santé au travail

Médecine du travail : les grands changements de 2024

Cotisations dues aux SPSTI en cas de multi-emplois, collaboration avec la médecine de ville… Plusieurs décrets concernant la médecine du travail sont applicables depuis le 1er janvier 2024. Le point sur les changements attendus pour les salariés, les employeurs et les services de prévention et de santé au travail.

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Corinne Soulay - 29/02/2024
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Illustration d'une visite à la médecine du travail.

Salariés multi-employeurs : une cotisation partagée

Jusqu’à maintenant, lorsqu’un salarié cumulait plusieurs emplois, chacun de ses employeurs cotisait individuellement au service de prévention et de santé au travail interentreprises (SPSTI). Désormais, le SPSTI de l’employeur principal - celui pour qui la date de conclusion du contrat de travail est la plus ancienne ou celui chez qui la durée de travail contractuelle est la plus importante - répartit à parts égales la cotisation entre les différentes entreprises. « Cette mutualisation de la cotisation revêt un enjeu économique pour les branches où le multi-emploi est répandu, comme les services et l’aide à la personne », souligne Thibaut Fleury, directeur général d’Efficience Santé au Travail, SPSTI comptant 20 000 entreprises adhérentes en Île-de-France.

Mais tous les salariés multi-employeurs ne sont pas concernés : cela s’applique à ceux qui ont au moins deux contrats de travail simultanés, pour un emploi identique, c’est-à-dire relevant du même code de la nomenclature PCS ESE [NDLR. Nomenclatures des professions et catégories socioprofessionnelles des emplois salariés des employeurs privés et publics.]. Autre condition, le travailleur doit présenter le même type de suivi chez tous ses employeurs. Une personne qui bénéficie d’un suivi simple chez un premier employeur, mais d’un suivi adapté chez un autre, car il travaille de nuit par exemple, ne rentre ainsi pas dans ce cas de figure.

« Il va falloir identifier un à un les salariés multi-employeurs et vérifier qu’ils respectent bien les conditions cumulatives, pointe Thibaut Fleury. Sachant que certains, notamment ceux qui travaillent sur plusieurs régions, dépendent de différents SPSTI, cela va nécessiter d’enquêter et d’aller chercher de l’information parfois dans d’autres services… C’est un travail compliqué. »

Un agrément complémentaire en cas de suivi renforcé pour l'exposition aux rayonnements ionisants

Afin d’améliorer la protection des travailleurs exposés aux rayonnements ionisants, les SPSTI qui assurent leur suivi renforcé doivent désormais justifier d’un agrément complémentaire, et les médecins, d’une formation spécifique qu’ils devront effectuer avant le 1er janvier 2026, sous peine de ne plus pouvoir assurer le suivi.

Pour l’heure, l’arrêté fixant le cahier des charges de cette formation n’est pas encore paru. « Mais il se pourrait que deux types de formations soient proposés : l’une, exhaustive, pour les médecins de salariés ayant notamment des risques d’exposition interne, comme dans les centrales nucléaires ou les installations nucléaires de base (INB), et une autre, plus courte, pour ceux suivant des salariés à risque d’exposition externe, comme, les radiologues, les vétérinaires ou les assistants dentaires », explique le Dr Hervé Baudelocque, médecin coordonnateur et médecin du travail, pour Efficience Santé au Travail.

Médecins du travail et médecins de ville, une collaboration sous conditions

Dans les zones où le nombre de médecins du travail est jugé insuffisant par l’Agence régionale de santé (ARS), les médecins de ville qui le souhaitent pourront participer au suivi médical des travailleurs. Pour devenir « médecin praticien correspondant » (MPC), ils devront d’abord suivre une formation théorique d’au moins 100 heures. « Le décret prévoit aussi un séjour d’observation en SPSTI de 3 jours ainsi que la mise en place d’un protocole de collaboration entre le MPC, le ou les médecins du travail et le directeur du SPSTI concerné, précise Frank Rivière, chef du département études et assistance médicales à l’INRS. Mais cette collaboration a des limites : d’une part, le MPC ne pourra pas proposer d’aménagement de poste de travail ni prononcer d’inaptitude ; d’autre part, il ne peut pas cumuler la fonction de MCP avec celle de “médecin traitant” pour les salariés suivis. »

L'accès au dossier médical partagé

Depuis le 1er janvier 2024, le médecin du travail peut consulter et alimenter le Dossier médical partagé (DMP) du salarié (contenu dans « Mon espace santé »), avec son accord. « Le médecin traitant pourra avoir accès à des informations relatives aux expositions professionnelles de son patient, ce qui pourra améliorer sa prise en charge, se réjouit le Dr Baudelocque. Dernièrement, l’un des salariés suivis par notre SPSTI a été diagnostiqué tardivement d’une leptospirose, une zoonose transmise par les rats. Si son médecin avait eu connaissance de ses expositions professionnelles, il aurait vu que l’activité de son patient impliquait d’être en contact avec des rongeurs et il aurait pu trouver le diagnostic plus rapidement. »

Ces passerelles pourraient aussi permettre de limiter les redondances d’examens. « C’est un vrai progrès, estime Thibaut Fleury. Mais des évolutions informatiques et techniques sont nécessaires afin que cet espace collaboratif permette de réels échanges de données et ne soit pas seulement un réservoir de documents. »

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