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Soins funéraires

Comment protéger les thanatopracteurs des risques du formaldéhyde ?

Pour protéger les thanatopracteurs des vapeurs nocives de formaldéhyde, les Pompes Funèbres Dourdannaises se sont équipées, avec l’aide et les conseils de la Cramif, d’un dispositif d’aspiration sur mesure. Pour la plus grande satisfaction des professionnels qui préparent, avec soin, les défunts.

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Lucien Fauvernier - 30/08/2024
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Vue de Guillaume Kabache, thanatopracteur, en situation de travail.

[Article paru dans le numéro de Travail & Sécurité de juin 2024]

Annonce du décès, organisation des obsèques, prise en charge du corps des défunts… Les entreprises de pompes funèbres réalisent au quotidien de nombreuses prestations funéraires. À Dourdan, dans l’Essonne, les Pompes Funèbres Dourdannaises - récompensées par un trophée Cramif en 2023 - accompagnent ainsi chaque année 150 à 200 familles endeuillées. L’entreprise, fondée en 2014 par Arnaud Lejeune, emploie trois salariés et recourt aux services de thanatopracteurs indépendants pour réaliser sur place les soins de conservation. « En 2019, un contrôle de l’inspection du travail nous a alertés sur le risque chimique lié à l’usage du formaldéhyde en thanatopraxie », explique le dirigeant.

Les propriétés du formaldéhyde font de ce produit l’agent biocide principalement utilisé en thanatopraxie. Le souci, c’est que ce dernier se révèle particulièrement néfaste pour la santé et est classé cancérogène, depuis 2004, par le Centre international de recherche sur le cancer. « Nous avons d’abord été un peu désarçonnés car nos locaux respectent le code des collectivités territoriales et nous pensions que cela était suffisant, poursuit Arnaud Lejeune. Grâce à l’aide de la Cramif, nous avons pu nous conformer aux demandes de l’inspection du travail. »

Ludovic Hainoz, contrôleur de sécurité au Centre de mesures physiques (CMP) de la Cramif, qui a accompagné l’entreprise ciblée Risques chimiques Pros, confirme la nécessité pour les pompes funèbres - secteur ciblé par la Cramif dans le cadre de son Plan d'action régional 2024-2027 - de prévenir le risque chimique lié à l’utilisation du formaldéhyde : « Il est vrai que, dans ce secteur-là et notamment dans les salles techniques, tout ce qui est demandé au niveau réglementaire, c’est une ventilation générale. Mais, dans la mesure où les thanatopracteurs utilisent du formaldéhyde, l’entreprise est dans l’obligation de réduire l’exposition des salariés au niveau le plus bas techniquement possible et donc de mettre en place des solutions afin d’extraire les émanations polluantes. »

Une solution d'aspiration sur mesure

Après un an d’études menées par Ludovic Hainoz – analyse des besoins et prise en compte des contraintes du bâti existant –, Arnaud Lejeune fait installer dans la salle de préparation une ventilation double flux et un dosseret aspirant dimensionné pour les besoins des opérations de thanatopraxie : « Il a fallu composer avec la configuration des lieux, explique le dirigeant. En effet, à un moment a été évoquée la possibilité d’installer une table aspirante, mais cela était difficilement réalisable compte tenu de l’encombrement des locaux. Il fallait, bien sûr, éviter de faire apparaître d’autres risques. »

Pour Guillaume Kabache, thanatopracteur depuis plus de vingt ans, cette solution du dosseret aspirant, couplé à un apport d’air est optimale. « J’ai déjà travaillé sur table aspirante, cela peut paraître la solution idéale. Mais, en fonction, du gabarit du défunt, c’est parfois compliqué. Ici, je suis vraiment bien pour travailler. Tout est facile, même en termes de prévention du port de charges. »

30 000 euros ont été investis par l’entreprise pour s’équiper du dosseret aspirant – dont une partie a été prise en charge par la Cramif dans le cadre du programme Risques chimiques Pros. L’entreprise a également été aidée dans l’acquisition d’engins de terrassement afin de réduire le risque de troubles musculosquelettiques (TMS) dans ses activités de marbrerie.

Afin d’illustrer ses propos, Guillaume Kabache approche la table roulante à hauteur variable de la cellule réfrigérante qui maintient le corps des défunts à une température constante de 4 °C. « La table dispose d’une télécommande déportée afin de la mettre à hauteur et d’un rail afin de faire glisser simplement le brancard dessus. À aucun moment je ne me retrouve à soulever quoi que ce soit ou à prendre de posture contraignante. »

Le thanatopracteur vient ensuite placer la table de préparation sous le dosseret aspirant activé préalablement. « Je mets en marche la ventilation dès que je commence à m’installer, indique-t-il. Même si pour moi qui me déplace beaucoup, travailler aux Pompes Funèbres Dourdannaises ne représente qu’une petite partie de mon activité, j’ai vraiment pris cette habitude. On sent tout de suite une atmosphère de travail plus saine. »

Vue d'une situation de travail lors d'une opération de thanatopraxie.

Force est de constater que l’aspiration du dosseret couplée à l’apport d’air assuré par deux bouches au niveau du plafond crée un courant d’air – tempéré pour être à la bonne température – efficace pour assainir l’environnement de travail. « C’est d’autant plus vrai que certains corps, en fonction de leur état de conservation, peuvent émettre des odeurs assez fortes, précise Guillaume Kabache. Même si je suis habitué, travailler dans un espace bien ventilé comme celui-ci est très appréciable. »

Concernant le risque chimique lié aux vapeurs de formaldéhyde, celui-ci se rencontre lorsque le thanatopracteur procède à l’extraction des fluides corporels – collectés dans des dispositifs spécifiques puis traités comme des déchets d’activités de soins à risques infectieux – et à l’injection de la solution de conservation. « Le formaldéhyde injecté est en réalité un mélange d’eau, de glycérine, de formaldéhyde et de colorant, précise le thanatopracteur. Le dosage en formaldéhyde doit être situé entre 0,8 et 1,2 % afin que ses propriétés conservatrices soient idéales. Lorsque le produit est injecté, il y a forcément un dégagement de vapeurs. Mais avec le dosseret aspirant, elles sont directement captées, ce qui veut dire que je ne suis plus exposé. »

Un éclairage a été ajouté au niveau du dosseret afin d’assurer un confort visuel supplémentaire lors des soins. « C’est vraiment une bonne idée, confie Guillaume Kabache. Si le rendu des soins et de la préparation est très satisfaisant sous cet éclairage, on peut considérer qu’en chambre funéraire, dans une ambiance lumineuse plus intimiste pour respecter le deuil des familles, le défunt présentera très bien. » Le thanatopracteur souhaiterait pouvoir profiter de ce type d’installation beaucoup plus souvent car malheureusement, son métier, « de l’ombre, parfois un peu déconsidéré », s’exerce souvent dans des locaux mal aménagés.

Il existe aujourd’hui, sur le marché, différentes solutions techniques permettant de capter les vapeurs de produits chimiques. Certaines sont en cours d’évaluation par la Cramif, qui a procédé à celle du dosseret aspirant mis en place chez Les Pompes Funèbres Dourdannaises.

FICHE D'IDENTITÉ

Nom : Pompes Funèbres Dourdannaises
Lieu : Dourdan (Essonne)
Activité : pompes funèbres
Effectif : un gérant et 3 salariés

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