À l’entrée du site de La Sablière de Balagne, à Calenzana, en Corse, trône un superbe bulldozer des années 1970. Dans son jus… « C’était celui de mon père, explique Valérie Mercuri, responsable technique du site et QSE (qualité, sécurité, environnement). Jusqu’à la fin, il l’a utilisé. On m’a déjà proposé de le racheter, mais j’ai toujours refusé. » Car c’est son père, Pierre Munier, qui a créé cette carrière, reprise par ses trois filles : Valérie Mercuri, en charge des aspects techniques, Marie-Pierre Bruno, qui s’occupe du commercial, et Élisabeth Munier qui supervise les finances et les ressources humaines. Mais quand il s’agit de prévention, elles parlent d’une même voix…
Tout a commencé avec La Sablière de Lumio, qui a vu le jour en mars 1967, en bord de mer. L’activité s’est ensuite déplacée dans la zone industrielle de Calvi pour exploiter les matériaux alluvionnaires de la Figarella, et l’entreprise a changé de nom pour adopter celui de « Sablière de Balagne ». L’extraction a alors eu lieu sur le site actuel, qui a également accueilli par la suite les installations primaires et secondaires. Aujourd’hui, la carrière emploie 21 personnes. L’exploitation du site se fait sur 10,5 ha, sur les 30 ha autorisés. Elle produit essentiellement du granite sous forme de granulats : gravillons, sable, mélange à béton, mais aussi blocs d’enrochement et pierres à bâtir.
Le site de Calenzana est parfaitement identifié, avec une signalisation claire et des flux revus pour éviter les croisements des 80 camions et engins qui circulent quotidiennement. Pour nous le faire visiter, Valérie Mercuri nous embarque dans une voiturette assez proche de celles utilisées sur des terrains de golf. Au nombre de cinq, elles ont été équipées de pneus spéciaux pour leur permettre de monter les pistes parfois pentues, mais parfaitement entretenues – Valérie y veille – et délimitées par des enrochements pour éviter toute chute d’engin. « Ces voiturettes sont très pratiques, explique-t-elle. Elles sont à la disposition de chacun pour se rendre à son poste, et sont faciles à prendre en main au terme d’une petite formation. Je vais en revendre une, pour en racheter une nouvelle à laquelle je ferai ajouter un gyrophare. »
Sécurité maximale les jours de tirs
Au sommet de la carrière, une foreuse prépare le travail du tireur qui interviendra dans quelques jours : il positionnera des explosifs dans chacun des trous de 8,50 m de profondeur. Leurs emplacements ont été minutieusement calculés par Valérie. Le jour des tirs, le chantier et la zone dangereuse sont évacués, les issues bloquées et les clients retenus à l’entrée. « On ne sait jamais, il peut toujours y avoir d’importantes projections de pierres : c’est rare, mais des accidents mortels sont déjà survenus sur d’autres carrières. Nous devons rester très vigilants », insiste la responsable QSE. Le site étant proche de l’aéroport de Calvi, Valérie Mercuri avertit la tour de contrôle deux jours avant les tirs, et un quart d’heure avant la mise à feu pour ne pas risquer de surprendre les pilotes. L’opération est relativement rare et n’est renouvelée qu’une poignée de fois par an.
Une fois les tirs effectués, une pelle équipée d’une pince trie les roches, alimente les dumpers et purge la falaise. Pour limiter l’exposition aux poussières et au bruit, les cabines des engins sont hermétiques et insonorisées. Les échanges avec les opérateurs se font par talkie-walkie ou téléphone. Sur la piste, de très nombreux arroseurs ont été installés de façon à arroser les engins qui passent ainsi que les pistes, afin de rabattre le plus possible les poussières. À cause de la chaleur notamment et de la fréquentation touristique, en août, la carrière est fermée. Et quand la température monte trop, les horaires de travail sont avancés.
Éloigner les risques
Au primaire, un brise roche hydraulique (BRH) surplombe le poste. « En fait, nous avions souvent des problèmes de bourrages sur ce poste. Si je vous dis qu’il y en avait environ un par mois, ça peut vous paraître peu, mais c’est un de trop car cela nécessitait une intervention humaine qui était risquée », remarque Driss Benaghazi, responsable de l’installation de production. « Le concassage est un poste dangereux, complète Bruno Breyton Perfetti, contrôleur de sécurité à la Carsat Sud-Est qui a accompagné la carrière lors du projet d’acquisition du BRH. Lorsque nous sommes intervenus sur ce site, ce BRH, piloté à distance, nous a semblé une bonne solution pour réduire les risques professionnels. »
Doté de caméras ainsi que d’un bras avec télécommande, il est dirigé depuis la cabine de pilotage. Driss Benaghazi travaillant souvent seul depuis ce poste, il est équipé d’un talkie-walkie. Une caméra permet de visualiser son local, au cas où il serait victime d’un accident ou d’un malaise. « Ça sécurise », reconnaît-il. Toutes les images des caméras du site sont centralisées dans les bureaux administratifs, sur un écran géant sous forme de mosaïque. « Ce sont les seize caméras qui nous renvoient ces images, explique Marie Julien, assistante RH et système informatique. Nous pourrons bientôt créer des alertes grâce à un programme géré par intelligence artificielle pour certaines situations à risque et intervenir au plus vite. »
La plupart de la maintenance étant réalisée en interne, une réflexion a été menée avec l’équipe de l’atelier pour faciliter les déplacements des éléments lourds. Un pont roulant avait d’abord été évoqué, mais un treuil, qui s’adapte à l’engin télescopique de type chariot et donc mobile, sera jugé plus adapté aux besoins par l’équipe. Pour ce qui est des opérations de maintenance effectuées en extérieur, une nacelle a été achetée pour accéder aux parties hautes.
Alors que la dirigeante se penche actuellement sur l’achat d’un nouveau dumper, elle a évalué les vibrations transmises à l’ensemble du corps sur les engins de carrière à l’aide de l’outil Osev. « En plus des caractéristiques de l’engin, il est important de bien régler les sièges… l’entretien de la piste joue également un rôle non négligeable », précise le contrôleur de sécurité. Pour limiter les vibrations transmises aux membres supérieurs, une nouvelle clé à choc hydraulique est utilisée pour réaliser des opérations de maintenance au primaire. « On a beaucoup cherché pour trouver un modèle satisfaisant, explique l’opérateur. On l’a depuis peu, mais elle semble bien. »
Valérie Mercuri, qui a suivi une formation à l’évaluation des risques professionnels et a revu son document unique d’évaluation des risques professionnels, se penchera prochainement sur l’aspiration à la source des fumées de soudage… avec l’aide de la Carsat toujours.
FICHE D'IDENTITÉ
Nom : La Sablière de Balagne
Lieu : Calenzana (Haute-Corse)
Activité : extraction de roche massive, concassage, calibrage, criblage…
Effectif : 21 personnes
Superficie : 30 ha, dont 10,5 exploités
Chiffres d’affaires : 3,1 millions d’euros