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Brasserie

Travailler en sécurité sans brasser de l’air

C’est à Nantes que Little Atlantique Brewery a ouvert son brewpub, un établissement regroupant production et vente de bière, auxquelles s’ajoute une activité de restauration. Si la prévention avait été prise en compte dès la conception du bâtiment, à l’usage, de nouvelles préoccupations sont apparues. Appuyée par un ergonome et la Carsat Pays de la Loire, la brasserie a su réagir rapidement.

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Damien Larroque - 09/10/2024
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Vue d'une situation de travail dans la brasserie Little Atlantique Brewery.

Le Bas-Chantenay, quartier historique de Nantes, a abrité le chantier naval qui a vu naître en 1896 le fameux Belem, dernier trois-mâts français à coque en acier. Un site tout désigné pour Little Atlantique Brewery (Lab), une brasserie dont les bières sont baptisées en puisant dans le lexique maritime : la Winch, la Scélérate, l’Exocet… En plus de la production de boissons houblonnées, écoulées en vente directe ou conditionnées en fûts ou canettes, l’établissement fait aussi de la restauration. « Notre mot d’ordre est de proposer des produits de qualité tout en réduisant notre impact sur l’environnement et en préservant la santé de nos équipes, énonce Jérôme Pallier, co-fondateur de Lab. Nous avons donc pensé notre brewpub dans ce sens. »

En 2018, l’entreprise choisit de s’installer dans un entrepôt datant de 1866 et en ruines. L’ampleur des travaux nécessaires à la réfection du bâtiment et à son aménagement, lui a donné une belle marge de manœuvre pour concevoir son outil de production qu’elle souhaitait le plus automatisé possible. Ainsi, les cuves de brassage, de filtration, de fermentation, de bière finie et de service sont reliées les unes aux autres par différents réseaux de canalisation où transitent les matières premières (malt, eau, houblon, levure), la bière en préparation, du CO2… Si de nombreuses brasseries utilisent des flexibles qu’il faut brancher, débrancher et qui traînent au sol au risque de provoquer des chutes, Lab a fait le choix de tuyaux rigides en hauteur. « Les produits de nettoyage, tirés de bidons reposant sur des bacs de rétention, ont eux aussi un circuit dédié. En cantonnant les manipulations à l’installation des  contenants, les risques chimiques sont réduits », souligne Gwénaël Judic, contrôleur de sécurité à la Carsat Pays de la Loire.

110 000 couverts par an, c’est le nombre de repas servis au brewpub de Little Atlantique Brewery.

L’évacuation des drèches, déchets composés des enveloppes de céréales, est une opération redoutée par les brasseurs car, souvent réalisée à l’aide d’une raclette, elle demande de gros efforts physiques et peut exposer à des brûlures dues à la vapeur dégagée. Chez Lab, une trappe équipe la cuve de filtration sous laquelle une vis sans fin dirige les drèches jusque dans des bacs qu’un éleveur vient récupérer pour nourrir ses bêtes.

De nombreux fûts à palettiser

L’automatisation a aussi l’avantage d’éviter le travail en horaires décalés, puisque les lancements de brassins peuvent être programmés. Quant aux cuves de service, ce sont les salariés du bar qui en bénéficient. « Elles sont directement branchées sur les becs. Nous ne manipulons que quelques fûts par semaine, ceux contenant des bières éphémères ou produites par d’autres brasseries, se félicite Baptiste Lemasne, un serveur. Et lorsque c’est le cas, nous les déplaçons jusqu’au bar avec un chariot. »

Ouverte en 2019, la brasserie connaît une forte augmentation de sa production après deux premières années en pointillé, conséquence de la pandémie de Covid-19. « Alors que, au départ, nous réalisions la quasi-totalité de nos ventes en direct, les fûts représentent aujourd’hui 70 % de nos débouchés, retrace Jérôme Pallier. Soulever et retourner les contenants manuellement pour les palettiser a été à l’origine de troubles musculosquelettiques chez l’un de nos salariés. »

Vue d'une situation de travail dans la brasserie Little Atlantic Brewery.

Pour corriger le tir, le dirigeant a fait appel à un ergonome qui, après analyse du poste, a recommandé l’acquisition d’un convoyeur gravitaire et d’un bras préhenseur. Il incite également Lab à se rapprocher de la Carsat pour bénéficier d’un contrat de prévention et obtenir des conseils et un financement d’une partie de ces équipements. Et le résultat s’est fait sentir tout de suite : « C’est un vrai soulagement, s’exclame Yann, assistant technique brassage. L’année dernière, j’ai porté plusieurs milliers de fûts de 30 à 40 kilos. Résultat : deux mois d’arrêt pour tendinite aux poignets et à l’épaule. Je n’aurais pas pu reprendre sans la mise en place de ces équipements. »

Un futur en amélioration continue

L’analyse ergonomique ayant été étendue à l’ensemble de la zone de production, d’autres améliorations ont vu le jour. Dorénavant, grâce à une filmeuse automatique, les salariés n’ont plus à effectuer de gestes répétitifs ni à prendre de postures contraignantes afin de préparer les palettes pour expédition. Quant au risque de chute lié à l’utilisation d’un marche-pied pour accéder à certaines parties des cuves de fermentation, il a disparu avec l’acquisition d’une plate-forme individuelle roulante légère (Pirl) inscrite dans le contrat de prévention. « L’une des conditions pour bénéficier du soutien financier de la Carsat était de former un salarié désigné compétant en prévention, précise Arthur Pasquet, directeur de production. J’ai suivi cette formation et appris beaucoup sur l’identification des risques, l’analyse d’accident… Nous sommes montés en compétences et en autonomie, même si l’expertise et l’oeil extérieur d’un préventeur restent un précieux atout. »

Résultat, Lab s’est inscrit dorénavant dans une démarche de prévention continue. Parmi les projets, l’acquisition d’une nouvelle machine à remplir les fûts qui ne nécessitera plus de constituer des stocks de contenants vides, avec les manutentions que cela suppose, et l’installation d’un dispositif de vidagede big-bags de malt qui supprimera le port de sacs de 20 kilos. « Une seconde étude ergonomique va s’intéresser à la cuisine de l’établissement dont les flux posent question. C’est la première fois que je vois une entreprise se relancer dans un tel exercice aussitôt après en avoir conclu un premier », remarque Gwénaël Judic.

FICHE D'IDENTITÉ

Nom : Little Atlantique Brewery

Lieu : Nantes (Loire-Atlantique)

Activité : production de bière et restauration traditionnelle

Effectif : 48 salariés

Production : 7500 hl en 2024

Chiffre d’affaires : 6 millions d’euros en 2023

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