« On l’appelle la cuisine », s’amuse Amaury Nicolas, mécanicien. Et c’est vrai qu’on a l’impression d’être dans une cuisine, avec un plan de travail, des rangements et même, en cherchant bien, un semblant de réfrigérateur… mais là s’arrête la comparaison. Car le lieu est en fait l’atelier de la concession Mercedes SVI 69 (qui réalise la vente et la réparation de poids lourds et véhicules utilitaires légers (VUL)) du groupe Bernard, à Arnas dans le Rhône. Une réalisation exemplaire pour le groupe, notamment grâce à la prise en compte, très en amont, des conditions de travail des salariés, avec l’aide de la Carsat Rhône-Alpes.
« Le groupe Bernard a été créé en 1921 par Alfred Bernard, explique Marie Molle, la responsable santé sécurité groupe. Toujours dirigé par la famille, il emploie 3 100 personnes sur 128 sites et propose la vente et la réparation de plusieurs marques de véhicules, parmi lesquelles Mercedes Benz. » Il y a encore un an, la concession aujourd’hui arnassienne était située à Saint-Georges-de-Reneins, à une dizaine de minutes du lieu actuel. « En 2018, notre bail arrivait à son terme et nous devions entièrement refaire le showroom, explique Étienne Donjon, responsable exploitation des ateliers SVI, pour un montant de près de un million d’euros… »
Devant ce chiffre, les dirigeants se demandent s’il ne serait pas plus intéressant de créer un nouvel atelier, de toutes pièces, sur un terrain dont le groupe est propriétaire, à Arnas. « De notre côté, en 2019, nous faisions, dans le cadre du programme Risques chimiques Pros 1, le tour des entreprises ciblées, se remémore Gilles Sospedra, contrôleur de sécurité à la Carsat Rhône-Alpes. Le groupe Bernard en faisait partie et, lors de notre venue, nous avons évoqué ce projet de déménagement, en insistant sur la performance des réseaux d’aspiration des émissions de moteur diesel, ainsi que sur les risques de chutes et les locaux sociaux. » Après une phase de maturation, le projet est lancé, la Carsat et le laboratoire interrégional de chimie associés dès le départ… afin d’avoir une approche globale des risques professionnels.
Anticiper, le maître-mot
Le bâtiment est vaste – 1 500 m2 dont 1 000 m2 d’atelier. Il accueille 22 personnes, dont 8 à l’atelier, et reçoit plus de 200 véhicules par mois pour de la maintenance ou de la réparation. Équipé de meubles noirs, l’atelier comprend de vastes ouvertures laissant entrer la lumière naturelle (portes sectionnelles translucides motorisées, voûte zénithale centrale avec grilles anti-chutes…). Les véhicules entrent d’un côté et ressortent de l’autre, toujours en marche avant. Avec, à l’extérieur, des parkings bien identifiés et suffisamment vastes pour accueillir de nombreux véhicules, sans gêner les flux.
À l’intérieur de l’atelier, les risques chimiques ont fait l’objet de nombreuses attentions. Pour capter les émissions de moteurs diesel 2, cinq enrouleurs d’extraction ont été installés. « On essaie de faire tourner le plus possible les véhicules à l’extérieur, mais lorsque nous devons effectuer des réglages, ils ont lieu dans l’atelier », précise Yannick Pillon, le chef d’équipe poids lourds. Trois enrouleurs sont destinés aux poids lourds, deux autres aux VUL. « Ceux pour les poids lourds ont des flexibles d’un diamètre de 150 mm pour un débit de 1 000 m3/h, précise Pamela Brun, ingénieure-conseil au laboratoire interrégional de chimie de la Carsat. Ceux destinés aux VUL font 100 mm, pour un débit de 400 m3/h, de façon à respecter les exigences Carsat et INRS. » Alors qu’avec Marie Molle, nous cherchons sur un camion où se situe l’échappement, Yannick Pillon vient à notre rescousse : « Ah ils ne sont pas tous standard, déclare-t-il. D’où l’intérêt de cet adaptateur qui se fixe sur un enrouleur d’extraction. » Utile quand on sait qu’environ 20 % des échappements ne sont pas standards.
Aucun tuyau au sol
Le jour de notre venue, huit véhicules étaient pris en charge dans l’atelier, dont trois poids lourds positionnés au-dessus de deux fosses. Longues de 22 m, elles peuvent accueillir chacune deux véhicules simultanément. Elles bénéficient d’une couverture motorisée, en aluminium, en deux parties, qui peut supporter 25 tonnes au m2. « Les chutes sont une vraie préoccupation… même si un seul accident me vient à l’esprit. Il date de quelques années, la personne avait reculé et était tombée dans la fosse, se cassant la clavicule », remarque Marie Molle.
Dans la fosse, le mécanicien bénéficie d’un éclairage led performant et d’une ventilation de fond de fosse asservie à l’éclairage, conformément à la recommandation R469 3. « C’est important, au cas où des liquides inflammables ou produits dangereux se déverseraient dans la fosse, souligne Pamela Brun. De plus, des récupérateurs mobiles des fluides vidangés sont à la disposition des mécaniciens. Pour cela, il a fallu tout anticiper. » Côté fluides, aucun tuyau ne traîne au sol, mais ils sont nombreux à sillonner les murs et le plafond jusqu’aux postes de travail.
La très grande majorité des fluides sont stockés dans des cuves sur rétention situées dans un local dédié ventilé. « Nous n’avons pas moins de cinq types d’huiles – deux pour les moteurs, une pour les boîtes, une autre pour le pont et une hydraulique – et il nous faut donc cinq réseaux, d’où ces nombreux circuits », remarque Étienne Donjon. Un pont roulant permet de déplacer les charges les plus lourdes, et un système innovant aide les mécaniciens à extraire les systèmes de freinage (moyeu, étrier, disque) sans les porter. Des pièces qui peuvent atteindre plusieurs dizaines de kilos.
Devant l’atelier mis en service l’été 2023, Gilles Sospedra ne cache pas sa satisfaction : « C’est une très belle réalisation, qui a pu voir le jour parce que les dirigeants étaient convaincus, mais aussi parce que la prévention des risques professionnels a été prise en compte très tôt dans le projet. » Les salariés, à travers le CSE, ont été associés : ils ont pu visiter les lieux, se rendre compte des volumes et de l’organisation future. Il leur a cependant fallu un peu de temps pour s’approprier les lieux, reconnaît Marie Molle : « Ce site est un peu devenu notre vitrine, déclare-t-elle. Nous avons d’autres projets en cours, dans d’autres régions. Je m’appuie beaucoup sur ce qui a été fait à Arnas pour arriver à des résultats similaires... et j’espère aussi que cela va jouer favorablement dans la fidélisation des salariés et les recrutements à venir. »
FICHE D'IDENTITÉ
Nom : site SVI 69, du groupe Bernard
Lieu : Arnas (Rhône)
Activité : réparation et vente de poids lourds et véhicules utilitaires légers de marque Mercedes Benz
Effectif : 22 personnes, dont 8 à l’atelier