Ce site est édité par l'INRS
Grands travaux

Un tunnelier nommé Awa

Sur la prochaine ligne de métro francilienne qui reliera l’aéroport d’Orly à Versailles,les travaux du tronçon reliant la future gare de Guyancourt à celle de la cité royale viennent de commencer. Au cœur des opérations, un gigantesque tunnelier est l’objet de toutes les attentions.

5 minutes de lecture
Lucien Fauvernier - 09/10/2024
Lien copié
Vue du tunnelier Awa à Guyancourt.

Un nouveau métro pour relier l’aéroport d’Orly depuis Versailles en 30 minutes. Les Versaillais et les Yvelinois en rêvaient, le Grand Paris Express est en train de le faire. Pour mener à bien ce projet titanesque, d’ici 2030, pas moins de 35 kilomètres de ligne, dont 21 en tunnel, 10 nouvelles gares et 23 ouvrages annexes vont être créés. À Guyancourt, les travaux du lot 3a, menés par le groupement Spie Batignolles-Ferrovial, ont débuté en juin 2023 avec pour objectif de relier la nouvelle gare de la ville à celle de Versailles, à horizon fin 2026. Pour cela, 6,7 kilomètres de tunnel pour un diamètre de 7,80 mètres doivent être forés.

Un vrai défi technique qui a nécessité le déploiement d’un tunnelier, déjà utilisé sur le lot 1 de la ligne 18, suffisamment dimensionné pour relever le challenge, baptisé Awa - en l’honneur d’Awa Camara, présidente de l’association guyancourtoise Second Souffle, par les élèves du collège de la ville. Ce dernier, d’une masse de 1 800 tonnes, dispose d’une roue de coupe de 9,17 mètres lui permettant d’avancer à une vitesse d’environ 250 mètres par mois. « C’est un tunnelier à densité variable, explique Giovanni Lanni, pilote de tunnelier. Le système de marinage, l’évacuation des déblais, se fait grâce à des conduites : les déblais passent par une centrale de traitement, puis la boue est réinjectée au niveau du front. Cette technologie a l’avantage de s’adapter aux différents types de sol, ici essentiellement de l’argile, des marnes puis des sables. »

Une organisation bien structurée

Sur le site, pas moins de 300 personnes, compagnons plus encadrement, s’activent quotidiennement pour assurer l’avancement des travaux. En surface, toutes les allées piétonnes sont matérialisées à l’aide d’un tapis de sol rouge et protégées par des garde-corps. Le fond de fouille est accessible par un ascenseur de chantier et deux escaliers hélicoïdaux. Alors que le tunnelier a déjà foré une trentaine de mètres, les ouvriers s’activent pour assembler les deux dernières remorques de l’engin, qui en comporte six au total. Celles-ci sont montées dans une zone délimitée en surface, puis descendues à l’aide d’une grue.

50 millions d’euros, c’est le coût de la mobilisation du tunnelier – qui a déjà servi sur de précédents chantiers du Grand Paris Express – pour réaliser les travaux du lot 3a.

« Même s’il y a de la coactivité, en raison de l’envergure du chantier, on constate que l’organisation est bien structurée, observe Franck Gaudart, contrôleur de sécurité à la Cramif. Les zones de travail sont bien délimitées, les différents matériels sont stockés en sécurité, les compagnons se parlent, rien n’est laissé au hasard. » En parallèle, une équipe prépare les voussoirs, qui constituent la structure du tunnel, grutés deux par deux pour être déposés sur une ligne d’alimentation.

« Pour le grutier, c’est un chargement de dix-sept tonnes en comptant la pince, détaille Giovanni Lanni. Cela demande une vigilance constante, surtout lorsque le tunnelier fonctionne à plein régime et que la cadence doit suivre. Aujourd’hui, nous surveillons particulièrement l’alerte foudre qui oblige les grues à s’arrêter. » Une fois descendus, les voussoirs sont récupérés, à l’aide d’une pince à ventouse, par un compagnon. Celui-ci est en charge du boulonnage des connecteurs qui assurent l’assemblage des voussoirs entre eux. Une porte sécurisée permet au compagnon d’accéder aux voussoirs sans risque de chute vers la zone d’évolution du train d’alimentation du tunnelier.

Travailler en zone hostile

« Plus on remonte vers le front de taille, plus on travaille en zone hostile », remarque Giovanni Lanni. Accès exigus, chaleur, bruit… Force est de constater que les conditions de travail en tête de tunnelier sont difficiles. « Avec Awa, nous avons la chance d’avoir des moteurs électriques, ce qui diminue certains risques liés aux moteurs hydrauliques : chaleur importante avec des températures pouvant atteindre les 40 degrés, déclare-t-il, ou encore, ce que nous redoutons le plus, les départs d’incendie. »

Depuis le début du chantier, de nombreux exercices et interventions pour porter assistance à une personne en danger ont été réalisés avec les sapeurs-pompiers de Magny-les-Hameaux. « Lorsque nous devons intervenir directement sur la roue de coupe, nous passons par un sas hyperbare, en raison de la différence de pression, décrit le pilote de tunnelier. C’est une situation exigeante, notamment en termes de contraintes d’accès, et de maîtrise technique qui nécessite une aptitude médicale autorisant le travail en milieu hyperbare. Nous avons également un sas matériel hyperbare pour le transfert des outils vers la roue de coupe. »

Vue du chantier de création d'un nouveau métro à Guyancourt.

Mais l’une des craintes, lors du creusement d’un tunnel, est de voir apparaître un phénomène de fontis, « autrement dit un effondrement du sol en surface en raison du creusement », poursuit-il. Ici, l’installation des voussoirs, scellés à l’aide de mortier venant remplir le vide annulaire, à mesure de l’avancée du tunnelier, permet d’assurer la stabilité de la structure. « Malgré la taille de l’ouvrage, avec le tunnelier, nous réalisons un travail extrêmement précis, indique Giovanni Lanni. Le guidage en cabine de pilotage se fait à l’échelle cinq millimètres. C’est pourquoi les quatre pilotes de tunnelier – un par équipe plus un remplaçant – sont tous très expérimentés et connaissent parfaitement la machine. »

En cabine de pilotage, Grégory Closier s’apprête à finir sa journée de travail. Il fait un compte rendu de l’activité, qui s’organise en 3 x 8, à son collègue chargé de prendre sa relève : « Nous n’avons pas de vue directe sur la tête du tunnelier. Nous avons en revanche des informations en temps réel sur tous les paramètres nécessaires à son pilotage, précise-t-il : tracé et angle de coupe, pression dans le circuit de marinage… Chaque écran d’information à notre disposition peut compter jusqu’à huit pages différentes. » En cas de nécessité d’intervention sur la roue de coupe, la clé principale doit être désengagée pour stopper l’engin puis être amenée jusqu’au sas hyperbare pour accéder à la tête du tunnelier. « Fort heureusement, sur ce chantier, où le terrain n’est pas corrosif, les interventions de ce type devraient être très limitées », conclut Giovanni Lanni.

FICHE D'IDENTITÉ

Nom : groupement Spie Batignolles-Ferrovial

Lieu : Guyancourt (Yvelines)

Activité : réalisation du lot 3a (Guyancourt-Versailles) de la future ligne de métro 18

Effectif : environ 300 compagnons

Coût : 500 millions d’euros pour 100 mois de travaux

Partager L'article
Lien copié
En savoir plus

À découvrir aussi