Sur la commune de Perthes, à l’extrême nord de la Haute-Marne, un chantier d’envergure lancé en septembre 2023 transforme d’anciennes gravières en une centrale photovoltaïque flottante baptisée « îlots Blandin ». Sa capacité de 74,3 mégawatts, soit la consommation de 37 000 foyers, en fera la plus puissante d’Europe. Les 135 000 panneaux solaires en cours de déploiement s’étendront sur une superficie de 115 hectares à la surface de six bassins, fruits du remplissage naturel d’excavations abandonnées par la carrière Blandin. « Un septième plan d’eau ne sera pas exploité pour que les oiseaux puissent y évoluer. Quant aux espèces terrestres, elles pourront se déplacer librement grâce aux passes-faune installés dans le grillage qui ceinture la centrale, explique Sébastien Mellinger, directeur HSE (hygiène, sécurité, environnement) de Q Energy Europe qui représente le maître d’ouvrage. Concernant la prévention, les risques liés à la co-activité ont été identifiés comme prépondérants. »
En conséquence, sous la responsabilité du maître d’ouvrage, le coordonnateur sécurité protection de la santé (CSPS) a élaboré un plan général de coordination (PGC) qui définit les mesures destinées à prévenir les risques découlant de cette coactivité, que les interventions soient successives ou simultanées. Ce document sert de base aux « plans particuliers de sécurité et de protection de la santé », rédigés par chacune des entreprises.
Risque de noyade
« Toutes les informations qui y figurent, comme les méthodologies de travail, la chronologie des interventions ou les actions de prévention, sont déclinées dans une application que j’ai développée avec mes équipes, souligne John-Erick Saint-Val, responsable QHSE (qualité, hygiène, sécurité, environnement) chez Solutions 30 Énergies, entreprise mandataire du groupement en charge des travaux. Consultable depuis une tablette et un smartphone, cela permet par exemple, de vérifier de quelle manière réaliser le raccordement des panneaux aux onduleurs pour limiter le risque électrique ou quels EPI porter pour les opérations du jour. »
Sur un chantier qui expose les ouvriers au risque de noyade, avec lequel ils ne sont pas familiarisés, c’est un atout indéniable. Le port d’un gilet de sauvetage qui se gonfle automatiquement s’il est plongé dans l’eau est ainsi obligatoire lorsque l’on officie à moins d’un mètre du bord d’un bassin ou sur les allées de flotteurs qui quadrillent les champs de panneaux solaires. Ce qui est notamment le cas des électriciens qui raccordent les câbles de puissance AC et DC aux onduleurs. Les barques qu’ils utilisent pour accéder aux îlots doivent toujours avoir à leurs bords bouée de sauvetage avec ligne de jet et gaule télescopique au cas où un individu tomberait à l’eau. Et si nécessaire, le local de sécurité, toujours ouvert, dispose d’une trousse de secours, d’un insufflateur et d’un défibrillateur à l’utilisation duquel les salariés ont été formés.
En tenant compte de l’activité de l’établissement Blandin, qui continue à extraire des granulats aux alentours du chantier, les flux ont été rationalisés, et la vitesse des engins et camions limitée à 20 km/h. « Nous avons renforcé et élargi les pistes qui séparent les bassins afin que la circulation, les stocks et les postes d’assemblage des modules photovoltaïques sur leurs flotteurs puissent cohabiter, indique Arnaud Batllori, responsable grands projets chez Solutions 30 Énergies. En outre, les berges ont été façonnées en pente afin de faciliter la mise à l’eau des îlots de productions. »
Entreprise polonaise et traducteur
Constitués d’environ 2 000 panneaux photovoltaïques sur leurs flotteurs, ces îlots sont dotés d’une structure flexible, ce qui permet de les pousser sur les réservoirs au fur et à mesure de leur assemblage. Et ce, sans efforts physiques particuliers puisque les îlots glissent aisément sur la surface liquide. En outre, cette flexibilité leur permettra d’épouser les reliefs du fond des carrières en cas de sécheresse afin que la centrale puisse continuer de fonctionner. Quant au montage des panneaux photovoltaïques sur les flotteurs, il se fait à hauteur sur des caisses faisant office d’établis.
« L’entreprise pour laquelle travaillent les salariés en charge de cette opération étant polonaise, un traducteur participe aux accueils chantiers afin que nos collègues non francophones aient le même niveau d’information que les autres équipes, se félicite Fabrice Huff, superviseur projet chez Solutions 30 Énergies. Nous nous sommes rapprochés de l’hôpital voisin de Saint-Dizier dans lequel officie un médecin qui parle polonais afin que, en cas d’accident, il puisse gérer la prise en charge des victimes. » « Chaque ouvrier arbore à l’arrière de son casque un QR code qui permet d’accéder à la liste de ses habilitations », tient à signaler Régis Fenard, contrôleur de sécurité à la Carsat Nord-Est.
Grâce à une démarche et des outils de prévention efficaces, l’étape suivante du chantier, qui consistera à installer des postes électriques sur les berges et à raccorder la centrale au réseau électrique national, devrait bénéficier de conditions de travail aussi sûres que celles qui ont prévalu jusqu’ici.
FICHE D'IDENTITÉ
Nom : chantier de la centrale solaire « îlots Blandin »
Lieu : Perthes (Haute-Marne)
Activité : chantier de construction d’une centrale photovoltaïque flottante
Effectif : 50 à 60 ouvriers travaillent au quotidien sur le chantier
Production prévue : 76 000 mégawattheures par an à partir de la fin du 1er trimestre 2025