La Tour Ariane, située sur l’esplanade de La Défense, dans les Hauts-de-Seine, se drape progressivement d’une nouvelle façade, dans laquelle se reflètent les tours voisines. Au 20e étage, trois ouvriers installés sur une plate-forme de travail le long des mâts posent un bloc vitré de 3,50 mètres sur 2,70 mètres. À l’aide d’un palonnier relié à un rail situé quatre étages plus haut, ils fixent avec aisance cet élément de plus de 600 kg qui vient remplacer l’ancienne façade. Puis ils enchaînent avec un deuxième bloc. De l’autre côté de la façade, dans les bureaux de la tour, des personnes sont susceptibles de travailler sans se rendre compte de l’intervention en cours.
Le renouvellement de l’intégralité de la partie extérieure de la tour s’inscrit dans un programme de rénovation énergétique du bâtiment, construit en 1975 et qui compte 39 étages et mesure 135 mètres de haut. Objectif : réduire de 30 % les consommations énergétiques de l’édifice et moderniser sa façade. Les travaux consistent à poser dans un premier temps des caissons d’étanchéité acoustique et thermique provisoires – qui remplacent temporairement les fenêtres – par l’intérieur, avant de déposer les châssis existants par l’extérieur. Ensuite, une fois les finitions du ravalement du béton réalisées, il s’agit de poser les nouveaux blocs vitrés – composés d’acier, d’aluminium et de verre – et enfin de retirer les caissons provisoires.
Au total, les 2 112 châssis que compte la tour doivent être remplacés, et ce, sur le principe des Lego : les blocs s’imbriquent les uns dans les autres. La façade est ainsi intégralement renouvelée de bas en haut. « Cette rénovation présente la particularité de se faire en site occupé, souligne Émilie Gonnot, directrice de programme chez Redman Île-de-France, assistant à maîtrise d’ouvrage. Jusqu’à 4 500 personnes travaillent dans la tour et les impacts des travaux sur leur environnement de travail doivent être réduits au maximum. »
Formation spécifique à ce chantier
Il a donc fallu d’abord définir un mode d’intervention par l’extérieur, propre à cet immeuble de grande hauteur. L’utilisation de platesformes élévatrices sur monomât ou sur bimât a rapidement été retenue par le façadier en charge de l’opération. Au total, elles sont neuf à ceinturer les quatre faces de la tour. Si le façadier est habitué à intervenir à partir de telles plates-formes, les grandes hauteurs d’intervention et l’environnement urbain ont apporté un certain nombre de contraintes. « Des chantiers-tests ont été menés au préalable pour évaluer la faisabilité du mode opératoire, explique Saïd Razzi, directeur de travaux chez Artelia, maître d’oeuvre exécutif. Chaque phase des travaux a été analysée pour définir les outils les plus adaptés, en respectant toutes les contraintes. »
Cela a nécessité, au préalable, une formation pratique des équipes au mode opératoire. « Nous veillons à conserver l’équipe constituée, spécialement formée, pour tenir les délais et maintenir le savoir-faire. Ce qui est gage de sécurité », poursuit-il. Les premières semaines ont été nécessaire à chacun pour trouver ses marques, mais une fois le process lancé, la vitesse de remplacement d’un étage, qui compte 64 blocs, prend de 10 à 15 jours. Étant donné la hauteur des zones de travail, des mesures drastiques sont mises en oeuvre pour éviter toute chute d’objet : les outils doivent être attachés aux platesformes à l’aide de longes ou fixés avec un système d’aimants ; un parapet en tôle entre le bimât et la façade a été installé avec des charnières et des bordures en caoutchouc. Autre contrainte au niveau du bruit : les émissions sonores sont soumises à des seuils à ne pas dépasser, et doivent être évitées entre 9 h le matin et 18 h. Pour ce faire, un acousticien a mesuré les niveaux sonores à chaque phase de travaux pour définir les outils les mieux adaptés. Les plates-formes élévatrices sont ainsi par exemple recouvertes d’une bâche acoustique.
Souplesse
« L’organisation a nécessité une grande force d’innovation et d’innombrables réflexions en amont, souligne Martin Desjardins, chargé d’affaires chez Goyer, le façadier qui tient le rôle d’entreprise générale sur ce programme. Il a fallu réfléchir pour acheminer à pied d’oeuvre, depuis la zone de livraison très réduite, les blocs de plus de 9 m2 et 600 kilos en incluant une phase de retournement des blocs de 90°. » Car une fois les blocs livrés, il est nécessaire de les faire pivoter d’un quart de tour pour qu’ils soient positionnés dans le bon sens de pose. Le retournement est réalisé à l’aide d’élingues et d’un système de poulies fixé à la façade. Faute d’espace de stockage sur place, les livraisons se font à flux tendu. « Des chevalets métalliques ont été conçus spécialement avec des oreilles de levage et des systèmes à fourches, souligne Florence Caviezel, ingénieure-conseil à la Cramif. Ça sécurise les opérations de levage à toutes les phases, depuis l’usine jusqu’au déchargement sur site, ainsi que pour le retour à l’usine. »
L’activité sur le chantier tourne 24h/24, car certaines opérations, notamment la pose des caissons provisoires, le déplacement des bureaux, et tous les travaux préparatoires en intérieur, ne peuvent se faire que la nuit, lorsque les bureaux sont inoccupés. « Le maître-mot ici est souplesse, insiste Martin Desjardins. Nous sommes obligés de nous coordonner au jour le jour pour les différentes opérations, déplacement des bureaux, pose des caissons acoustiques de nuit, dépose et pose des blocs façade... » Le remplacement de la façade doit se terminer en fin d’année. « Faire office d’entreprise générale ici est très formateur, conclut-il. Nous profitons de tout ce que nous apprenons, notamment en matière de sécurité. Ces bonnes pratiques seront dupliquées ensuite sur d’autres chantiers. »
FICHE D'IDENTITÉ
Programme : rénovation énergétique de la façade de la Tour Ariane
Entreprise : Goyer
Assistant à maîtrise d’ouvrage : Redman
Maître d’œuvre d’exécution : Artelia
Localisation : Puteaux (Hauts-de-Seine)
Effectif : une quarantaine de personnes au pic de l’activité