Ce site est édité par l'INRS
Préparations culinaires

Des lignes innovantes pour réduire les TMS

À Ivry-sur-Seine, dans la Val-de-Marne, Hoa Nam cuisine des spécialités asiatiques. Avec le soutien de la Cramif, son dirigeant, déterminé à améliorer les conditions de travail, a poussé plus loin l’automatisation de la confection de nems, dont le pliage et le roulage manuels favorisaient les troubles musculosquelettiques. Convoyeurs et systèmes de levage ont quant à eux diminué le port de charges.

5 minutes de lecture
Damien Larroque - 11/12/2024
Lien copié
De la mise en place de la farce sur la galette de riz jusqu'au pliage du nem, tout  a été mécanisé pour diminuer les gestes répétitifs.

C’est en 1981, à Paris, que Try et Heang-Korng Chieu, deux frères ayant fui les conflits armés qui sévissaient au Vietnam et au Cambodge dans les années 1970, ont créé la marque Hoa Nam. À la fabrication de nems, qui restent encore aujourd’hui le produit phare de la marque, se sont ajoutées au fil du temps les bouchées vapeur, brioches, samoussas, saucisses… qui trouvent preneurs auprès de 300 clients professionnels, distributeurs et restaurateurs, en France comme à l’international.

Synonyme de croissance, cette diversification a imposé un premier déménagement en 1988 pour des locaux plus grands à quelques rues de l’implantation d’origine dans le XIIIe arrondissement de Paris. Puis un second en 1995 à Ivry-sur-Seine, de l’autre côté du périphérique. « Passée à l’échelle industrielle alors que son organisation restait celle d’une PME, l’entreprise était à bout de souffle aussi bien d’un point de vue juridique qu’humain, raconte Philippe Chieu, le fils de l’un des fondateurs. Lorsque j’ai repris les rênes en 2010, je me suis employé à rationaliser et moderniser nos process, ainsi qu’à améliorer les conditions de travail. »

Pour y parvenir, le dirigeant instaure un vrai dialogue social afin de rendre ses équipes actrices des changements. Un bouleversement pour ces dernières qui n’avaient pas l’habitude jusque-là d’avoir voix au chapitre. « Quand nous évoquons un problème, nous sommes écoutés et des solutions sont rapidement trouvées, se félicite Naren Ing, une opératrice. Le matin, je suis contente de venir travailler. »

Ainsi, lorsqu’en 2017, des salariés de l’atelier de confection de nems se plaignent de douleurs, Philippe Chieu se tourne vers la Cramif. « À l’époque, les lignes de production se contentaient de ramollir les galettes de riz et d’y déposer la farce. Ce sont les salariés qui, à une cadence élevée, pliaient et roulaient les nems avant de les déposer sur le convoyeur de sortie, se remémore Jean-Pierre Depay, contrôleur de sécurité à la Cramif. Tous les ingrédients propices à l’apparition de TMS étaient réunis. »

La mise en place de rotations sur les postes pour limiter les gestes répétitifs n’étant pas suffisante et la baisse de la vitesse des convoyeurs ayant des conséquences rédhibitoires sur la productivité, la solution résidait dans l’innovation et l’automatisation. « Comme il n’existait pas de machines sur le marché pour plier et rouler les nems, nous avons travaillé avec Bretinov, un fabricant breton, pour concevoir une solution sur mesure, relate Philippe Chieu. Nous avons testé le prototype avec nos matières premières dans leur atelier, avant l’installation de ce matériel de nouvelle génération dans nos locaux en 2019. »

1 million de nems sont confectionnés chaque mois dans la manufacture ivryenne de l’entreprise Hoa Nam.

Contrairement aux anciennes lignes, celle-ci distribue la farce en boudin ce qui permet à un dispositif mécanique spécifique de les positionner au centre des galettes préalablement ramollies. Puis des jets d’air rabattent ces dernières sur la garniture. Enfin, un mécanisme composé de lames dentelées assure le roulage des nems. « Nous avons établi un contrat de prévention pour cette ligne innovante, indique Jean-Pierre Depay. Le financement était aussi soumis à l’intégration d’un dispositif d’alimentation en galettes, un dépileur ne nécessitant pas de recharges trop fréquentes comme c’était précédemment le cas, et à une réduction substantielle des émissions sonores. »

Toutes les machines ont été remplacées

Bien qu’elle réponde au cahier des charges, la nouvelle ligne, réceptionnée en 2019, comportait quelques non-conformités pointées par un organisme accrédité et rapidement corrigées. « Je n’ai plus mal aux épaules, se réjouit Kunthea Ngo, une autre opératrice. Il suffit de surveiller pour enlever les quelques nems mal formés… » « J’étais réticente au départ car je craignais que ces machines ne conduisent à une réduction d’effectif. Non seulement cela n’a pas été le cas, mais en plus les conditions de travail sont bien meilleures », reconnaît Sandra Sivakadadcham, secrétaire du CSE. En outre, des accès plus faciles pour le nettoyage réduisent les contraintes physiques.

Le nouveau dispositif d’alimentation  en galettes est  un dépileur  ne nécessitant pas  de recharges  trop fréquentes.

Face à ce succès, afin de remplacer toutes les anciennes machines, Hoa Nam a acquis six autres lignes, dont quatre ont été intégrées à un deuxième contrat de prévention. De plus, l’amélioration des aspirations de vapeur rend l’atmosphère moins humide et évite d’avoir à faire tourner en permanence le système de refroidissement qui maintient la température ambiante à 15 °C. Résultat : moins de bruit et des économies d’énergie significatives.

« Le port de charge faisant également partie de nos préoccupations, un convoyeur fait le lien entre la production et la friteuse, illustre Philippe Chieu. Plus loin, un mât mobile, inscrit au premier contrat de prévention, distribue la production entre nos trois lignes de conditionnement : surgelés, petits et gros formats frais. » Les retourneurs qui vident les bacs de viandes et de légumes dans les hachoirs et mixeurs de l’atelier de préparation des farces participent à limiter le port de charges. Le remplacement du monte-charge, hors d’âge et qui tombait régulièrement en panne, s’inscrit dans cette même démarche.

« La culture de prévention impulsée par Philippe Chieu semble avoir pris racine, observe Jean-Pierre Depay. La recherche d’amélioration est continue, comme le prouve le prochain dossier sur lequel l’entreprise va se pencher, à savoir la réduction des manutentions des caisses de produits finis. » 

FICHE D'IDENTITÉ

Nom : Hoa Nam

Lieu : Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne)

Activité : fabrication de spécialités culinaires asiatiques

Effectif : 82 salariés

Production : de 1 500 à 2 000 pièces (nems, bouchées vapeur, brioches, samoussas…) par heure

Chiffre d’affaires (2023) : 11,5 millions d’euros

Surface : 1 700 m2 dont 1 000 m2 d’atelier

Partager L'article
Lien copié
En savoir plus