Ce site est édité par l'INRS
Logistique

Une palette de solutions pour les conditions de travail

À Fleury-Mérogis, dans l’Essonne, l’entreprise Martin Brower prépare les colis pour alimenter en continu les restaurants de son partenaire McDonald’s. Mobilisée sur la lutte contre les troubles musculosquelettiques (TMS), l’entreprise de logistique et de distribution déploie une politique de prévention qui laisse à l’humain – du nouvel embauché au salarié plus expérimenté – une place centrale.

8 minutes de lecture
Grégory Brasseur - 21/02/2025
Lien copié
Partager l'article
Lien copié

Il y a la sécurité que l’on voit et celle que l’on voit moins. L’innovation technique d’un côté, pour améliorer l’ergonomie et les conditions de travail dans l’entrepôt, réduire la coactivité et les manutentions manuelles ; et, de l’autre, le travail sur la culture d’entreprise, l’intégration, la formation, la prévention des risques psychosociaux (RPS)… Chez Martin Brower, partenaire logistique de McDonald’s, l’un ne va pas sans l’autre. L’entreprise fournit en continu les restaurants de l’enseigne, de la frite au steak haché, en passant par les fournitures non alimentaires.

Le site de Fleury-Mérogis, dans l'Essonne, assure l’approvisionnement des quelque 300 restaurants McDonald’s de Paris et l’agglomération parisienne, ainsi que l’Orléanais et le Val-de-Loire et, plus à l’est, d’un axe qui remonte de Nevers à Troyes. À l’année, cela représente 105 000 tonnes de marchandises, 13 millions de colis manutentionnés et, chaque jour, 52 tournées permettant de livrer les restaurants trois fois par semaine.

« Nous nous voyons comme un centre de distribution, car les colis ne restent pas en stock », explique Christophe Bellières, le directeur entrepôt et flux. Les frites surgelées, par exemple, ne transitent sur le site que six heures en moyenne. La plate-forme, d’une superficie de 8 500 m2, est subdivisée en trois zones, pour les produits à température ambiante, réfrigérés et surgelés. La réception, une quarantaine de camions par jour, s’étale sur la journée. Dès leur arrivée, les palettes de marchandises sont flashées par les réceptionnaires. Un outil de gestion informatique puissant permet d’assurer une traçabilité en temps réel et de bout en bout pour répondre au niveau d’exigence et de protection de la marque sur la sécurité alimentaire. La suite peut sembler classique : les caristes montent et descendent les palettes en réapprovisionnement/picking, les produits sont mis en gare d’expédition par des préparateurs, puis repris par les chargeurs qui alimentent les camions bi-température qui partent livrer les restaurants.

Tous acteurs de l’amélioration continue

« Nous nous attachons depuis des années à construire un environnement de travail où la sécurité est l’affaire de tous, avec une approche qui part du terrain et des collaborateurs pour, notamment à travers le lean management, mettre en place des actions pérennes en réponse à leurs besoins », témoigne Bruno Boutet, le directeur des ressources humaines de Martin Brower France. Concrètement, selon le groupe, il s’agit d‘œuvrer collectivement pour établir un process et un parcours optimisés, en réduisant la coactivité et les contraintes physiques.

« Nous avons par exemple créé des bacs en bois pour sécuriser le stockage des mono-colis ou des références qui tournent peu, indique Christophe Bellières. Ils sont trop petits pour passer sur la filmeuse automatique et le filmage manuel se révélait trop pénible pour les réceptionnaires. » « Depuis plus de dix ans, nous travaillons étroitement avec la médecine du travail ou encore la Cramif, dont l’accompagnement via le programme TMS Pros nous a donné l’opportunité de franchir une marche supplémentaire », estime Franck Briant, le directeur du site.

« L’entreprise s’est engagée sur un suivi d’indicateurs tels que le taux de filmage automatique, les hauteurs de palettes entrantes et sortantes avec aucun prélèvement au-delà de 1,80 m, l’utilisation de chariots transpalette à haute levée, ou encore la mise en place de réhausse de palettes », précise Estelle Koeth, contrôleuse de sécurité à la Cramif. « La technologie évolue. Plusieurs générations de filmeuses automatiques se sont succédé dans l’entrepôt, certaines avec plateau tournant. Les plus récentes, à bras tournant, sont très efficaces pour envelopper en sécurité tout type de charges. Ces équipements sont déployés pour réduire les postures contraignantes », décrit Christophe Bellières.

Au fil des ans, le système de picking a été optimisé. « Plus l’implantation des colis est cohérente, plus on réduit les contraintes physiques et les manutentions », insiste le directeur. Les opérateurs reçoivent les informations sur la mission créée par le logiciel de gestion via la commande vocale. Leur parcours dans l’entrepôt est adapté avec un poids et une volumétrie à ne pas dépasser. Ils préparent les colis sur des demi-palettes plastiques, utilisées pour réduire la pénibilité dans les restaurants.

L’un d’eux est en pleine action dans l’allée de l’entrepôt essonnien où se trouvent les références à plus forte rotation. Sur le stock dynamique gravitaire, l’inclinaison des rails facilite le prélèvement des colis. Il dépose les références demandées sur son chariot dont le plateau est surélevé pour travailler sans se baisser. L’organisation lui permet de ne pas être exposé à la coactivité avec les caristes qui assurent le réapprovisionnement de l’autre côté, dans une allée qui leur est dédiée. Au niveau le plus bas, les colis sont surélevés.

Pour les secteurs où préparateurs et caristes sont amenés à se croiser, la technologie « blue spot » permet d’indiquer aux piétons et aux autres chariots, de manière visuelle, l’arrivée d’un chariot élévateur à proximité. Par ailleurs, des lignes rouges lumineuses délimitent la zone à ne pas franchir lors du gerbage et dégerbage des palettes. « Le préparateur repère facilement ma zone d’intervention et la distance à respecter, affirme Avelino Saulnier, un cariste. Tout le monde est plus serein. »

Phase de test

« On a travaillé avec le logiciel sur l’implantation du picking et sur l’augmentation de l’espacement entre les palettes dans le stock, afin que les produits les plus encombrants puissent être prélevés avec le minimum de contraintes physiques. Du côté du surgelé, la difficulté vient du poids moyen du colis, une quinzaine de kilos pour les frites », reprend Christophe Bellières. Dans cette zone à - 20 °C, la solution a pris la forme d’une pince. « Le cariste amène la palette mère en bois au niveau de la pince. Celle-ci soulève les colis. Il n’a plus qu’à extraire la palette bois, la remplacer par les demi-palettes plastiques et les envoyer en expédition. Aujourd’hui, cette opération ne nécessite plus aucune manutention manuelle », souligne Stéphane Adam, le responsable prévention des risques.

Sur les quais d’expédition, bien que le site soit équipé de dispositifs de bloque-roue depuis plus de dix ans, un nouveau prototype est actuellement en phase de test. En 2008, un accident survient à la suite du départ d’un camion au cours d’un chargement. Une procédure des clés (une fois à quai, le chauffeur doit obligatoirement remettre la clé du véhicule au réceptionnaire) a alors été mise en place, avant d’opter pour le bloque-roue, déployé sur l’ensemble des quais, qui permet de renforcer encore la sécurité. S’il est retiré alors que la porte est ouverte, une alarme se déclenche. « Le nouveau prototype à l’essai est automatique : on n’a plus à manutentionner la barre autoportante jusqu’à l’essieu. Quelques réglages doivent encore être faits, mais le gain est énorme. De plus, le retrait de ce bloque-roue est impossible tant que la porte est ouverte », assure Franck Posecak, un chauffeur du parc.

Mais ces avancées n’auraient pas le même poids si, derrière, un travail de fond sur la culture sécurité n’était pas entrepris. « On a créé en 2011 une école de formation composée de tuteurs pour intégrer le mieux possible les nouveaux et intérimaires », évoque Stéphane Adam. « Les intérimaires d’aujourd’hui sont les collaborateurs de demain », renchérit Franck Briant. Arrivé à un poste de préparateur de commandes, Alain Ferrère a évolué vers une fonction managériale, avant de devenir coordonnateur de l’intégration et de la formation. « On s’appuie sur la promotion interne pour former des tuteurs présents dès l’accueil. À Fleury-Mérogis, nous avons deux tuteurs entrepôt et un tuteur distribution, explique-t-il. C’est un dispositif qui permet d’apprendre les uns des autres et de gagner plus vite en autonomie. »

Analyse et réflexions autour du sujet des RPS

« Je vais tout de suite lui présenter le matériel d’aide à la manutention. On aborde la prévention en regardant les différents métiers, la façon dont on travaille ensemble », précise Christian Malanda, tuteur entrepôt, qui accueille justement un intérimaire. Pour le responsable prévention des risques, cela contribue aussi à réduire le risque d’accident en rendant le nouvel arrivant plus rapidement opérationnel et à améliorer la qualité de montage des palettes.

Autre champ d’investigation : la prévention des RPS. Pour ce travail, l’entreprise s’est fait accompagner par un cabinet extérieur. À partir de l’analyse de l’activité en suivant la méthodologie INRS pour évaluer les facteurs de RPS, un travail de collecte d’indicateurs impliquant des acteurs volontaires a été lancé dans le groupe, avec des résultats et des attentes différentes d’un site à l’autre. « Chez nous, il y avait un vrai sujet sur la polyvalence, que nous encourageons pour éviter les risques générés par la répétition de mêmes gestes », explique Franck Briant. Préparateurs de commandes, chargeurs, caristes, conducteurs routiers… Les équipes ont tendance à attribuer un caractère hiérarchique à ces fonctions. « Sur un site comme Fleury-Mérogis, où l’on a un faible turnover et certains salariés qui sont présents depuis plusieurs dizaines d’années, la conduite du changement doit se faire sans brusquer », estime le directeur.

La constitution d’un groupe de travail et la participation des partenaires sociaux se sont révélées utiles pour amener le sujet par le consensus. « Sur d’autres entrepôts, où l’on n’a pas, comme c’est le cas ici, d’équipes dédiées à la réflexion sur les RPS, c’est la question des fins de semaines qui est remontée, poursuit Bruno Boutet. Le groupe de travail a réfléchi à une nouvelle organisation, avec une planification différente des jours de repos. Elle a été présentée à la direction et au CSE, puis testée, pour permettre de réduire le nombre de samedis travaillés. »

À découvrir aussi