Ce site est édité par l'INRS
Transport routier

Bureaux, quais, ateliers… : bien concevoir ses espaces de travail

À quelques années d’intervalle, les entreprises de transport finistériennes Guivarc’h et Pelé ont orchestré, pour l’une, la conception de bureaux près de la base d'aéronautique navale de Landivisiau et, pour l’autre, une plate-forme logistique redimensionnée pour l’activité. Deux projets ambitieux en matière d’amélioration des conditions de travail.

8 minutes de lecture
Grégory Brasseur - 23/12/2024
Lien copié
Partager l'article
Lien copié

« On appelait ça l’aquarium. C’est bien simple, par moments on n’entendait plus les camions entrer dans la cour, ni même le téléphone sonner. » Depuis la salle d’exploitation des transports Guivarc’h, spécialisés dans le transport de marchandises industrielles et de produits frais à Bodilis, dans le Finistère, Jacques Manson, qui chapeaute le service frigorifique, revient sur une situation vécue il y a quelques années. L’open space, dans lequel une dizaine de collaborateurs assurent aujourd’hui la gestion des demandes clients, du matériel et des chauffeurs a une particularité : il n’est qu’à quelques kilomètres de la base d'aéronautique navale de Landivisiau.

À voir aussi en diaporama sonore
Un nouvel atelier pour les transports Pelé

« Nous sommes sur l’axe de passage des avions militaires. Plusieurs fois par jour se succèdent des phases d’entraînement extrêmement bruyantes », explique Mickaël Le Han, responsable du site. Il suffit d’ouvrir une porte pour immédiatement s’en rendre compte. Entre 2000 et 2010, l’entreprise connaît une forte croissance. Le projet de construire un nouveau bâtiment d’exploitation en intégrant cette particularité liée au bruit se dessine. L’établissement est accompagné dans sa réflexion par la Carsat Bretagne, qui demande l’intervention du Centre interrégional de mesures physiques de l’Ouest (Cimpo) pour une expertise technique et des conseils à la conception.

Protégés du vacarme des rafales

En 2010, après une période transitoire dans un bungalow de chantier où il faisait froid l’hiver et chaud l’été, pendant laquelle chacun composait tant bien que mal avec le bruit des rafales volant à basse altitude, le nouveau bâtiment est construit. Murs en béton intégrant une laine minérale de 200 mm d’épaisseur, plafond acoustique avec un matériau de classe A (conférant le niveau d’absorption acoustique le plus élevé), triple vitrage, renforcement de la qualité des ouvrants, linoléum souple au sol, climatiseurs réversibles, ventilation adaptée, apport maximum de lumière extérieure et renforcement de la qualité de l’éclairage artificiel… Les préconisations de Didier Aoustin, contrôleur de sécurité au Cimpo, sont suivies à la lettre. « Ça n’a plus rien à voir. On travaille au calme tout en gardant un contact visuel avec le parc grâce aux grandes ouvertures vitrées. On ne pourrait jamais revenir en arrière », reprend Jacques Manson, qui vient de fêter ses 40 ans d’ancienneté. 14 en tant que conducteur routier et 26 au bureau. Ils sont d’ailleurs quelques-uns, comme lui, à avoir fait leur carrière dans la maison.

Une passion : le transport

Rachetée en 2016, Guivarc’h (113 personnes) est l’une des trois entités sœurs du groupe Pelé, avec les transports Gendron (58 personnes), en Ille-et-Vilaine et l’entreprise Pelé (73 collaborateurs), installée à La Martyre dans le Finistère. Cette dernière consacre 65 % de son activité au transport industriel à la demande pour les secteurs du machinisme agricole, de l’horticulture, de l’industrie et de l’agroalimentaire en produits secs. Le reste se répartit entre une activité historique de transport d’explosifs, la distribution palettisée sur le Finistère et la location de camions avec conducteurs. Cette affaire familiale est née en 1995 de la passion affirmée de Patrick Pelé pour les camions et le transport routier, que perpétuent aujourd’hui ses enfants, Guillaume et Pauline, les nouveaux cogérants.

Il y a quelques années, l’entreprise Pelé a, elle aussi, été animée par un projet de conception de nouveaux espaces de travail pour l’implantation d’une nouvelle base logistique. « En 2002, nous avions acheté un bâtiment à Saint-Urbain, proche d’habitations. Quinze ans plus tard, on a commencé à se sentir à l’étroit, évoque Guillaume Pelé. L’entreprise s’était développée. Nous étions 45 collaborateurs pour 35 véhicules, avec la capacité d’en stocker 30 ! Faute de place, le vendredi, au retour des conducteurs partis la semaine en régions Rhône-Alpes et Sud-Est notamment, les camions stationnaient en file indienne devant la cour. Il y a même eu quelques accrochages, heureusement restés sans gravité. » Alors qu’un terrain est envisagé à La Martyre pour construire une nouvelle plate-forme, la Carsat Bretagne est consultée. « On connaissait bien Patrick Pelé, investi dans le club sécurité routière en entreprises du Finistère. Assez naturellement, nous sommes arrivés très en amont sur le projet, avec l’appui du Cimpo », confirme Gilles Mauguen, contrôleur de sécurité à la Carsat Bretagne.

Des actions tous azimuts

Un premier diagnostic met en lumière des risques liés à la circulation des véhicules sur le site, aux manutentions mécaniques (lors du chargement des camions, de la manipu- lation des palettes, des manœuvres dans des espaces contraints et notamment dans la cour encombrée), mais également des risques de chute de hauteur au niveau des quais, à la descente des camions ou encore des risques de chute de plain-pied notamment par temps de pluie. Un contrat de prévention est signé avec la Carsat Bretagne. « L’entreprise s’est engagée sur la prise en compte des aspects humains, organisationnels et techniques », souligne Gilles Mauguen.

Un temps retardé par la crise sanitaire, le projet se concrétise en 2021 avec l’inauguration d’un nouveau bâtiment de 2 500 m2 sur un terrain de 3,3 hectares à La Martyre, où sont déployés les classiques de la conception des lieux et situations de travail : organisation des flux de circulation extérieure et intérieure, couverture intégrant un éclairage naturel zénithal avec lanternaux translucides doublés de grillage à mailles soudées (pour prévenir les chutes en cas d’intervention en toiture), garde-corps sur la périphérie du bâtiment, traitement acoustique et thermique total, installation de portes sectionnelles motorisées avec oculus, conception de quais sécurisés, création d’une salle d’exploitation surplombant les quais à l’abri des nuisances sonores, etc.

« Nous avons conçu un atelier garage poids-lourds mutualisé et créé la société P2G Services travaillant pour le compte des transports Pelé et Guivarc’h, car il ne semblait pas pertinent de conserver deux ateliers à 20 kilomètres l’un de l’autre », mentionne Guillaume Pelé. « Avant, les camions entraient en marche arrière. Nous avons désormais une circulation dynamique avec entrée d’un côté et sortie de l’autre. L’atelier traversant comprend trois travées, où les mécaniciens travaillent en utilisant la fosse, des colonnes ou un pont, qui permet de lever jusqu’à 25 tonnes, décrit Benoit Abgrall, le responsable d’atelier. J’étais sceptique au départ, par manque d’habitude, mais le pont présente pas mal d’avantages. Son utilisation est privilégiée pour beaucoup de travaux, comme les vidanges, l’inspection du châssis. » La caisse à outils est à portée de main, il n’y a pas à monter et descendre l’outillage, comme lors du travail en fosse. Car les opérateurs ont néanmoins souhaité conserver une fosse. Celle-ci est équipée d’un rideau pour prévenir les risques de chutes de hauteur. « Pour démonter un pneumatique ou travailler sur les freins, ça reste mieux, précise Loïc Mathès, mécanicien. Mais il vaut mieux avoir le choix. Puis l’atelier est bien isolé. J’ai connu l’ancien site en tant que chauffeur, c’était pas pareil. » Chez Guivarc’h, les mécaniciens intervenaient dans un hangar agricole, agrandi et amélioré au fur et à mesure. Ici, la dalle béton est uniforme, le système de distribution des fluides enterré pour éviter les risques de chutes. Une dizaine d’ouvertures en skydome, les portes sectionnelles avec oculus et des ouvertures latérales apportent de la clarté. « Ça joue aussi pour se sentir moins oppressé au quotidien », souligne Guillaume Pelé.

De la technique à l’amélioration continue

« Côté quais, on a un bâtiment double face. Les chauffeurs peuvent se mettre à quai de chaque côté, ce qui simplifie la circulation extérieure et le flux des palettes dans le hangar. C’était un point majeur à corriger pour réduire les manutentions », poursuit le gérant. Une zone couverte a même été créée à l’extérieur pour les chargements et déchargements latéraux sous auvent. Dans le hangar (zone de cross-dock), l’entreprise est passée d’une situation initiale de six quais à Saint-Urbain à 14 (2 x 7) dans la nouvelle installation. « De nombreux éléments techniques ont été mis en place, tels que l’asservissement de la porte à la présence de camion à quai, un système de cale, des guide-roues pour faciliter la mise à quai, une conception en pente qui empêche le camion de glisser, une butée anti-écrasement de 50 cm, un éclairage asservi à l’ouverture de la porte, un pont de liaison avec vérin pneumatique… », souligne Antoine de Lipowski, ingénieur conseil à la Carsat Bretagne. Depuis les quais, un escalier mène à la salle d’exploitation, qui n’a pas non plus été négligée. Sa situation à l’étage permet de limiter les flux de piétons. « Le personnel des bureaux a vue sur les quais et les chauffeurs avec lesquels il est en relation », remarque Guillaume Pelé. « C’est clair, moderne, nous avons des bureaux à hauteur variable, une salle de pause chauffée, l’accès à la terrasse. Rien à redire. », complète Pauline Donain, exploitante zone longue.

À écouter aussi en podcast
Un chariot embarqué pour faciliter les livraisons sur chantiers difficiles d'accès

Par ailleurs, dans le cadre du contrat de prévention, l’entreprise a investi le dispositif de formation porté par l’INRS et se déployant sur trois niveaux d’acteurs. « Les responsables d’établissement ont suivi la formation dirigeant avant celle de leur animateur prévention du transport routier et de la logistique (APTRL) et des acteurs prévention secours - les chauffeurs – qui savent porter secours et sont des relais pour la remontée de situations à risque et de propositions de solutions », précise Antoine de Lipowski. Pascal Jacquet, le responsable d’exploitation, a quant à lui suivi une formation complémentaire « réagir en cas d’accident grave » avec l’appui d’un consultant formateur travaillant étroitement avec l’INRS et la Carsat Bretagne. « La finalité est d’avoir une éducation à la prévention plus large en impliquant toutes les strates. Au retour du congé maternité de notre APTRL, nous mettrons en musique des projets de prévention », affirme Guillaume Pelé. L’objectif : être toujours plus robuste dans le repérage de situations à risques et continuer à avancer.

En savoir plus

À découvrir aussi