
C’était une première à Paris, et tous les intervenants – ou presque – se sont dits impressionnés d’être là, sur scène. Il faut dire que le cadre majestueux de la Comédie française a de quoi impressionner. C’est dans ce célèbre théâtre de la capitale, cher à Molière, que s’est déroulée fin janvier une rencontre professionnelle sur la prévention des risques dans le spectacle vivant. Pas moins de 170 personnes (techniciens, régisseurs, directeurs techniques, personnes en charge des ressources humaines…) avaient répondu présent à l’invitation. « J’ai assisté l’été dernier aux rencontres sur la prévention des risques professionnels organisées par les Nuits de Fourvière. Dans le train du retour, je me suis dit que l’on pourrait organiser la même chose, à Paris, à une date totalement différente pour toucher un autre public », explique Patrick Moch, directeur technique adjoint à la Comédie française. Une fois les budgets réunis, c’est avec l’équipe lyonnaise qu’il construit la journée parisienne, avec l’objectif de sensibiliser le secteur aux risques professionnels.
Dans un premier temps, deux contrôleuses de sécurité de la Cramif, Mélanie Chateau et Fanny Denis, se sont attachées à la description d’un accident. Elles ont ensuite donné la définition d’un accident du travail et quelques chiffres du secteur : entre 11 et 17 maladies professionnelles reconnues annuellement et 349 à 415 accidents du travail par an en Île-de-France, pour un effectif de 16 à 20 000 salariés, représentant 24 à 30 000 jours d’arrêt. Un chiffre largement sous-estimé, notamment en raison des contrats précaires couramment utilisés dans ce secteur. L’artiste ou le technicien ne veut pas être à l’origine d’un arrêt de la représentation », a indiqué Aurélie Landry, de l’université de Grenoble qui a mené une enquête sur la population de ce secteur aux résultats plutôt éloquents : sur 60 entretiens, 100 % des personnes interrogées ont reconnu avoir été blessées sans avoir déclaré d’accident du travail. « Souvent, les personnes tirent sur la corde, pour ne pas rater leur “moment”, a-t-elle poursuivi. On assiste donc à une usure prématurée de ces salariés. » « Les intermittents cherchent avant tout à faire leurs heures. Il faut que l’on arrive à décomplexer le salarié victime d’un accident du travail pour qu’il le déclare », complète Claire Serre-Combe, du Syndicat national des professionnel.les du théâtre et des activités culturelles-CGT (Synptact-CGT).
Ambiance, ambiance…
Pour sensibiliser les participants à la survenue d’un accident du travail, l’après-midi a été consacrée à un jeu, « Ambiance ambiance », les coulisses d’un accident du travail. Objectif : décrypter un accident, remonter aux causes racines et trouver des solutions. Pour ce faire, une saynète avait été écrite par Cyril Puig, avec la Carsat Rhône-Alpes : « On s’est inspiré de tout un tas d’événements et d’accidents ou presqu’accidents que l’on a pu rencontrer sur le terrain. » Une situation particulièrement réaliste : horaires à rallonge, inexpérience, stress, pression, tâches mal définies, matériel défaillant, EPI inadaptés ou inexistants, travail en hauteur... Les participants devaient ensuite interroger les élèves de l'École nationale supérieure des arts et techniques du théâtre (Ensatt) qui jouaient chacun un rôle dans la survenue de l’accident, et imaginer le plan d’action qui aurait pu l’éviter, avec l’aide d’animateurs et d’experts du réseau Assurance maladie-risques professionnels ou de Thalie Santé - un service de prévention et de santé au travail, du secteur de la culture.
La journée s’est clôturée par la représentation de l’accident sur scène, ce qui a permis à chacun de comprendre sa genèse. Une vraie réussite appelée à se renouveler, selon nombre de participants. « Cette année, nous avons eu peu de temps pour lancer les invitations, remarque Patrick Moch. Nous souhaitons avant tout toucher encore plus de professionnels des risques ou amenés à l’être, dans de petites structures. Nous allons certainement renouveler l’événement l’an prochain, avec un peu plus d’anticipation pour en faire venir le plus grand nombre. »