
C’est une avancée stratégique majeure, que l’on voit s’approcher sans bruit, mais qui devrait faire parler. Arrivant sur le site de Chavanod de Pfeiffer Vacuum, en Haute-Savoie, un camion Volvo FM 100 % électrique entame son cycle quotidien de rotations. Depuis octobre 2024, le transporteur Mégevand Frères met au service de son client, l’un des leaders mondiaux du marché des pompres à vide, le premier camion électrique homologué équipé d’un dispositif de sécurisation à quai et d’un système automatique de dételage/attelage. Depuis plus d’une dizaine d’années, cette PME familiale, engagée dans une stratégie de décarbonation, n’a de cesse de construire, avec ses partenaires, des solutions durables.
« La force de Mégevand Frères est de chercher des solutions innovantes sur tous les aspects, témoigne Thibaut Morvan, le responsable logistique de Pfeiffer Vacuum. Nous avions un besoin : effectuer des navettes quotidiennes entre nos sites d’Annecy, Sillingy et Chavanod, soit environ 150 kilomètres par jour, avec des exigences liées à l’environnement et, bien sûr, à la sécurité. Nous avons lancé un appel d’offres et demandé un plan de transport optimisé en fonction de la marchandise et de nos volumes. »
Et c’est la proposition de Mégevand Frères qui a été retenue. « Il fallait en premier lieu une organisation rationnelle qui permette de garantir le zéro kilomètre à vide, pour assurer une continuité des flux, sans temps d’attente. Avec un véhicule électrique, non bruyant, sans émission d’échappement afin de répondre parfaitement aux exigences du client. Il est entièrement dédié à son activité et permet d’effectuer les rotations souhaitées, détaille Frédéric Mégevand, co-gérant de Mégevand Frères. Ensuite, nous avons réfléchi, en lien avec Volvo Trucks pour la partie véhicule moteur, Fruehauf pour les semi-remorques et l’équipementier Jost, à l’ensemble des contraintes pour définir un environnement de sécurité globale. »
La sécurité avant tout
« La grande majorité des accidents surviennent avec des véhicules à l’arrêt. Par le passé, nous avons eu deux presqu’accidents au cours desquels le chauffeur a démarré pendant les opérations de chargement ou de déchargement », explique Thibaut Morvan. De toute évidence, une solution améliorant la sécurité des opérations côté quais et côté conducteurs était nécessaire. Le nouveau camion a été doté d’un dispositif qui empêche tout départ inopiné. Une fois le rideau du camion ouvert, un système automatique bloque les freins de la remorque à quai.
« Pour les caristes comme pour le chauffeur, ça enlève un stress énorme. Tout le monde y gagne », assure Grégory Francizod, le responsable logistique amont chez Pfeiffer Vacuum. « On procède bien sûr aux vérifications, ce qui permet aussi de maintenir le lien avec le quai. Mais la technologie, avec des indicateurs visuels et sonores déjà présents, permet un double contrôle, confirme Esther Augereau, qui conduit le véhicule. Prenons un exemple simple : si je suis en avance sur l’heure de départ prévue, que j’ai constaté que le chargement est fini mais qu’un cariste décide de rouvrir la porte pour ajouter une palette, je ne pourrai pas faire partir le camion. »

Autre point clé : le dételage-attelage se fait de façon automatique et totalement sécurisée depuis la cabine de conduite. « Sur la tournée Pfeiffer, j’ai une dizaine d’opérations de ce type dans la journée, reprend Esther Augereau. Là aussi, on réduit la charge mentale de façon considérable, en travaillant sans courir, de façon totalement sereine. Tout se fait depuis la cabine, sans effort physique, avec une simple télécommande. C’est beaucoup moins fastidieux. » Traditionnellement, cette opération longue n’est en effet pas sans risque pour les chauffeurs. Elle impliquait jusqu’ici de monter sur la passerelle entre le tracteur et la semi-remorque – avec des risques de chutes et de blessures aux genoux et chevilles –, d’aller actionner les manivelles des béquilles – une trentaine de tours à chaque fois –, de connecter manuellement l’ensemble des câbles – c’est désormais automatique –, de tirer sur une poignée pour déverrouiller les sellettes… Et tout cela, quelle que soit la météo. « En tant que fournisseur de sellettes d’attelage et de béquilles télescopiques, nous avons développé cette solution automatique qui révolutionne des dizaines et des dizaines d’années de pratique, avec un dispositif désormais totalement sécurisé, permettant de réduire les risques de troubles musculosquelettiques et les risques d’accidents », affirme Frédéric Ménestrot, le directeur général de Jost France.
Des métiers revalorisés
« Ça change totalement la donne et va dans le sens des évolutions du métier. Les opérations de dételage-attelage étaient devenues plus rares, et maintenant elles se multiplient pour des questions de rationalisation des rotations. Grâce à ce dispositif, nous sommes entrés dans une nouvelle ère. La solution est totalement adaptée à ce client qui gère beaucoup de trafic inter-usine et effectue également des liaisons vers notre site de Seyssel, où il stocke de la marchandise », reprend Frédéric Mégevand. « En partant de l’organisation, nous avons défini les moyens et la sécurité à mettre en œuvre, établi le chaînage avec les fournisseurs en trouvant un apport mutuel pour construire une solution pérenne », conclut Yves Pasquier, le responsable d’exploitation Mégevand Frères.
« Et c’est bien à ce travail collectif, réalisé à partir de l’analyse de la demande, que tient la réussite du projet, grâce auquel on parvient à une réduction de la contrainte physique du travail », souligne Jennifer Malterre, contrôleuse de sécurité à la Carsat Rhône-Alpes. Aujourd’hui, c’est une femme qui est au volant du camion. Et ce n’est peut-être pas un hasard : l’innovation contribue aussi à l’attractivité des métiers et permet d’ouvrir le recrutement à de nouveaux profils.
FICHE D'IDENTITÉ
Nom : Mégevand Frères
Lieu : Sillingy (Haute-Savoie)
Création : 1991
Activité : entreprise de transport et de prestations logistiques, notamment pour le secteur de la grande et moyenne surface, l’industrie agroalimentaire, de nombreuses PME et industries locales. À la recherche de carburants alternatifs, elle a mis en service le premier camion de France en bi-carburation gaz/gazoil en 2014.
Effectif : 34 salariés