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Une journée avec

Une conductrice de camion

Laurence Le Cadre est l’une des six conductrices de poids lourds des Transports Gendron, basés en Ille-et-Vilaine. Elle sillonne la France à bord de son 44 tonnes, un métier passion qui l’expose à divers risques, appréhendés par l'entreprise.

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Corinne Soulay - 30/04/2025
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Une journée avec Laurence Le Cadre, conductrice poids lourd.
  • 8 h 25

    Une nouvelle journée de travail

    Sourire aux lèvres, Laurence Le Cadre traverse le parking des Transports Gendron, à Étrelles (Ille-et-Vilaine), où sont alignés des dizaines de camions aux tracteurs verts. Hier matin, elle était encore à Béziers, à plus de 800 km de là. Elle s’est arrêtée sur la route pour dormir et la voilà, ce matin, prête pour une nouvelle journée de travail : Laurence a 49 ans et elle est conductrice de poids lourds (elle dit « chauffeur routier »), depuis neuf ans. « C’est une reconversion, explique-t-elle. Avant, j’étais boulangère. Pour moi, chauffeur, c’était un rêve d’enfant. Alors, à 40 ans, quand j’ai quitté mon emploi pour des raisons personnelles, je me suis lancée. » Son quotidien, ce sont les trajets longue distance, à travers tout l’Hexagone, impliquant au maximum trois découchers par semaine. Mais aujourd’hui, exceptionnellement, elle se limitera aux frontières du département.

  • 8 h 30

    Un métier qui se féminise

    Pour connaître son programme, direction l’exploitation, le centre névralgique, situé au premier étage du bâtiment. Un bureau partagé où les exploitants transports suivent en direct les déplacements et conçoivent les emplois du temps des 45 chauffeurs des Transports Gendron. « Nous avons aussi une astreinte téléphonique, 24h/24, qui fait qu’en cas de problème, les chauffeurs peuvent toujours joindre quelqu’un », précise Élisabeth Colmadin, exploitante transport, elle-même ex-conductrice. « Depuis quelques années, le métier se féminise, rebondit Stéphane Esnault, responsable de site des Transports Gendron. C’est sans doute lié à l’amélioration des conditions de travail : aujourd’hui, les camions sont tous dotés de boîtes automatiques, les chauffeurs disposent d’aides à la manutention et ils ont aussi la possibilité de partir à la journée, sur des horaires compatibles avec une vie de famille. En tout, nous comptons six conductrices. Je trouve important qu’il y ait des personnalités différentes dans les équipes et cette mixité y contribue. »

    Quelques informations échangées avec les exploitants, un coup d’œil au tableau de programmation, et Laurence La Cadre descend retrouver son camion. « Chaque chauffeur a son tracteur attitré, glisse Élisabeth Colmadin. Ils y passent beaucoup de temps, donc il faut qu’ils s’y sentent bien. Si vous devez retirer et remettre vos affaires à chaque fois, refaire les réglages… ça peut être stressant. »

    Une journée avec Laurence Le Cadre conductrices poids lourd.
  • 8 h 40

    S'adapter aux réalités du terrain

    Sur le parking, impossible de le manquer : le tracteur de Laurence arbore, sur son pare-brise, deux plaques minéralogiques à son prénom. Avant d’accéder à sa cabine, la conductrice fait le tour du camion. Un rituel immuable : l’occasion de vérifier que toutes les ampoules fonctionnent, que les pneus sont en bon état… Première étape du jour, l’Esat de Lécousse, à 42 km, au nord. Elle doit y récupérer un chargement d’emballages carton, destinés à l’entreprise BCM Cosmétique, à Vitré. L’arrivée sur site est délicate : l’entrée de l’Esat se trouve à la sortie d’un rond-point, sur une route en pente. La conductrice est obligée de manœuvrer en marche-arrière, sur le bord de la départementale, pour entrer dans l’étroit parking, reculer en longeant le bâtiment, puis stopper le véhicule à l’entrée de l’entrepôt. Ici, pas de quai, le chargement se fera « au cul du camion », selon le jargon. Les conditions de sécurité lors du chargement-déchargement dépendent de la configuration de chaque entreprise cliente. Certaines disposent de quais basiques, d’autres de quais sécurisés avec système de blocage de roues pour éviter les démarrages intempestifs et les risques d’écrasement pour les salariés qui déchargent, d’autres encore s’en prémunissent en demandant les clés au chauffeur, le temps de l’opération.

    À l’aide d’un chariot élévateur, l’opérateur de l’Esat dépose une à une les palettes dans la semi-remorque. À l’intérieur, Laurence les positionne grâce à un transpalette. « Le plus souvent, je travaille avec des remorques frigorifiques, contenant de la viande, par exemple. Dans ce cas, ce sont les clients qui s’occupent de charger. Donc pas de manutention de mon côté. » 40 minutes et 33 palettes plus tard, la « semi » est remplie. « Si ça n’avait pas été le cas, j’aurais sécurisé le chargement avec des sangles ou des barres. » Les conducteurs équilibrent également la charge pour sécuriser la conduite. Un café sur le pouce… Et cap sur Vitré, où BCM Cosmétique attend ses emballages.

    Une journée avec Laurence Le Cadre, conductrice poids lourd.
  • 10 h 05

    Une cabine toute équipée

    Avec sa remorque de 13,60 m de long, le camion file tranquillement sur la départementale dans un paysage de bocages vallonné et de bâtisses en pierres grises. Laurence Le Cadre en dit plus sur sa passion : « Grâce à ce métier, je vois des choses que je n’aurais jamais pensé voir, des paysages, des lieux… J’ai eu l’opportunité de livrer le musée de l’Orangerie, à Paris ! » Dans sa cabine, des photos d’école de ses enfants, aujourd’hui âgés de 20 et 28 ans, un attrape-rêve – souvenir de vacances – suspendu au rétroviseur et, dans son dos, sa couchette, à laquelle elle a ajouté un surmatelas pour plus de confort. « Ici c’est mon cocon. J’ai un frigo et j’y ai même installé un micro-onde pour pouvoir manger là, plutôt que dans les routiers. »

    Une journée avec Laurence Le Cadre, conductrice poids lourd.
  • 10 h 50

    Une attention particulière portée au risque routier

    Chez BCM Cosmétique, cette fois, le parking est adapté et Laurence cale sans effort sa remorque au quai. Puis elle attend que les opérateurs déchargent. Le retour est l’occasion d’évoquer un des risques principaux du métier : le risque routier. Pour rouler en sécurité, la conductrice dispose de plusieurs équipements à l’intérieur de sa cabine, parmi lesquels diverses alertes sonores (pour la ceinture, en cas de dépassement de la bande d’arrêt d’urgence, détecteur de distance...) et un imposant écran de GPS, dédié aux poids lourds. « Il indique les routes autorisées, celles qui nous sont interdites, les hauteurs de ponts… ça permet de rouler sereinement, sans craindre de rester bloquée. Même si parfois, il faut s’adapter, à cause de travaux, cela nous simplifie beaucoup la tâche. » Laurence utilise aussi le régulateur de vitesse. Mais, pour l’heure, pas besoin : devant elle, un tracteur agricole la force à rouler au pas. Soudain, une ligne droite dégagée : c’est le moment de doubler. Contrôles sur les rétroviseurs, accélération, respect des distances de sécurité... « Allez mon bébé, on y va ! » s’exclame-t-elle, à l’adresse de son camion. Un beau « bébé » qui atteint 15 tonnes à vide, et jusqu’à 44 une fois chargé…

    Une journée avec Laurence Le Cadre, conductrice poids lourd.
  • 12 h 10

    Gestion de la fatigue

    Retour au siège, pour la pause déjeuner. L’occasion de poursuivre la conversation : comment gère-t-elle la fatigue ? « D’abord, chez les Transports Gendron, les conducteurs longue distance ne roulent pas de nuit et nous avons la chance d’avoir une grande autonomie : c’est nous qui décidons de nos trajets et de là où on s’arrête pour dormir. De plus, notre temps de conduite est limité par la réglementation. » Les conducteurs sont autorisés à rouler maximum deux fois 4 h 30 par jour, avec une pause d’au moins trois quarts d’heure entre les deux. Un dépassement est possible deux fois par semaine, mais la durée de travail journalière ne doit pas excéder 10 heures. Les temps de conduite, les pauses… Tout est consigné dans le chronotachygraphe, sorte de « boîte noire » du camion, située dans l’habitacle, au-dessus du poste de conduite.

    Une journée avec Laurence Le Cadre, conductrice poids lourd.
  • 13 h 50

    Bouger pour lutter contre la sédentarité

    Le programme de l’après-midi se résume à des chargements-déchargements dans des communes voisines. En traversant le parking pour regagner son camion, Laurence longe un imposant garage. « Nous avons notre propre mécanicien, qui peut intervenir si besoin, relève Stéphane Esnault. Et un logiciel nous alerte lorsque les maintenances obligatoires doivent être réalisées. » À côté, une station de lavage, gérée par un opérateur dédié, permet de laver une fois par semaine l’extérieur des camions et de nettoyer et désinfecter l’intérieur des remorques frigorifiques à la fin de chaque tournée, pour limiter le risque biologique.

    « Radio Nostalgie » dans l’autoradio, bien installée sur son siège à suspension pneumatique, dans sa cabine insonorisée, Laurence est prête à repartir. « C’est confortable, confirme-t-elle. Moi qui ai mal au dos, depuis l’enfance, avec ce siège dont je peux régler tous les paramètres (hauteur, profondeur…), je suis bien. » Reste le risque lié à la sédentarité. Lorsqu’elle fait de la longue distance, Laurence Le Cadre s’astreint à marcher au moins une demi-heure par jour et envisage de s’acheter une corde à sauter.

  • 17 h

    Un point sur l'écoconduite

    Après 3 heures de travail, elle décroche enfin sa remorque et ouvre l’application « conduite rationnelle » sur son portable qui évalue plusieurs critères : anticipation, freinage… « Cela nous donne des indications sur notre pratique. Dans le cadre de la formation continue obligatoire (FCO), nous avons aussi un recyclage tous les cinq ans, au cours duquel sont rappelés les principes de l’écoconduite, qui permet de limiter sa consommation de carburant, mais aussi de diminuer le risque d'accident. » En regagnant les locaux, elle avise deux nouveaux camions sur le parking, portant à six le nombre de véhicules neufs récemment acquis par les Transports Gendron. Elle ne résiste pas et va voir la cabine pour découvrir les nouveaux équipements, les caméras de recul et un système antidémarrage assujetti à un éthylotest. Puis, avant de rentrer chez elle, elle monte prendre connaissance du programme du lendemain. Retour aux trajets longue distance : dès midi, Laurence Le Cadre partira en direction de Roye, dans la Somme, à 450 km.

    Une journée avec Laurence Le Cadre, conductrice poids lourd.

    REPÈRES

    • Les Transports Gendron comptent 62 salariés, dont 45 chauffeurs. Ils couvrent trois activités : stockage et livraison, quatre fois par jour, de marchandises de clients de proximité (activité « inter-clochers ») ; transport longue distance, partout en France et jusqu’en Belgique ; mais aussi régional. L'entreprise fait partie du réseau Évolutrans, qui regroupe plus de 100 transporteurs et logisticiens qui se relaient de région en région, pour livrer des marchandises sur tout l’Hexagone.