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Outils et conditions de travail

Assurer la longévité du matériel et préserver les salariés

Solumat Île-de-France est dédiée à l’entretien et la révision du matériel de Vinci Construction pour ses chantiers de bâtiment franciliens. Depuis une dizaine d’années, la structure a amélioré les conditions de travail des salariés sur ses différents sites, notamment grâce à l’acquisition et au développement d’outils spécialement adaptés, et par l’automatisation des tâches les plus physiques.

8 minutes de lecture
Céline Ravallec - 25/06/2025
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Début de journée, dans l’atelier Banches de Solumat Île-de-France, à Moissy-Cramayel, en Seine-et-Marne. Devant un tableau, l’équipe constituée d’une douzaine de personnes participe au briefing quotidien présentant les objectifs du jour. Un des membres de l’équipe est absent ce matin, ce qui implique une réorganisation de certaines tâches de la journée. « Si vous avez besoin d’un coup de main, demandez, nous sommes tous là pour travailler ensemble », précise Tshitamba Bula, dit Jeannot, le manager qui anime le briefing. Au terme de la réunion, chacun gagne son poste.

La structure est spécialisée dans l’entretien et la mise à disposition du matériel des chantiers de Vinci Construction pour ses activités de bâtiment en région parisienne. Car tout le matériel qui sert sur les chantiers de bâtiment a une vie avant et après son utilisation : bennes à béton, outils de coffrage, étais, garde-corps… Ici, le site, qui emploie 23 personnes, est dédié à la remise en état des coffrages et des armoires électriques de chantier.

Il existe deux modèles de coffrages : les banches métalliques droites et les banches métalliques courbes. Une banche droite classique mesure 2,50 m x 2,80 m et pèse une tonne. Lorsqu’elles reviennent d’un chantier, les banches sont chargées de résidus de béton, parfois endommagées par des chocs. Historiquement, leur nettoyage se faisait manuellement à la lance à haute pression. Exposition à des troubles musculosquelettiques, à des projections de béton, travail en extérieur… tel était le lot des ouvriers qui se consacraient à ces tâches. C’est pourquoi l’activité a été revue à partir de 2014, pour mécaniser et industrialiser le process de révision des banches. « L’idée était d'automatiser le plus possible les opérations de révision et de nettoyage, alors que tout se faisait à la main il y a encore dix ans », remarque Chantal Labry, responsable QPE (qualité, prévention, environnement) chez Solumat IdF.

« C’est un véritable process industriel qui a été mis en place », remarque Sylvain Langlais, contrôleur de sécurité à l’antenne 77 de la Cramif. À l’arrivée du matériel, une fiche de révision du matériel définit les interventions à prévoir sur le matériel : nettoyage ? peinture ? réparation plus lourde ? « Tout ce qui nous arrive est manipulé et vérifié », explique Jean-Baptiste Pereira, le directeur matériel.

Marche en avant

La prise en charge d’une banche, qui suit le principe de la marche en avant, débute par son installation sur un convoyeur à rouleaux, en bout de ligne, à l’extérieur du bâtiment : contrôle visuel, ouverture des garde-corps pour vérifier leur état, retrait du plus gros du béton au grattoir. La banche est ensuite levée à l’aide d’un palan fixé à un rail plafonnier et suspendue à la verticale, afin de passer en cabine de lavage. Cette opération ne nécessite désormais plus d’intervention humaine.

Les portes d’entrée et de sortie de la cabine sont asservies, et un signal visuel (feu vert/feu rouge) indique si un lavage est en cours, pour empêcher toute entrée en cours de programme. « Avant, on le faisait à la main, c’était plus long et beaucoup plus physique, commente Felipe Enes de Abreu, préparateur matériel. Avec le robot, ce n’est plus aussi fatigant. » Pour l’heure, seules des banches droites peuvent être prises en charge dans les cabines. À la sortie de la cabine de lavage, la banche est redéposée à l’horizontal sur une table sur rail. Un tracteur-pousseur électrique permet de la déplacer sans effort vers le poste de ponçage.Cet équipement, qui supprime tous les efforts physiques à cette étape de transfert, a fait l’objet d’une aide financière de la part de la Cramif.

Au poste suivant, les banches passent au polissage : il s'agit de polir les peaux coffrantes, soit la face de la banche qui sera au contact du béton. Ensuite, la banche est retournée au pont roulant pour démonter certains accessoires (échelles, béquilles…) avant de passer en cabine de peinture. Ici, le travail reste encore manuel, même si un manipulateur auto-équilibré par système pneumatique a été installé pour aider aux manutentions. « C’est un outil très utile pour soulager les ports de charge », avance Chantal Labry. Vient ensuite le passage en cabine de peinture. La cabine est dotée d’une ventilation à flux vertical. Actuellement, deux cabines de peinture sont en fonctionnement, et un emplacement est prévu pour en accueillir une troisième.

Polyvalence

À la sortie de la cabine de peinture, après passage à l’étuve, les accessoires préalablement déposés sont remontés. Puis la banche est stockée en attendant de repartir sur un chantier. À l’extérieur, dans la zone de livraison, un quai fixe a été aménagé pour que les camions puissent se garer le long et procéder aux opérations de chargement/déchargement. À proximité, un quai mobile, sur roulettes, peut être positionné au plus près sur l’autre côté du camion, et ainsi faciliter les opérations de déchargement. « Avant, il y avait deux quais fixes, ce n’était pas très pratique, ils étaient fréquemment endommagés, remarque Gaylor Lelong, grutier. C’est vraiment mieux d’avoir un quai mobile. »

Dans l’ancien mode opératoire, un même compagnon suivait toutes les étapes de révision d’une banche. Avec cette nouvelle organisation, « une des craintes des compagnons était que les tâches soient plus répétitives. Mais hormis quelques postes très spécifiques (peinture, chaudronnerie), ils sont tous polyvalents, afin de limiter la monotonie et de pallier les éventuelles absences de collègues », souligne Chantal Labry.

L'entreprise cherche constamment à optimiser le matériel. « Des réflexions sont en cours pour développer des supports qui permettront à l’avenir de passer des coffrages courbes dans les cabines de lavage, explique Jean-Baptiste Pereira. Nous réfléchissons aussi à des prototypes de chevalets pour optimiser le lavage avec les robots pour les garde-corps de banches et autres accessoires. »

Multiples aides à la manutention

À une trentaine de kilomètres de là, à Marolles-en-Hurepoix, dans l’Essonne, d’autres matériels sont pris en charge par Solumat IdF : étais, garde-corps, plates-formes de travail en encorbellement (PTE), bennes à béton, outils spécifiques manuportables… Sur le site de 120 000 m2 se côtoient des espaces de stockage pour tous ces matériels. « Notre métier est de réceptionner, contrôler, remettre en état et réexpédier le matériel qui nous est livré, explique Clément Pannier, responsable du site. 100 % du matériel qui entre ici est manutentionné. »

Un étai pèse entre 15 et 25 kg selon les modèles. « Des évaluations avaient montré que les deux personnes dédiées à la révision des étais portaient en moyenne chacune deux tonnes de matériel par jour, associées à des manutentions contraignantes (torsions du tronc, charges au sol) », poursuit Clément Pannier. En raison de sa sinistralité, l’entreprise a été ciblée dans le programme national TMS Pros.

En 2021, un stagiaire en ergonomie a suivi le poste, filmé les différentes tâches, et analysé l’activité. Différents services en interne, ainsi que des compagnons, ont ensuite été impliqués pour développer un outil qui réponde aux différentes contraintes. La mise au point finale a été réalisée avec l’aide d’un fabricant français. Cela a abouti à une table avec des convoyeurs à ses extrémités. Mise en service depuis un peu plus d’un an, elle a fait l’objet d’une subvention de la Cramif.

Son principe est simple : un panier contenant les étais est positionné à l’aide d’un chariot en bout de ligne. Ceux-ci sont soulevés par un vérin pour être mis au niveau du convoyeur à hauteur d'homme, puis poussés à la main par l’opérateur. Ce dernier effectue le contrôle visuel du matériel, puis le manipule pour vérifier que le fût et la coulisse ne sont pas endommagés, et que le système fonctionne aisément. Une table pivotante, avec un système de blocage qui enserre les étais, permet de les manipuler sans effort.

Travailler en sécurité

Une fois contrôlés, les étais conformes avancent sur le convoyeur avant d’être stockés dans un nouveau panier en vue de leur réexpédition sur chantier. Ceux qui présentent un défaut sont sortis de la ligne et stockés temporairement pour être remis en état ou définitivement mis au rebut. Cette étape nécessite encore des manutentions manuelles. L’acquisition d’un palonnier est prévue pour les réduire. « Pour les étais ronds, la table est vraiment super, témoigne Lionel Gomes, qui occupe le poste. Pour les étais carrés, c’est un peu moins pratique car la meilleure façon de les caler en prévision de leur transport est de les disposer en quinconce avec l’aide des platines (NDLR : parties plates aux extrémités), et cette opération reste à faire à la main en bout de ligne. »

Autre activité, autre aide à la manutention… à l’atelier menuiserie est réalisé le contrôle des PTE, et notamment la vérification de tous les organes de sécurité. Un dispositif de lève-PTE a été mis en place. « Avant, on les manutentionnait avec le pont roulant, sur des tréteaux, décrit Christophe Dorat, préparateur matériel. Avec cet élévateur, on travaille en sécurité, à bonne hauteur. »

« Nous soumettons à nos fournisseurs des demandes d’évolutions du matériel à partir des retours utilisateurs, poursuit le directeur matériel. Il faut faire en sorte que le terrain participe, les idées doivent venir des salariés, les réponses sont plus adaptées et c’est plus fédérateur. » Sans oublier les échanges avec les confrères des autres majors, confrontés aux mêmes questions, qui se sont développés ces dernières années. Et quand des solutions fonctionnent, elles sont reproduites auprès des autres antennes régionales de Solumat.

« La phase de maintenance est la première préparation du prochain chantier, résume Claudine Barge, contrôleuse de sécurité à la Cramif. La sécurité passe aussi par un matériel en bon état, une vérification et un entretien rigoureux. Bien préparer le matériel facilite la vie sur un chantier ensuite. »

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