Spécialisée dans les pathologies neurologiques et orthopédiques, la clinique Napoléon Inicéa de Saint-Paul-lès-Dax, dans les Landes, s’est structurée dans la lutte contre les troubles musculosquelettiques (TMS). S’appuyant sur l’analyse des situations de travail, elle multiplie les investissements matériels pour améliorer la qualité de prise en charge des patients tout en réduisant les contraintes physiques pour les équipes.
« Ça ne paraît pas grand-chose, mais enfiler des bas de contention quotidiennement à des dizaines de patients est un geste sur lequel il était nécessaire de s’arrêter. » Audrey Denin, ergothérapeute à la clinique Napoléon Inicéa de Saint-Paul-lès-Dax, dans les Landes, est détachée une journée par mois sur une fonction de référente santé. Le patient auprès duquel elle s'affaire avec un dispositif d'enfile-bas a perdu la mobilité des membres côté droit. Rémi Brunel, aide-soignant, qui assiste à la démonstration, confirme l’intérêt du système. « Nous avons deux modèles d’enfile-bas de contention en test », reprend l’ergothérapeute, sous l’œil attentif de l’épouse du patient. « Ne vous inquiétez pas, la rassure-t-elle avec douceur. Je vais vous montrer et quand votre mari va rentrer à la maison, vous pourrez le refaire seule. »
Sur les bords du lac Christus, où il est installé depuis plus de 45 ans, l’établissement de soins médicaux et de réadaptation est spécialisé dans la prise en charge orthopédique et neurologique. La clinique accueille 90 patients en hospitalisation complète, 60 en hospitalisation de jour, grâce à une équipe pluridisciplinaire de 120 salariés. Des professionnels qui, en particulier pour les mobilisations et les transferts, font face à un besoin constant d’adaptation au profil et à la pathologie du patient.
Depuis plusieurs années, la démarche visant à réduire les troubles musculosquelettiques (TMS) et le mal de dos s’est structurée à travers le programme de prévention TMS Pros de l’Assurance maladie-risques professionnels. À la manœuvre, une direction engagée, la désignation d’Audrey Denin en tant que référente santé, ainsi qu’un comité de pilotage pluridisciplinaire qui établit la feuille de route en s’appuyant sur le terrain. « En 2021, le groupe Clariane, auquel nous appartenons, a signé un accord “santé au travail et prévention des risques professionnels” avec les partenaires sociaux. Notre engagement sur la lutte contre les TMS s’est inscrit dans la continuité, partant du constat que de nombreux arrêts, travail et maladie, étaient en lien avec les manutentions », explique Anaïs Justrabo, la directrice d’établissement.
Désormais, la clinique suit un certain nombre d’indicateurs et organise la montée en compétences des équipes. 17 personnes ont été formées acteur Prap 2S et peuvent ainsi contribuer à la mise en œuvre de la prévention des risques liés à l’activité physique. « Je les forme dans leur environnement de travail, avec les équipements dont ils disposent », précise Audrey Denin. Dans le bâtiment, d’importants travaux de rénovation ont été réalisés. « Au 3e étage, en neurologie, huit chambres sont équipées de rails plafonniers dont trois allant jusqu’à la salle de bain qui a été agrandie. De plus, deux moteurs portatifs sont disponibles, souligne Rémi Brunel. C’est un service où la mobilisation des patients peut se révéler compliquée. »
Dans d’autres secteurs, le choix s’est porté sur des moteurs fixes et des rails en H, afin de couvrir une surface importante pour les transferts. « On rénove progressivement. Il n’y a pas de dispositif meilleur qu’un autre. Tout dépend des capacités du patient, de son autonomie, de l’acceptation du rail sur laquelle il est aussi nécessaire de travailler », commente Anaïs Justrabo. Au cours des travaux, s’est posée la question des revêtements de sol, antidérapants, ou des petits carreaux, désormais bannis des salles de bain, car pénibles à nettoyer.
« Pour le nettoyage complet de la chambre entre deux patients, on utilise un générateur de vapeur. Même chose pour les couloirs ou le plateau technique », intervient Cyndia Pouilly, une agente des services hospitaliers (ASH). « L’établissement a été précurseur sur ce procédé pour la désinfection des grandes surfaces, complète Josée Picart, responsable hôtelière. Il n’implique aucune utilisation ni manipulation de produits chimiques. »
« À 6 h, on récupère le planning des tâches quotidiennes de nettoyage, qui sont nombreuses. Dans le chariot d’entretien, nous disposons de raclettes et balais télescopiques qui nous évitent de passer notre temps le dos courbé », précise Gislaine Lalaut, une autre ASH. Ce matin, avec les équipes, il a été question de nouveaux matelas pour les lits. « Je les sollicite sur leur pratique professionnelle, pour intégrer leurs contraintes et faire des choix adaptés », souligne Anaïs Justrabo.
Outre la rénovation des chambres, le plateau technique a été agrandi en 2019. Dans cet espace de plus de 1 000 m2 dédié à la rééducation, disposant d’une belle hauteur sous plafond et de grandes surfaces vitrées donnant sur l’extérieur, l’établissement s’est doté d’équipements permettant à la fois d’améliorer la qualité d’accompagnement des patients et de réduire la charge physique et mentale des soignants. « Avec le rail de marche qui traverse le plateau technique, les transferts se font en sécurité. Nous l’utilisons pour éviter les chutes lors des exercices aux barres parallèles, qui nous servent à accompagner les patients dès qu’ils recommencent à marcher », commente Odile Medou-Marere, kinésithérapeute.
« Le renouvellement du matériel est réalisé au fur et à mesure. En 2024, nous avons acheté quatre nouvelles tables de rééducation réglables électriquement en hauteur », confie la directrice. De grands plans dits « bobath » (2 m x 2 m), dédiés à la pratique de la kinésithérapie, sont également très facilement réglés à la hauteur souhaitée par les professionnels. « Les équipements permettent d’ajuster parfaitement et sans effort le positionnement du patient », témoigne Iñaki Salaun Fernandez, kinésithérapeute.
Le prolongement se fait jusqu’à la balnéothérapie, où un élévateur hydraulique de mise à l'eau, conçu spécifiquement pour les personnes à mobilité réduite, est facile à utiliser et permet de gagner en sécurité. « Pour certains patients, on utilise le fauteuil roulant qui descend à l’eau par la rampe. Mais cela suppose de faire un transfert depuis un fauteuil classique et il faut que le patient soit en capacité de s’aider lui-même avec la barre pour avancer. Et au moment de sortir de l’eau, il faut tirer le fauteuil, explique David Pérou, enseignant en activité physique adaptée. Quand le patient n’a pas suffisamment d’autonomie ou qu’il est en surpoids, le dispositif de mise à l’eau automatique est beaucoup plus confortable pour tout le monde. » « Tout s’inscrit en réponse à l’analyse des besoins. L’établissement est aujourd’hui parfaitement autonome dans sa démarche de lutte contre les TMS », constate Laurent Brauner, contrôleur de sécurité à la Carsat Aquitaine.
En salle d’ergothérapie, un nouvel équipement de rééducation intensive a été installé. Il s’agit d’un dispositif d’imagerie mentale : on filme le bras sain du patient et l’appareil génère des illusions visuelles du bras qu’il n’est pas en capacité de bouger. « Je m’installe à côté de lui sur un siège réglable, devant la table et l’écran à hauteur réglable, explique Magali Shala, ergothérapeute. Très facilement, je peux prendre sa main pour accompagner le mouvement qu’il perçoit à l’écran. Les séances durent dix minutes, deux fois par jour. Avant, on avait une caisse en bois et un miroir à placer entre les bras du patient. On lui faisait face et il fallait se mettre dans des positions inconfortables pour les manipulations. En plus de gain de temps, j’ai la possibilité de le laisser quelques minutes en autonomie devant la machine. »
Un autre équipement est très utile pour alléger la charge mentale : le simulateur de conduite. Il permet de préparer sereinement des patients à la reprise de la conduite, après une incapacité temporaire. « Il est installé dans une salle dédiée. Le patient s’assoit à un poste de conduite réaliste devant trois écrans qui permettent une immersion dans l’environnement routier, explique Audrey Denin. Nous observons de cette façon beaucoup de choses du point de vue mécanique et cognitif. Le patient fait autant de séances d’entraînement que nécessaire et nous prenons rendez-vous avec l’auto-école pour faire un rapport complet sur route lorsqu’il est prêt. » L’outil permet à la fois de limiter les déplacements et d’aider à la prise de conscience d’éventuelles difficultés, sans placer le patient en situation de stress.
« La prévention des TMS demande un temps d’étude et d’analyse des postes qui peut sembler long mais se révèle indispensable à l’identification de solutions, tant sur le volet organisationnel que sur la mise à disposition d’aides techniques ou de dispositifs automatisés. Et personne n’a été oublié, puisque récemment le même travail d’analyse des besoins a été mené auprès du personnel administratif », note Romain Boucherie, contrôleur de sécurité à la Carsat Aquitaine. « Nous avons reçu les chaises ergonomiques en 2023 et les nouveaux bureaux électriques à hauteur variable en 2025 : une vraie découverte dont je ne me passerais plus, réagit Stéphanie Sester, secrétaire aux préadmissions. Un bras articulé me permet également d’orienter l’écran d’ordinateur. Certaines collègues plus petites que moi utilisent le relève-pieds. »
« J’en ai commandé trois pour les secrétaires médicales qui sont venues le tester ici. C’est la règle : on essaie d’abord, et si c’est concluant, en lien avec l’ergonome du service de prévention et de santé au travail, on valide la solution », précise Audrey Denin. Les secrétaires ont été dotées de barres de scanner légères sur le poste de travail, de souris ergonomiques, certaines de souris centrales… « On n’en a jamais fini avec les TMS. C’est un travail qui s’inscrit dans le temps, en embarquant les personnels de terrain, insiste Anaïs Justrabo. Récemment, nous avons intégré les responsables de proximité au comité de pilotage ainsi que dans l’analyse des accidents du travail donnant lieu à des arrêts. Ils ont un rôle et un regard précieux qui nous sera utile pour continuer à travailler sur l’amélioration continue. »