Le travail est incroyablement précis : la moindre couture est scrutée, le plus petit bouton contrôlé… Bienvenue chez FLS, une entreprise qui fabrique des chemises pour les plus grands noms du luxe. Les gestes sont minutieux, mais souvent répétitifs, pouvant être à l’origine de pathologies. C’est pour cette raison que l’entreprise s’est lancée dans une démarche de prévention des risques professionnels. Et les premiers résultats sont là.
FLS – France luxury shirt – est installée à Villemandeur, à proximité de Montargis, dans le Loiret. À ses débuts, en 1838, l’entreprise était spécialisée dans la maroquinerie militaire. Au fil des ans et des siècles, et après avoir atteint près de 300 salariés, elle se tourne vers le prêt-à-porter masculin, avant de prendre récemment le virage du luxe. En 2012, Diego du Réau rejoint l’atelier en tant que responsable de production puis rachète l’entreprise en 2020. « L’entreprise comptait alors une trentaine de personnes. Pendant le Covid, nous avons fabriqué des masques en tissu, ça nous a un peu sauvés », reconnaît-il.
Aujourd’hui, le groupe FLS emploie 90 personnes, dont une vingtaine de personnes en formation, réparties sur quatre sociétés représentant ses métiers : les fonctions support ; la coupe, le prototypage et le développement ; les pièces complexes ; les chemises basiques. Sur 2 000 m2, à l’image d’une fourmilière, le travail est parfaitement orchestré : avec la découpe, le piquage – chaque « mécanicien de confection » (terme employé dans le métier, auquel Diego du Reau préfère celui d’« artisan couturier »). coud une partie de la chemise pour qu’au final les différentes pièces soient assemblées –, le repassage intermédiaire et final, l’épluchage (le fait de couper les petits fils qui dépassent) et le pliage avant l’expédition. Avec, à chaque étape, un contrôle qualité.
Études de poste
Le dirigeant se remémore les circonstances de sa première rencontre avec Bruno Longo, contrôleur de sécurité de la Carsat Centre Val de Loire : « C’était en juin 2022, à l’occasion d’un événement “La sécurité : parlons-en !” organisé par l’association des industriels du Montargois… » « Par la suite, l’entreprise est entrée volontairement dans la démarche TMS Pros », explique Bruno Longo. Ainsi, Julie Deniz, la responsable des ressources humaines, et Diego du Réau ont suivi la formation destinée aux dirigeants, tandis que Maria Polisset, la responsable qualité et formatrice, suivait celle de chargée de prévention TMS. « Le fait d’intégrer cette démarche nous a permis d’aborder plus facilement les TMS lors des CSE. Cela nous a fait du bien », remarque Filomène Lhommee, référente repassage et membre du CSE.
Au sein de l’entreprise, la démarche a commencé par un état des lieux de la situation initiale et une lettre d’engagement de la direction. Un repérage des situations à risques a été ensuite effectué sur l’ensemble des postes. « Après cette analyse, nous nous sommes focalisés sur trois postes et nous avons effectué des études approfondies en commençant par le repassage », expose Julie Deniz, qui réalise les études de poste avec Maria Polisset. Ensemble, elles observent les postures, les gestes répétitifs, les outils à disposition, leur utilisation, l’implantation du matériel… « Ça nous prend du temps, relève Maria Polisset. Nous nous sommes appuyés sur des captures vidéo et un logiciel pour analyser les gestes. » « Et nous avons échangé avec les personnes observées, car ce sont souvent elles qui ont les solutions », complète Julie Deniz. Des groupes de travail ont également été créés, accompagnés par le service de prévention et de santé au travail et la Carsat.
Le repassage, activité pour laquelle des personnes s’étaient plaintes de douleurs aux épaules, bénéficie désormais de potences pour les soulager, encore peu utilisées, ce que déplore Maria Polisset. Même si elle reconnaît que pour certaines pièces, la potence a tendance à ramener le fer au mauvais endroit, nécessitant un effort supplémentaire pour le reprendre. « Peut-être serait-il intéressant de vous rapprocher de votre fournisseur pour voir s’il n’a pas une solution », suggère Bruno Longo.
Polyvalence et mannequin gonflable
Diego du Réau a poursuivi ses recherches de solutions, en misant sur la polyvalence des personnes pour limiter leur exposition aux gestes répétitifs puis sur un mannequin gonflable, générateur de vapeur. Une sorte de robot repasseur : la chemise est enfilée sur le mannequin qui souffle de la vapeur puis de l’air tandis que l’opérateur pulvérise de l’eau. La chemise ressort parfaitement repassée, sur cintre. « C’est vraiment pratique, moins sollicitant que le repassage classique et plus rapide », explique l’un des repasseurs, qui alterne cette tache avec la finition sur une table de repassage.
Autre matériel acquis avec l’aide de la Carsat : un mannequin de pointage. « Bien pratique car réglable en hauteur à l’aide d’une pédale », fait remarquer Mariette Carriço, la responsable de la finition en le revêtant d’une chemise afin de positionner les boutons du col. « C’est au millimètre près, explique-t-elle dans un large sourire, son mètre ruban autour du cou. Avant, on avait un mannequin branlant, compliqué à régler, et il fallait lever haut les bras pour installer la chemise. »
Un peu plus loin, au poste d’épluchage, une opératrice passe en revue le moindre petit fil qui dépasse. L’éclairage est intense car il est primordial. Le poste bénéficie d’une table réglable en hauteur, tout comme au piquage, et de sièges assis-debout. « Pour ce poste, nous avons sollicité un ergonome », précise Julie Deniz. À la coupe, le tissu est découpé automatiquement, à l’aide d’un robot. La couturière doit veiller à ce que le tissu soit parfaitement positionné, notamment lorsqu’il y a des motifs, et à ce que la coupe génère le moins de chutes possibles.
Si on lève les yeux, on aperçoit une mezzanine. « On commence à être à l’étroit, remarque Diego du Réau. Nous avons créé cette mezzanine pour installer des postes supplémentaires. Pour descendre les colis, nous avons mis en place deux barrières écluses avec l’aide de la Carsat. Mais bientôt, la mezzanine ne suffira plus. » Le dirigeant a repéré un terrain pour bâtir une nouvelle usine. Il n’a pas encore ébauché les plans, mais il sait déjà qu’il se fera aider par la Carsat pour bien appréhender les risques professionnels.
IDENTITÉ
Nom : FLS (France luxury shirt)
Lieu : Villemandeur (Loiret)
Activité : fabrication de 150 à 300 chemises de luxe par jour
Effectif : 90 personnes dont une vingtaine en formation
Chiffre d’affaires : 4,8 millions d’euros
