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Chantier BTP

Le drone prend son envol

Quand le chantier est inaccessible, le gros du matériel est transporté par héliportage. Pour réduire le portage à dos d’homme et gagner en souplesse, l’entreprise VTS a acquis très récemment un drone de portage dont elle se sert pour une intervention au-dessus d’un barrage en Ariège… pas si simple, mais efficace !

5 minutes de lecture
Delphine Vaudoux - 08/10/2025
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Vue d'une situation de travail dans l'entreprise VTS.

Le rendez-vous avait été fixé à proximité du barrage de Riète en Ariège, coordonnées GPS à l’appui. « Nous sommes là, montre d’emblée Sébastien Jourdant, le dirigeant de l’entreprise VTS, en désignant un point sur le panneau explicatif du barrage. Au-dessus, il y a le barrage de Laparan avec un canal creusé dans le rocher qui arrive à une conduite forcée. Celle-ci apporte l’eau jusque-là où nous sommes. Notre tâche consiste à poser des protections pour éviter les chutes de pierres sur ces conduites. » Un travail difficile dans un environnement particulièrement contraint, jusqu’ici réalisé par héliportage et à dos d’homme.

VTS a été créée en 2010 par Sébastien Jourdant avec deux associés. Basée à Narbonne, dans l’Aude, l’entreprise est spécialisée dans les travaux d’accès difficiles, la protection contre les chutes de pierres, la stabilisation des sols et l’ingénierie des infrastructures. Rien ne semble faire peur à ses quinze salariés – surtout pas le vertige –, tous cordistes aguerris. Ils travaillent pour des collectivités et des grandes entreprises, essentiellement en France. Le barrage ariégeois date de 1985, les conduites forcées des années 1990. Sur la partie haute, elles subissent des chutes de pierres. « Nous devons poser des écrans pare-blocs, explique le dirigeant de VTS. Ce sont des filets très résistants que l’on déploie entre des poteaux que nous devons planter, dans cette zone particulièrement pentue. »

Une petite route permet d’accéder jusqu’au barrage, puis un chemin part en direction de la conduite forcée. Sa fin est non carrossable sur plusieurs centaines de mètres pour aller jusqu’à la zone d’intervention. « C’est un chantier qui va durer environ cinq mois. Le gros du matériel a été déposé grâce à dix rotations d’hélico », explique Sébastien Jourdant. Il y a quelques mois encore, le matériel complémentaire aurait dû être monté à pied, sur plus de 160 m de dénivelé.

Mais en janvier dernier, VTS a fait l’acquisition d’un drone de portage. « Quand j’ai vu ce matériel, j’étais comme un gamin. J’ai trouvé ça génial, j’ai tout de suite vu ce que cela pourrait nous apporter au quotidien », se remémore Sébastien Jourdant. Il en fait l’acquisition avec une aide financière de la Carsat. « Cette aide a servi également à former quatre salariés au pilotage du drone : le dirigeant, le conducteur de travaux et deux chefs de chantier », complète la contrôleuse de sécurité de la Carsat Languedoc-Roussillon, Marie Lefèvre. Une semaine de formation théorique et pratique.

Moins d’une minute de vol pour un aller

Car, l’introduction d’un drone dans l’activité induit non seulement l’acquisition de nouvelles compétences, mais aussi la prise en compte de nouveaux risques (chute d’objet ou de l’aéronef, collision, surcharge cognitive liée au télépilotage…) et donc la mise en œuvre de mesures pour les prévenir. Démonstration avec Simon Kauffmann, l’un des chefs de chantier formé au pilotage, qui reconnaît qu’au départ, il n’en voyait pas trop l’intérêt. Les ailes du drone (son envergure étant de 3 m) pouvant se replier, le drone tient dans une camionnette ou à l’arrière d’un pick-up.

Sans jamais  le quitter des yeux, le pilote mène son drone et la charge qu'il transporte au chantier en haut de la conduite forcée.

Simon Kauffmann demande à chacun de s’éloigner à plus de 10 m pendant la phase de décollage. Casque radio sur les oreilles, chaussé de lunettes de sécurité, les yeux rivés sur sa tablette, le pilote met en marche le drone. Un peu comme un hélicoptère, il soulève de la poussière et s’élève, tandis que pilote descend le treuil, pour que Sébastien Jourdant y accroche un contenant rempli de bouteilles d’eau destinées aux quatre salariés intervenant au sommet de la conduite forcée, à 1 800 m. En cette fin du mois de juin, il commence à faire chaud.

Simon est en permanence en liaison radio avec ses compagnons qui vont réceptionner la marchandise, même si le drone est toujours visible par le pilote. Une fois que le contenant touche le sol, le treuil n’étant plus sous tension, il le décroche. Et le drone revient. Il fera deux autres rotations l’une pour transporter un tuyau et une dernière pour apporter un tapis destiné à être glissé sous un compresseur. Le drone muni de ses deux batteries pèse 60 kg. Dans cette configuration, il peut transporter jusqu’à 30 kg. « Chaque colis que nous avons transporté aujourd’hui par drone pesait une vingtaine de kilos. Le vol est très rapide, il lui a fallu moins d’une minute pour aller 160 m plus haut », remarque le pilote.

30 kg peuvent être transportés à chaque rotation de drone, en configuration deux batteries. 40 kg en configuration une batterie.

« C’est un gain indéniable en matière de port de charges et donc de risque de TMS, souligne Marie Lefèvre. Quand il fait chaud comme aujourd’hui, cela réduit aussi les efforts en pleine chaleur et apporte de la souplesse dans l’organisation du chantier. » Après 18 minutes de vol, le pilote change les batteries car la charge indique 20 % : « Je préfère jouer la carte de la sécurité car je dois maintenant déplacer en haut du matériel, sur le chantier. » En cas de panne moteur ou de télécommande, un parachute se déploie automatiquement. Et quand il pleut ou que le vent excède les 12 m/s, le dirigeant ne fait pas voler son drone. Les batteries se rechargent en une heure en mode économique et, si nécessaire, VTS apporte un groupe électrogène à proximité du chantier.

Le poids du drone excédant les 25 kg, Sébastien Jourdant doit, pour chaque chantier, demander une autorisation de vol à la DGAC (Direction générale de l’aviation civile) : « Au début, on me les a refusées, car le formulaire est compliqué à remplir. » « Le portage par drone est un vrai plus pour les travaux d’accès difficiles, remarque Marie Lefèvre, mais ça n’est pas à la portée de tout le monde et pas immédiat : il faut se former à son utilisation et surtout obtenir ces fameuses autorisations… » 

FICHE D'IDENTITÉ

Nom : VTS

Lieu : VTS est domiciliée à Narbonne (Aude), le chantier en Ariège

Effectif : 15 personnes

Activité : chantier et travaux d’accès difficiles

Chiffre d’affaires : 3 millions d’euros (2024)

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