
Le 2 octobre 2020, la tempête Alex et ses pluies diluviennes dévastent les vallées de la Vésubie, de la Roya et de la basse Tinée, dans les Alpes-Maritimes. Les dégâts humains et matériels sont considérables : 18 morts, près de 500 bâtiments endommagés ou détruits, ainsi qu’une multitude de réseaux et d’infrastructures touchés. Cinq ans plus tard, les stigmates de la catastrophe sont toujours bien visibles aux abords de Saint-Martin-Vésubie. Parmi les entreprises victimes de la catastrophe, la Brasserie du Comté est rayée de la carte.
« Il ne nous restait plus rien : les machines, les stocks de matières premières, le local : tout avait disparu, on n’avait plus que les clés », se remémore Quentin Lormeteau, directeur du site et brasseur principal. En guise de témoignage de ce drame est installé à l’entrée du nouvel établissement un ancien fermenteur, cabossé, ressemblant à une sculpture compressée, et retrouvé à Nice, plus de 60 kilomètres en aval. Malgré le traumatisme, l’envie de redémarrer a rapidement pris le dessus.
Créée en 2012, la Brasserie du Comté affiche une identité locale forte liée à l’histoire du Comté de Nice. Les fondateurs et salariés de l’époque ont immédiatement souhaité faire perdurer la marque. Et avant tout, en restant à Saint-Martin-Vésubie. Car cette eau qui a été à l’origine du désastre est également la raison d’être de la brasserie dans cette localité. Le village est alimenté par trois captages de sources provenant des massifs granitiques environnants et offrant une qualité d’eau parfaite pour une activité de brassage. S’installer ailleurs n’était pas envisageable pour les fondateurs sans perdre leur identité.

Reconstruire en progressant
Pour parer au plus pressé et maintenir le savoir-faire, pendant les deux premières années qui ont suivi le sinistre, la solidarité s’est organisée localement : les huit salariés de la brasserie ont pu poursuivre leur activité en réalisant leurs productions dans deux autres brasseries, qui ont mis leurs équipements à disposition. En parallèle, les dirigeants cherchaient à reconstruire, en repartant de zéro. Dès avril 2021, la réinstallation de l’établissement à Saint-Martin-Vésubie a été actée, avec dépôt du permis de construire dans la foulée. En janvier 2022 a eu lieu la réception du bâtiment et le premier brassage en juin 2022.
« En reconstruisant, nous avons voulu concevoir un local qui soit adapté à l’activité d’une brasserie et construire en quelque sorte l’entreprise de nos rêves, poursuit Quentin Lormeteau : des zones de stockage de matière première suffisantes, des espaces de circulation larges, un nettoyage des sols facilité sur toute la superficie. Et les contraintes du précédent local nous ont convaincus d’installer tout en intérieur. » La brasserie connaissant une croissance de 30 % par an, les dirigeants ont revu à la hausse les dimensions du bâtiment. « Au début, le hangar de 1 200 m2 paraissait surdimensionné, même vide, mais après deux ans d’activité, il était déjà rempli », sourit-il encore.
À l’unité de brassage sont réalisés deux brassins par jour, d’un volume de 2 500 litres chacun. La salle de brassage compte quatorze fermenteurs de 5 000 litres et quatre de 2 500 litres. Une passerelle centrale a été installée entre les deux rangées de grands fermenteurs pour faciliter les accès et les manutentions. La ligne d’embouteillage est entièrement automatisée, avec une cadence de 3 000 bouteilles à l’heure. Une ligne d’encannage (pour la mise en canettes) est en cours d’aménagement.
Le jour de notre venue, ce sont des sodas qui étaient conditionnés. D’une cadence de 4 000 canettes par heure, les activités de remplissage et sertissage sont automatisées. Mais en entrée et en sortie de ligne – l’alimentation en canettes vides et la mise en cartons du produit fini –, les opérations se font encore pour l’heure à la main. La finalisation des installations est néanmoins imminente. Une enfûteuse pour remplir les fûts en inox de 20 et 30 litres a également été installée. Alimentation en bière, systèmes de nettoyage, etc., tous les flexibles passent en hauteur pour éviter leur présence au sol.
Contrat TPE et diagnostic TMS
« Étant donné l’impact exceptionnel du sinistre rencontré en 2020 et la volonté des gérants de relancer leur activité, tout en améliorant les conditions de travail et la sécurité dans le nouvel atelier de fabrication, nous avons fait le choix d’aider l’établissement à travers un contrat TPE, explique Laurent Cammal, contrôleur de sécurité à la Carsat Sud-Est. Celui-ci a porté sur plusieurs améliorations : mise en place d’une passerelle sécurisée au niveau des cuves de fermentation, achat d’un chariot automoteur à conducteur porté, d’un gerbeur et d’une autolaveuse à conducteur porté pour faciliter le nettoyage du sol de l’atelier. » En parallèle, l’entreprise a réalisé un diagnostic TMS avec l’aide d’un ergonome de l’Ametra 06, son service de prévention et de santé au travail. Cet exercice a contribué à identifier des points d’amélioration pour la nouvelle usine.
La caisse régionale a également participé au financement de plusieurs équipements dans le cadre d’une subvention prévention TMS action : achat d’un gerbeur électrique plus maniable, achat d’une plate-forme sécurisée sept marches pour le nettoyage des cuves de 1 000 litres, installation de tuyaux fixes en remplacement des tuyaux souples qui étaient difficiles à manipuler, achat de racks de stockage pour supprimer les encombrements au sol. Freddy Crespin, brasseur, et Robin Krouchi, au conditionnement, tous deux dans l’entreprise depuis moins d’un an, se disent ravis des conditions de travail qu’ils ont trouvées ici.

Aujourd’hui, la brasserie poursuit sa croissance de façon soutenue. Elle commence même à atteindre les capacités de production maximales de son outil de production. « Nous sommes des artisans mais commençons à avoir des réflexions d’industriels sur l’organisation, et l’optimisation du travail, du fait de la croissance de notre activité, et c’est nouveau pour nous », commente Quentin Lormeteau. De nouveaux projets fourmillent dans la tête des dirigeants, sur de nouvelles recettes mais aussi de nouvelles conditions pour les produire. Et en matière d’équipements, un des projets en cours est l’acquisition d’un robot de palettisation.
FICHE D'IDENTITE
Nom : Brasserie du Comté
Activité : fabrication de bières et de sodas (limonades, cola)
Localité : Saint-Martin-Vésubie (Alpes-Maritimes)
Effectif : 26 salariés