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Industrie textile

De nouvelles machines pour fabriquer les serpillières

Dix millions de serpillières sont fabriquées chaque année par la société Thion, à Cours-la-Ville, dans le Rhône. À la suite de son ciblage TMS Pros par la Carsat Rhône-Alpes, ses dirigeants ont mené des réflexions sur les postes les plus sollicitants, aboutissant notamment au renouvellement de certaines machines, nettement plus modernes.

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03/11/2022
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Métiers à tisser

« 1914 », est-il indiqué au-dessus de la porte du bâtiment menant au show-room de la société Thion. Une année plus tôt, elle était fondée par l’arrière-grand-père de l’actuel dirigeant, Hervé Thion, et depuis, elle n’a cessé de fabriquer des « wassingues », ou serpillières. Au total, plus de dix millions de serpillières sont tissées chaque année, et 200 000 couvertures de déménagement. « L’industrie textile est une industrie historique, qui se modernise à petits pas, explique François Guine, contrôleur de sécurité à la Carsat Rhône-Alpes. Cette entreprise, ciblée TMS Pros, a identifié les postes les plus sollicitants et s’est engagée dans la prévention des risques professionnels tout en modernisant son outil de production. »

Ce sont 70 personnes qui travaillent dans cette usine située à Cours-la-Ville, dans le Rhône. Elle représente plus d’un siècle d’histoire industrielle, avec ses 15 000 m2 de bâtiments avec leurs toits caractéristiques à sheds, mêlés à des bâtiments plus récents… La matière première est faite de balles de 250 kg de coton, constituées de restes de tissus neufs classés par couleur, qui ont été effilochés puis tassés. « Le stockage des balles doit faire l’objet d’une attention particulière, remarque le contrôleur de sécurité. Il y a déjà eu, dans d’autres entreprises, des accidents graves dus à des chutes de balles sur des personnes. Même si, a priori, seuls les caristes sont amenés à travailler dans ce secteur. »

0,5 mètre par minute, sur 3 mètres de large, tel est le rythme de fabrication d’une serpillière par métier à tisser.

Les balles sont ensuite apportées à l’atelier de mélange pour devenir des mèches. Pour obtenir la couleur attendue, l’opérateur devra en associer différentes. « En matière de couleurs, nous avons une année de décalage par rapport à la mode, remarque Christophe Jacquet, directeur de production, dans un sourire. Car nous recevons les balles des rebuts de tissus une année plus tard. » À ce poste, l’opérateur doit dépiler les balles et peser les différentes couleurs manuellement. Le processus va être entièrement revu cette année : la balle sera alors apportée par un chariot, déposée sur un convoyeur, et déchiquetée mécaniquement. Le dosage des différentes couleurs sera commandé informatiquement.

Un progrès considérable

Le coton, ainsi dosé, passe ensuite dans de vastes cases à mélange pour être aéré. Des poussières de coton volettent, bien que toutes les machines soient munies d’aspirations qui envoient les résidus volatils dans une centrale où ils seront tassés et transformés en briquettes, de futurs combustibles par exemple pour l’industrie du BTP. « Ces grosses poussières qui subsistent sont dites sans effet spécifique », remarque François Guine. Il approuve cependant le choix de certains opérateurs qui souhaitent, une fois la crise sanitaire passée, continuer à porter des masques dans les ateliers.

Le coton ainsi obtenu arrive ensuite dans la carderie. Un atelier qui a été totalement modernisé il y a deux ans. « Les trois anciennes cardeuses, qui occupaient tout l’espace et faisaient pas loin de 10 m de long, ont été remplacées par ces trois nouvelles, explique Zakaria Zoggat, le responsable de maintenance. Ça nous change la vie : les anciennes étaient mécaniques, celles-ci sont bourrées d’électronique. Les fils cassent moins souvent donc les interventions de maintenance sont limitées. » Et surtout, sous les anciennes, il y avait de grandes fosses pour réceptionner les rebuts. Il fallait aller les vider régulièrement, alors que leur accès était pour le moins compliqué. Par ailleurs, il avait fallu ajouter des protections pour limiter l’accès aux machines en mouvement. Avec les nouvelles cardes, ces manutentions et les risques machines ont été largement réduits.

Cardeuse

En sortie de cardes, les mèches s’enroulent dans de grands fûts. « L’acquisition de ces nouvelles cardes, moins encombrantes que les précédentes, a fait gagner beaucoup de place, facilite les flux dans l’atelier et beaucoup moins de poussières sont produites », souligne le contrôleur de sécurité. Les fûts et bobines sont déplacés à l’aide de timons faits maison. À l’atelier filature, les mèches subissent une torsion, s’enroulent à des fils de polyester, et deviennent les fils de trame. À l’ourdissage, les énormes bobines (chaînes) sont stockées dans une sorte de cardex, qui permet d’accéder rapidement au type de fil voulu.

Réduire les risques de TMS

Puis les fils de trame et de chaîne convergent vers les métiers à tisser. « Pendant des années, nous n’avions qu’un type de métiers à tisser, remarque Laurent Bonhomme, responsable de l’atelier tissage. Nous avons commencé à les remplacer par de nouveaux métiers, plus rapides, moins bruyants et qui provoquent moins de casse. » Aujourd’hui, l’usine tourne avec douze anciens métiers et six nouveaux. Avec la volonté, à terme, de tous les remplacer, ce qui représente un important investissement. Christophe Jacquet fait le calcul : « Le tissage se fait à raison de 240 traversées par minute, les serpillières sont donc tissées au rythme de 0,5 mètre par minute (sur 3 m de large). »

Une machine se charge ensuite de couper, surjeter, plier, étiqueter et dater les serpillières. Au conditionnement, des opératrices remplissent des cartons. Afin d’avoir toujours les cartons à la bonne hauteur, l’entreprise a acquis, avec l’aide de la Carsat, un premier transpalette à hauteur constante – trois sont prévus au contrat. Celui-ci monte ou descend, selon la hauteur de remplissage, grâce à un système de détection électronique. « C’est super, explique Marie-France Millet, opératrice au conditionnement. Surtout, comme moi, quand on approche les 60 ans. On n’a plus besoin de se baisser. »

« Les changements de machines ou d’organisation ont été les prémices d’une plus vaste démarche d’amélioration des conditions de travail et de la productivité »

Un autre poste attire l’attention du contrôleur : avant de les coudre, une opératrice positionne, sur des chiffonnettes, des cavaliers (sortes de crochets en plastique) permettant de les accrocher aux tringles des grandes surfaces. Un geste répétitif, qui avait été identifié comme pouvant être source de TMS. « Ce travail devait faire l’objet d’un complément d’étude ergonomique par le biais du contrat de prévention », signale-t-il. Le directeur de production a trouvé la solution, avant même l’étude de poste : ces crochets en plastique vont être supprimés, au profit de « trous européens » dans les cartonnettes d’emballage. Ils permettent de les accrocher tout aussi bien et de limiter les gestes répétitifs.

À côté du poste de conditionnement, les énormes bobines de serpillières (avant découpe) sont désormais stockées verticalement, nécessitant moins de manutentions que précédemment, lorsqu’elles étaient stockées horizontalement. « Même si tous les postes identifiés comme sollicitants n’ont pas encore été modifiés, certains vont l’être dans l’année, remarque le contrôleur de sécurité. Les changements de machines ou d’organisation ont été les prémices d’une plus vaste démarche d’amélioration des conditions de travail et de la productivité. » De belles avancées, dans un secteur qui peine parfois à se moderniser.

IDENTITÉ

Nom : entreprise Thion

Lieu : Cours-la-Ville (Rhône)

Activité : fabrication de serpillières et couvertures de déménagement

Nombre de salariés : 70, dont 52 en production

Date de création : 1913

Chiffre d’affaires annuel : 10 à 11 millions d’euros

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