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Recyclage de câbles

Récupération des métaux : attention au plomb

Le sous-sol français est sillonné de câbles, posés à l’époque des P et T pour la plupart et constitués de plomb et de cuivre. Progressivement, ils doivent être remplacés par la fibre. L’entreprise Promotrame s’est spécialisée dans le décorticage et la récupération des métaux. Mais la toxicité du plomb requiert de s’en protéger.

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03/11/2022
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Recyclage de câbles chez Promotrame

Cela fait 60 ans que Promotrame recycle des câbles. D’abord pour les P et T (Postes et Télécommunications), en direct, ensuite pour les PTT, puis pour France Télécom et maintenant, pour Orange, en tant que sous-traitant. Des câbles qui passent sous terre et qui sont composés de multitudes de fils de cuivre, recouverts d’un fin papier, le tout protégé par une lourde enveloppe de plomb. L’objectif de l’entreprise est de récupérer le maximum de métaux. Mais l’exposition régulière au plomb peut entraîner des problèmes de santé regroupés sous le terme de « saturnisme ». Des problèmes que les responsables de Promotrame n’avaient pas forcément identifiés avant l’intervention de la Carsat et de l’inspection du travail.

Installée sur une ancienne verrerie, à Longroy, en Seine-Maritime, la société emploie une dizaine de salariés. Chaque semaine, un camion livre 50 tonnes de câbles sur le site de 6,5 ha. Ils sont constitués à 45 % de plomb, 45 % de cuivre et 10 % de papier. Ils sont déversés sur une dalle de béton, puis repris, au fur et à mesure des besoins en approvisionnement de la décortiqueuse, à l’aide d’un grappin. De 40 à 100 mm de diamètre, ils sont constitués de centaines de petits fils en cuivre qu’il va falloir entièrement dénuder et découper afin d’enlever toutes les impuretés. Pour cela, les câbles passent d’abord dans une décortiqueuse.

6 mois d’arrêt de travaux ont été prononcés en 2019, pendant lesquels l’entreprise a procédé à une analyse des risques liés au plomb et mis en place des protections collectives et individuelles.

 

Installée sous un auvent et faite maison tout comme la très grande majorité des installations du site, la décortiqueuse dispose de trois orifices de tailles différentes (selon le diamètre des câbles). L’opérateur introduit le câble qui est déchiqueté à l’intérieur grâce à des galets. « À la sortie, ils se présentent comme des bananes qu’on a épluchées, détaille le directeur. Les opérateurs peuvent alors facilement séparer le plomb. » Quant aux fils de cuivre entourés de papier, ils sont acheminés par une bande transporteuse jusqu’à trois granulateurs. « Je les ai fabriqués et baptisés… Granululu (pour Lucien), Granucathy (le prénom de ma femme) et Granuanaïs (le prénom de ma fille), raconte Lucien Obry, le contremaître. Des rotors munis de couteaux séparent et sectionnent les éléments, qui passent à travers des grilles pour aboutir à des morceaux de cuivre de moins de 3 mm, purs à 99,99 %. Le cuivre est récupéré dans des big bags pour être vendu. » Un vrai trésor quand on sait que son prix, très fluctuant ces derniers temps, dépassait 8 000 euros la tonne lors de notre venue début mars 2022.

Des concentrations en plomb très différentes

En 2017, un salarié se plaint de fortes douleurs abdominales. Le verdict tombe : il présente une plombémie élevée. Une première intervention de Joël Rebuffaud, contrôleur de sécurité au laboratoire interrégional de chimie de la Carsat, met en évidence que les salariés n’avaient pas conscience de la toxicité du plomb. Des prélèvements, d’atmosphère et sur les salariés, font apparaître des concentrations très élevées de plomb, largement au-dessus de la valeur limite d’exposition professionnelle (VLEP) sur 8 heures réglementaire contraignante qui est de 0,1 mg/m3.

PLOMB ET SANTÉ

Le plomb peut pénétrer dans l’organisme par le nez ou la bouche et s’accumuler dans l’organisme, en particulier dans les os où il peut rester des dizaines d’années. Il provoque des maladies graves, principalement des altérations neurologiques, cardiovasculaires et du système sanguin. Des atteintes auditives, rénales, ainsi qu’une diminution des capacités intellectuelles sont observées. Le plomb est également responsable de troubles de la reproduction.

Début 2019, la Carsat Normandie met une injonction à l’entreprise, avec majoration du taux d’AT-MP. En juillet 2019, l’inspection du travail prononce un arrêt de chantier lié au risque CMR (cancérogène, mutagène ou toxique pour la reproduction) , pour la partie « décortiqueuse », avec mise en demeure. « Ce qui était assez étonnant, c’est que des personnes au même poste avaient des concentrations en plomb très différentes, allant parfois de 1 à 3 », remarque le dirigeant. « Cela dépend de nombreux facteurs, reconnaît Colette Périssé, la contrôleuse de sécurité à la Carsat Normandie qui suit désormais l’entreprise. Il y a non seulement l’exposition pendant l’activité, mais également l’hygiène notamment si la personne fume ou mange sans se décontaminer… D’où l’importance de se protéger en permanence. »

Une décontamination maison

Pour pouvoir continuer l’activité de la décortiqueuse, de nombreuses améliorations ont vu le jour. Tout d’abord, le capotage et l’aspiration de la machine ont été renforcés en partie supérieure. Pour la partie inférieure, un caillebotis et ensuite un écran plastique ont été mis en place pour mieux confiner le polluant, complétés par un tuyau rigide du réseau supérieur pour réduire les pertes de charge. Les opérateurs travaillent dorénavant équipés de bleus de travail par-dessus lesquels ils enfilent une surcombinaison blanche, de chaussures de sécurité, de gants de travail renforcés et scotchés à la combinaison au niveau des poignets et d’une cagoule avec filtration assistée.

Ils disposent également d’un nouveau bâtiment qui a été organisé en installation de décontamination. Visite guidée avec Lucien Obry, qui l’a réalisé : « Nous souhaitions acheter un mobile home, pour le transformer. Le prix étant prohibitif, nous avons décidé de le réaliser nous-mêmes. » Mesurant 11 m de long, il est composé de trois compartiments, utilisés par les opérateurs qui reviennent de leur travail au contact avec le plomb. Ils entrent dans le premier sas – dit sale – qui est équipé de deux douches pour rincer les chaussures et se débarrasser des tenues.

Douches pour la décontamination des opérateurs

Dès l’ouverture de la porte, l’extracteur d’air se met en marche automatiquement assurant ainsi un balayage de l’air dans l’installation avec de l’air « neuf ». Le deuxième sas – la zone intermédiaire – est équipé de trois douches (une pour chaque opérateur). Enfin, le troisième est le compartiment propre où les opérateurs disposent de leurs vêtements de ville. Compte tenu de leur équipement et des phases d’habillage et de déshabillage, les salariés effectuent des vacations de 5 h 30 par jour.

De nouvelles mesures réalisées en 2021 par Joël Rebuffaud montrent une diminution spectaculaire de la concentration en plomb dans l’air au poste de travail qui se situe désormais sous la VLEP. « On partait de loin, précise le directeur. On a mis en place des installations qui sont efficaces ainsi qu’un suivi régulier de la plombémie avec le service de santé au travail. » « Le contrôle régulier des machines a été instauré, de même que le respect des procédures, à tout moment de la journée », complète la contrôleuse de sécurité.

IDENTITÉ

Nom : Promotrame

Activité : recyclage de métaux (plomb et cuivre) à partir de câbles

Lieu : Longroy (Seine-Maritime)

Effectif : 10 salariés

Tonnage : 50 tonnes/semaine, composées de 45 % de plomb, 45 % de cuivre et 10 % de papier

Chiffre d’affaires (prévision 2022) : 650 000 à 700 000 €

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