Chaque jour, chaque heure, chaque minute même a son importance. En février dernier, se sont tenues les opérations de désamiantage préalables aux futurs travaux de rénovation du tunnel de Bastia, en Corse. Visibles depuis la place Saint-Nicolas, en plein centre-ville, les travaux ont nécessité deux semaines de fermeture de l’ouvrage et le déploiement d’un plan de circulation alternatif. C’est au cours de l’étude préalable que la Collectivité de Corse (CDC) avait mis en évidence la présence d’amiante dans les chaussées. L’appel d’offres avait ensuite été décroché par un groupement d’entreprises choisi en particulier pour sa maîtrise du travail en milieu amiantifère.
Quelques semaines avant le début des travaux, la base-vie était installée sur le port. Compte tenu de la gêne liée à la fermeture du tunnel, l’entreprise Colas, chargée des premiers travaux de désamiantage mécanique, devait absolument s’assurer de la tenue des délais. « On retire la totalité des enrobés sur plusieurs centimètres d’épaisseur avec une raboteuse. Cela représente plus de 5 000 tonnes de matière à sortir en quelques jours », indique Jérémy Argoud, conducteur de travaux. Pour l’opération, environ 70 hommes sont déployés sur le chantier, dont une dizaine d’encadrants. Entre les murs d’eau dressés aux entrées nord et sud du tunnel se succèdent les engins équipés de cabines sur-pressurisées avec de l’air filtré, pour éviter l’intrusion potentielle de fibres d’amiante.
5 000 tonnes d’enrobés contenant de l’amiante ont été extraites du tunnel en quelques jours.
Peu d’opérateurs sont autorisés à circuler dans le tunnel. Intégralement protégés par des combinaisons étanches, ils se tiennent à distance de la raboteuse, avec un temps de travail n’excédant pas les 2h30 consécutives, avant une pause, et un maximum de 6 heures cumulées sur 24 heures. Les rotations sont nombreuses. À l’intérieur de son 4 x 4, Jean-Luc Tournier, encadrant de chantier, coordonne l’activité tel un chef d’orchestre. « Je suis en communication permanente avec les équipes, explique-t-il. Il faut réagir au moindre aléa et donner les directives. On n’est jamais à l’abri de la présence d’éléments structurels immédiatement sous la chaussée qui ne figureraient pas sur les plans. »
Évacuer l'amiante
Le protocole, minutieusement défini, s’appuie sur l’expérience de Colas, qui a conduit des opérations de même type fin 2020 dans le tunnel du Mont-Blanc. La règle d’or : empêcher toute dispersion du polluant à l’intérieur du tunnel, ainsi qu’en sortie. Un flux continu de bennes arrive le matin par les ferries et repart le soir vers le continent. « Rien n’est stocké sur place. En moyenne, 50 camions sortent chaque jour pour rejoindre les sites agréés, à côté de Nîmes et dans l’Est de la France », précise Jérémy Argoud. Le périmètre d’intervention est balisé, isolé et exclusivement accessible aux personnes autorisées.
Les travaux ont été attaqués au milieu du tunnel et jusqu’en partie nord. Ils nécessitent le déploiement de deux raboteuses – dont une de secours –, deux balayeuses, plusieurs pelles... Des plates-formes individuelles roulantes légères (Pirl) et autres outils adaptatifs modulables sont mis à disposition pour sécuriser les accès en hauteur. Dans le tunnel, la marche arrière est interdite. Les véhicules entrant au nord suivent un sens unique sur les 800 mètres de tube qui passent sous la mer, jusqu’à la zone de retournement, aménagée après la sortie sud. « À l’entrée, les camions marquent l’arrêt au niveau d’un échafaudage que l’entreprise a conçu spécifiquement pour permettre la mise en place de conteneurs-bags dans les bennes, sans risque de chute de hauteur », explique Lucas Vidal, contrôleur de sécurité à la Carsat Sud-Est.
« Les déchets amiantés extraits sont transportés dans des conteneurs-bags qui sont des sacs étanches et tous les travaux doivent être réalisés à l’humide », complète Steeve Foirest, chef de secteur amiante chez Colas. Dans le tunnel, la raboteuse avance et creuse la chaussée. Les tronçons de travail sont délimités avec un dispositif de brumisation à chaque extrémité, ainsi que sur la raboteuse et son tapis convoyeur, qui déverse son contenu dans les conteneurs-bags des bennes. « Le suivi de la qualité de l’air intérieur et extérieur est assuré en permanence. Les opérateurs portent également des badges pour contrôler que tout est conforme à la réglementation », souligne Jean-Luc Tournier.
Un flux continu
En sortie, tous les personnels et engins qui quittent la zone de travail traversent des sas de lavage et de décontamination. Le même type d’échafaudage qu’à l’entrée est prévu pour assurer la sécurité lors de la fermeture des sacs, pour laquelle un dispositif de brumisation est également en place. Au préalable, à quelques mètres, le poids du chargement est contrôlé sur un pont bascule. « Sur cette zone intermédiaire, on s’assure de la conformité à la réglementation pour le transport. Le réajustement se fait à l’aide d’une pelleteuse, équipée d’un système de brumisation pour, là aussi, rabattre les poussières », reprend Steeve Foirest. « Toutes les eaux de lavage sont filtrées et les déchets produits rigoureusement recueillis, traités et évacués vers des centres de stockage agréés », complète Bruno Breyton Perfetti, contrôleur de sécurité à la Carsat Sud-Est.
Une fois le dernier rideau d’eau passé, les camions peuvent embarquer vers le continent. Ce flux continu et quotidien a permis de respecter le calendrier de réouverture début mars. La météo est restée favorable et les aléas techniques ayant été bien gérés, le désamiantage a essentiellement été réalisé mécaniquement, limitant des interventions manuelles plus longues. Après la première phase, il fallait encore remettre en état la chaussée (4 800 tonnes d’enrobés neufs), déplacer certains réseaux, refaire les trottoirs, poser des peintures routières…
« Avant les travaux, l’entreprise nous avait présenté une méthodologie où tout était extrêmement cadré, affirme Laurent Roubin, spécialiste amiante à la Carsat Sud-Est. Nous avons insisté sur la restitution aux autres corps de métier et notamment sur le nettoyage approfondi des parois du tunnel. » En mars, la circulation a pu reprendre mais la suite est déjà programmée : la régénération du tunnel va se poursuivre pendant plusieurs années…
IDENTITÉ
Chantier : extraction d’enrobés contenant de l’amiante et évacuation vers le continent
Lieu : Bastia (Corse)
Maître d’ouvrage : Collectivité de Corse
Maître d’œuvre : groupement d’entreprises mené par Colas pour les premiers travaux
Effectif : environ 70 personnes