
« Confiance » en latin. Son nom représente le fondement même de la mission Fides. Créée en 2006, celle-ci a pour objectif la prévention et la prise en charge des addictions pour le personnel médical et non médical de l’AP-HP, soit 100 000 professionnels, dont 12 300 médecins, répartis sur 38 hôpitaux. La mission s’articule autour de trois axes : formation, gestion des risques et accompagnement de personnes en situation d’addiction.
LA CHARTE DE LA MISSION FIDES
- Sensibiliser, former, mobiliser, impliquer, accompagner, respecter, fédérer, engager, valoriser, changer. Ces 10 points sont inscrits dans la charte de la mission Fides, dont les actions visent à prévenir les addictions pour l’ensemble des personnels de l’AP-HP.
« Nous avons monté un programme de formation complet, sur quatre jours, destiné en premier lieu aux professionnels amenés à recevoir du personnel en difficulté », explique Karina Rodriguez, coordinatrice de la mission Fides et membre du service d’addiction de l’hôpital Paul-Brousse de Villejuif. « L’addiction est une maladie qui souffre de représentations négatives. Les patients sont réticents et ont parfois honte d’en parler. Culturellement, il y a un paradoxe : la consommation d’alcool dans un cadre festif est associée à la normalité, mais avoir un problème d’alcool est mal vu, décrit le Dr Sarah Coscas, psychiatre addictologue à l’hôpital Paul-Brousse et médecin référent de la mission Fides. Au lancement du projet, les gens ont eu peur. Il a fallu convaincre et s’accorder du temps. » Or l’hôpital en manque. « Nous envisageons une action de formation de courte durée – quelques heures sur site – pour les cadres, afin de leur donner les moyens d’agir lorsqu’ils repèrent un problème. Il leur faut du concret : comment parler à une personne présentant un comportement inhabituel, décoder une situation », souligne Karina Rodriguez.
Des médicaments à portée de main
Des plaquettes ont été réalisées, par exemple sur la gestion des situations d’urgence, le retour au travail d’un salarié en difficulté… La mission donne les grandes lignes de la conduite à tenir. À chaque groupement hospitalier de se les approprier. Des groupes locaux ont été formés, même si les hôpitaux n’avancent pas tous au même rythme. « Ces projets reposent souvent sur une personne ou deux. Or ces dernières années, les réorganisations et regroupements hospitaliers ont été nombreux, l’encadrement a changé et les actions de proximité ont été freinées par la pandémie », constate Karina Rodriguez.
Chaque année, certains sujets sont mis en avant : le cannabis, les écrans, l’automédication… « L’accessibilité et la facilité à se faire prescrire des médicaments entraînent, dans les études, une surreprésentation des addictions aux psychotropes et antalgiques par rapport à la population générale », note le Dr Coscas. Sur le volet accompagnement, une plaquette répertorie toutes les consultations d’addiction de l’AP-HP, afin d’orienter les personnes en difficulté à proximité de leur lieu d’habitation, et de préférence en dehors de l’hôpital dans lequel elles travaillent.
ANXIÉTÉ, CHARGE MENTALE : ATTENTION !
La mission Fides réalise des enquêtes, qui ont notamment mis en évidence des phénomènes d’alcoolisation ponctuelle le week-end chez les étudiants en 3e année d’études paramédicales. Elle s’est également intéressée à la consommation de substances psychoactives chez les internes, qui diffère peu par rapport à la population générale, même si la prévalence de troubles anxieux dans cette population fait craindre un effet amplificateur. En 2020, une nouvelle enquête sur le personnel de nuit souligne la forte consommation de médicaments psychotropes. Aujourd’hui, le Dr Coscas s’interroge sur les pratiques addictives après la crise de la Covid : « En 2020, les professionnels, très sollicités, ont retrouvé leur vocation de soignants. Deux ans plus tard, les tensions préexistantes (manque de personnel, rythme de travail…) refont surface, alors que tout le monde est épuisé. Les téléconsultations, les réunions à distance constituent autant de temps ajouté qui se prolonge et ont augmenté la charge mentale. »
Enfin, après deux ans de crise, l’heure est à la relance des actions locales. « Il faut retrouver la dynamique d’avant crise, avec l’organisation de journées thématiques, de rencontres avec des partenaires, comme le Réseau des établissements de santé pour la prévention des addictions (Respadd) », évoque Karina Rodriguez. Conférences, stands, ateliers, quiz… ces temps d’échanges indispensables ont manqué. Au programme de 2022 : des journées thématiques autour de l’automédication et des effets de la crise sanitaire.