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Manuel Ternon : « L’environnement marin s’ajoute aux risques de l’éolien »

Manuel Ternon est responsable hygiène, sécurité, environnement (HSE) pour EDF Renouvelables sur le projet de parc éolien en mer de Saint-Nazaire. Arrivé dès le lancement du projet, il revient sur l’anticipation des risques liés à l’installation en mer et l’exploitation future du site.

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Grégory Brasseur, Delphine Vaudoux - 01/09/2022
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Manuel Ternon, à Paris-La Défense, le 8 juillet 2022.

Travail & Sécurité. Vous êtes responsable HSE du futur parc éolien de Saint-Nazaire, pouvez-vous nous dire où en est ce chantier ?

Manuel Ternon. Il est bien avancé, puisqu’à ce jour (NDLR : l’entretien a eu lieu le 8 juillet 2022), 43 éoliennes sur les 80 qui composeront le parc, détenu par EDF Renouvelables et EIH SARL (une filiale d’Enbridge Inc. et CPP Investments), ont été posées. Toutes les fondations sont en place, de même que la sous-station électrique en mer et la sous-station terrestre. Depuis avril, les éoliennes, en partie assemblées à terre, partent 4 par 4 de Saint-Nazaire, sur un bateau – le Vole au Vent – pour être installées. Le parc de 78 km2 est situé entre 12 et 20 km des côtes. Fin 2022, les éoliennes, hautes de près de 180 mètres, seront toutes en fonctionnement. Elles fourniront 480 MW, ce qui représente 20 % de la consommation électrique du département de la Loire-Atlantique.

Combien de personnes travaillent sur ce chantier ?

M. T. Plus de 1 200 emplois locaux ont été mobilisés sur les différentes étapes du chantier. Cent emplois seront ensuite créés pour assurer l’exploitation et la maintenance du site, que ce soit pour EDF Renouvelables ou pour General Electric, avec essentiellement des tâches de surveillance, de maintenance et de gestion de l’exploitation.

De quelle équipe disposez-vous pour la gestion des questions HSE ?

M. T. Je suis à la tête d’une équipe de cinq personnes : deux ingénieurs HSE, qui se partagent le suivi HSE des différents lots du projet (fondations, câbles, éoliennes, sous-stations, raccordement au réseau) et notamment l’interface avec les sous-traitants, une personne dédiée aux inspections et à la construction, une en charge de la gestion des équipements de sécurité et, enfin, un contrôleur de permis de travail, en lien avec la coordination maritime.

Il s’agit de l’installation du premier parc éolien en mer français. Comment les risques professionnels ont-ils été identifiés ?

M. T. EDF Renouvelables a le devoir de mettre en œuvre tous les moyens nécessaires pour garantir la sécurité de ses équipes et de celle de ses sous-traitants pendant le chantier et durant la phase d’exploitation du parc. L’identification des risques a été menée très en amont et poursuivie au fur et à mesure. Entre la signature du projet en 2019 et l’installation en mer, on a travaillé sur l’évaluation des risques liés à la conception et à la fabrication des structures. Des réflexions ont été menées sur l’installation – par exemple la connexion des élingages ou les accès aux différentes parties de la structure – mais aussi sur les travaux de maintenance qui suivront la mise en service. Chaque partenaire industriel a dû fournir son évaluation des risques en respectant les critères que nous nous étions fixés. Tout cela a abouti à des procédures santé-sécurité, et à la signature en août 2019 d’une charte « Zero Harm ». Enfin, sur site, les équipes – via l’encadrement – doivent respecter et s’approprier ces procédures de sécurité.

De quelle nature sont les risques rencontrés ?

M. T. Nous distinguons trois grandes familles de risques. Il y a d’abord ceux liés à un grand chantier, qui sont assez classiques pour des activités de génie civil et de construction : travail par point chaud, travail en hauteur, levage de charges lourdes, manutention, coactivité, sous-traitance… Ensuite, nous avons les risques liés à l’environnement maritime : chute à l’eau, noyade, transfert de personnes, risques liés à la navigation… Il faut y intégrer également la question de distance par rapport aux secours. Enfin, il y a les risques liés à l’éolien : travail en hauteur, travail en espace confiné, risque électrique…

Quelles sont les formations que doivent suivre les intervenants sur site ?

M. T. Sur tous nos chantiers éoliens, nous imposons les formations GWO (Global Wind Organisation). Il s’agit de cinq modules : le travail en hauteur, le risque incendie, les premiers secours, le travail manuel, plus le module spécifique à l’éolien en mer, la survie en mer. Toute personne se rendant sur le parc doit avoir suivi ces formations, d’environ une semaine à revalider tous les deux ans, dans un centre accrédité. À cela doivent être ajoutés des habilitations électriques, un certificat médical maritime, et d’autres formations en fonction des activités (élingage, échafaudage, espace confiné…).

Quels sont les accidents les plus courants et quelles actions menez-vous ?

M. T. Ils sont liés au levage lourd, à la mobilisation des bateaux, au travail en hauteur, au transfert de personnel, aux chutes d’objet ou encore à l’utilisation d’outillages. Dans les contrats nous liant aux sous-traitants, il est inscrit qu’ils doivent nous rapporter toute leur accidentologie. Nous avons un tableau de suivi mensuel et nous sommes tenus au courant de façon instantanée des incidents ou accidents. Je suis informé de la moindre coupure ! Par ailleurs, tous les trimestres, nous réunissons les sous-traitants pour évoquer des sujets de prévention et de sécurité. Nous nous appuyons aussi sur le coordinateur SPS (sécurité et protection de la santé), les réunions de CISSCT (collège interentreprise de sécurité, de santé et des conditions de travail)… Sur la base de toutes ces données récoltées, nous réalisons des actions de sensibilisation. Elles prennent généralement la forme d’une présentation des risques et de leur prévention, associée à l’envoi de posters. Sur les chantiers, nos préventeurs déploient les campagnes, réalisent des inspections et suivis. Nous avons par exemple mené des campagnes sur les risques liés au travail par forte chaleur, ou encore sur le risque de sur-confiance, qui apparaît parfois lorsque l’on s’inscrit dans une routine du travail.

Comment appréhendez-vous les opérations en cours d’exploitation ?

M. T. Lorsque toutes les éoliennes seront en fonctionnement, les opérations les plus courantes seront celles relatives à la maintenance préventive (opérations planifiées pour l’entretien et les vérifications). Des capteurs dans les éoliennes émettent des signaux et des alarmes que nous pouvons surveiller à tout moment. Certaines manœuvres pourront ainsi se faire depuis la terre, à l’aide des commandes à distance, mais nous interviendrons bien sûr aussi quasi quotidiennement en mer. Nous avons pour cela un contrat avec un armateur possédant des bateaux de transfert de personnel, qui feront des allers-retours à la journée entre le parc et la base de maintenance. Lorsqu’il y a transfert de personnes, le bateau se positionne contre les éoliennes. Il y a donc une limite de houle pour les interventions : au-dessus de 1,50 mètre, voire moins selon l’appréciation du commandant, le transfert est ajourné. Une fois le navire de transfert stable, le technicien accroche son harnais à la ligne de vie auto-rétractable et monte l’échelle d’accès d’une dizaine de mètres. S’il est impossible d’accéder par l’échelle à cause des conditions météo, l’hélitreuillage peut être considéré en phase d’exploitation.

Avec ce premier parc éolien en mer en France, quelle expérience avez-vous tirée de son installation ?

M. T. Ce parc est le premier de France mais pas le premier installé par EDF Renouvelables : nous en avons déjà mis en fonctionnement à l’étranger, en Belgique et au Royaume-Uni, et nous nous sommes appuyés sur cette expérience. Par ailleurs, nous nous réunissons régulièrement avec les personnes en charge de nos autres projets éoliens en mer : le parc éolien en mer de Fécamp, du Calvados ou encore du projet-pilote Provence Grand Large. Pour ma part, une fois les éoliennes de Saint-Nazaire en exploitation, je prendrai le rôle de responsable HSE des projets éoliens en mer, de manière transverse, afin de capitaliser sur ces premiers projets.

REPÈRES

  • 2005. Diplômé en prévention des risques industriels à Polytech Grenoble.
  • 2005-2015. Préventeur HSE sur un navire de construction offshore, puis HSE lead d’une entité du groupe chez Subsea 7, spécialiste de la conception, la fabrication et la mise en œuvre d’infrastructures sous-marines pour les champs pétroliers et gaziers en mer.
  • 2015-2019. Responsable HSE France et Belgique chez EDPR. Intervient sur plusieurs projets éoliens terrestres.
  • 2019. Rejoint EDF Renouvelables au démarrage du projet d’éolien en mer à Saint-Nazaire, en tant que responsable HSE.
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