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Delphine Bochet-Drivet : « Nous sommes dans une belle dynamique »

Delphine Bochet-Drivet est directrice des ressources humaines à temps partagé au sein de Rhéso’lutions, une société de services rattachée à la Fédération nationale des transports routiers (FNTR) de Savoie-Dauphiné. Elle revient sur le projet de prévention qu’elle a initié et développé auprès des entreprises de son réseau.

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Corinne Soulay, Damien Larroque - 06/12/2022
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Delphine Bochet-Drivet, directrice des ressources humaines de Rhéso’lutions.

Travail & Sécurité. La FNTR de Savoie-Dauphiné agit en faveur de la prévention auprès de ses adhérents. Quand et comment avez-vous eu l’idée de vous engager sur cette voie ?

Delphine Bochet-Drivet. C’est parti d’une conviction personnelle : la prévention est une thématique essentielle pour les entreprises de transport routier de marchandises. Non seulement le taux d’accidents du travail y est élevé, mais elles sont en plus confrontées à des difficultés d’embauche et de fidélisation des conducteurs… et je pense que l’amélioration des conditions de travail peut amener à les résoudre. En effet, les conducteurs ont tendance à favoriser aujourd’hui les employeurs soucieux de la santé de leurs salariés. En janvier 2020, je me suis donc rapprochée de la Carsat Rhône-Alpes pour développer un projet autour de la prévention, notamment à destination des petites et moyennes entreprises qui ne disposent pas de personnes dédiées en interne. Car même si le chef d’entreprise, lui-même souvent conducteur, a conscience des difficultés du métier, les actions de prévention qu’il met parfois en place ne sont pas toujours formalisées et encore moins partagées. L’objectif de notre projet était donc à la fois de trouver des solutions, de valoriser les bonnes pratiques et de les formaliser afin d’aider les entreprises à aller plus loin et à pérenniser leur démarche. Mais après trois mois de réflexion avec la Carsat, le confinement est arrivé…

Qu’est-ce que cela a changé ?

D. B.-D. C’était une période difficile pour la profession : alors que beaucoup de secteurs étaient à l’arrêt, les entreprises de transports continuaient à travailler, avec une très forte activité. Chaque jour, je recevais des appels pour me faire part de dégradations des conditions de travail ou de difficultés managériales liées au contexte d’incertitude… Il y avait aussi une forte stigmatisation des conducteurs, qui étaient vus comme des pourvoyeurs du virus par les clients. Nous avons décidé, avec la Carsat, de focaliser en priorité sur les thématiques associées à cette période particulière. Pour commencer, nous nous sommes rapprochés de la Fédération nationale des transports routiers (FNTR) Loire qui développe des actions de prévention depuis plusieurs années. Ensemble, nous avons réuni 24 entreprises, qui représentent 1 700 salairés, douze de Loire et douze de Savoie-Dauphiné. Nous leur avons soumis un questionnaire sur les difficultés liées à la situation pandémique. Parallèlement, Emmanuel Perez, un préventeur qui travaille avec la FNTR Loire, a réalisé des audits dans les douze établissements de notre réseau. Trois thématiques ont émergé : le télétravail, la remobilisation des salariés et le développement d’actions de prévention. Nous avons créé un guide avec des fiches pratiques répondant à ces préoccupations : les étapes pour une prévention efficace, les services de prévention et de santé au travail, les formations Carsat et INRS, l’accord de télétravail ou encore comment mettre en place un « Mot du dirigeant » pour remobiliser les salariés, par exemple. Outre les versions papier envoyées à nos adhérents, tous ces documents sont à disposition sur un site web dédié.

Vous avez également mis en place des rendez-vous réguliers entre les entreprises ?

D. B.-D. Chaque mois, depuis juin 2020, nous organisons une réunion d’une heure environ en visio avec nos 24 entreprises, sur des thématiques qu’elles souhaitent aborder (l’arbre des causes…) ou que nous leur proposons (les changements de réglementation concernant le protocole de sécurité, le DUERP…). L’objectif étant tout à la fois de répondre aux interrogations, mais également que les participants puissent échanger entre eux, comparer leur façon de faire et s’inspirer les uns les autres. Ces « mardis de la prévention » sont filmés et le replay est accessible sur le site web.

Avez-vous vu émerger des sujets spécifiques à chaque entreprise ?

D. B.-D. Les audits ont suivi la grille de positionnement en santé et sécurité au travail (GPSST), un outil proposé par l’INRS et un plan d’action propre à chaque entreprise a été mis en place. Pour certaines, cela a pris la forme d’un contrat de prévention avec la Carsat, ce qui implique que l’entreprise, qui reçoit un accompagnement financier, s’engage sur trois ans sur un certain nombre d’actions pour améliorer la prévention et les conditions de travail des salariés. Chez Mégevand Frères, par exemple, qui compte 25 conducteurs, le chef d’entreprise a suivi la formation dirigeant pour être sensibilisé à ce qu’est la prévention et à comment la mettre en place. Des acteurs prévention secours (APS) ont aussi été formés pour mailler la structure et développer un projet de prévention pérenne. Mégevand Frères a également fait l’acquisition d’un robot palettiseur dont l’implantation a été supervisée par un spécialiste industriel. D’autres entreprises, aidées financièrement par la Caisse par le biais de subventions prévention TPE-PME, ont acheté des transpalettes électriques pour faciliter le travail de manutention ou opté pour des bâches motorisées limitant les contraintes sur les organismes et les risques de chute lors des opérations de bâchage… Enfin, ces audits ont aussi été l’occasion de mettre en lumière des solutions innovantes existantes. Chez Rumitrans, par exemple, le dirigeant a conçu un système permettant de recharger pendant les trajets les transpalettes électriques qui se trouvent dans la remorque.

Après deux ans, où en êtes-vous ?

D. B.-D. Les entreprises continuent à être nombreuses aux mardis de la prévention. Et, après quelques mois, nous avons été rejoints par Béatrice Macqueron de la FNTR Drôme Ardèche, ainsi que par 10 entreprises de ses territoires. En octobre, nous sommes passés à une nouvelle étape en organisant notre premier Club de la prévention qui se déroule en présentiel et a vocation à devenir trimestriel. Lors de notre première réunion, nous avons discuté du protocole de sécurité. Ce document est un élément de la recommandation R512, qui recense les risques dans les entreprises d’accueil. Les transporteurs se rendant parfois sur plus d’une cinquantaine de sites, si le protocole contient trop de pages, il risque de ne pas être lu par le conducteur car les informations spécifiques au site d’accueil sont noyées dans la masse des informations générales (mentions de sécurité de base, port des EPI...). Pour que ce document retrouve son utilité, on pourrait imaginer que les règles communes à tous les sites soient regroupées en fin de document pour donner plus de visibilité aux consignes de sécurité spécifiques à chacun d’entre eux.

Quelle est la suite du projet ?

D. B.-D. Augmenter notre audience en essaimant. Cela a déjà commencé puisque suite à la présentation de notre démarche lors du congrès de la FNTR, à la fin du mois de septembre de cette année, nous avons été contactés par d’autres régions qui souhaitent adoper notre démarche. Nous sommes dans une belle dynamique grâce à l’émulation qui s’est fait jour entre les entreprises participantes. Mais certaines des solutions de prévention qui émergent de leurs échanges nécessiteront l’engagement de leurs clients pour pouvoir être mises en œuvre, à la manière de celle proposée pour le protocole de sécurité. Nous envisageons donc d’intégrer les chargeurs à nos différentes réunions pour inviter tous les acteurs autour de la table.

REPÈRES

  • 2005. Diplômée d’un master 2 en droit de l’entreprise et droit du travail à l’université d’Angers.
  • 2007-2010. Au sein du réseau associatif de services à la personne ADMR, responsable du service juridique à Tarbes (Hautes-Pyrénées), puis directrice des ressources humaines (DRH) dans le Jura.
  • 2010-2014. DRH à la Mutuelle Eovi Service et soin à Valence (Drôme) puis aux Mutuelles de France, à Annecy (Haute-Savoie).
  • Depuis fin 2014. DRH à temps partagé chez Rhéso’lutions, une société de services rattachée à la Chambre professionnelle des transports routiers de Savoie-Dauphiné.
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