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Les allergies professionnelles

Le secteur des travaux publics est aussi concerné

Isabelle Gourlay est médecin du travail depuis onze ans chez Charier, entreprise de travaux publics. Elle évoque les cas d’allergies rencontrés dans ce secteur d’activité, et les questions qui en découlent.

3 minutes de lecture
Céline Ravallec - 12/12/2022
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Les risques d'allergies professionnelles existent aussi dans le BTP

Travail & Sécurité. Les allergies sont-elles une préoccupation importante dans les travaux publics ?

Isabelle Gourlay. Si le nombre de pathologies que j’ai pu observer depuis onze ans à mon poste actuel reste modeste, la survenue d’une allergie professionnelle est toujours un drame pour les personnes touchées. J’ai fait une partie de ma carrière dans un service de santé au travail interentreprise, et j’ai eu l’occasion de rencontrer de nombreux cas dans des secteurs tels que l’agroalimentaire – du fait de l’emploi massif de détergents – ou dans les secteurs où beaucoup de produits chimiques sont manipulés par les salariés, chez les coiffeurs par exemple.

Quels sont les types de pathologies que vous avez observés chez Charier ?

I. G. Une allergie respiratoire est survenue chez un salarié de l’équipe enrobés, sans que l’on puisse identifier l’agent en cause avec exactitude. Sinon, pour ce qui est des allergies de contact que j’ai pu rencontrer, elles sont principalement dues au chrome, présent dans le ciment et dans le cuir (des chaussures de sécurité, des gants), aux huiles de moteur et solvants, manipulés en ateliers de maintenance.

Quelles sont les solutions qui ont été adoptées ?

I. G. Pour le salarié souffrant d’allergie respiratoire, même si le doute subsiste concernant l’agent responsable, la chronologie précise de sa sensibilisation conduisait à suspecter de façon certaine une origine professionnelle. Il a été muté à une autre activité – mais est resté dans l’entreprise – et ses problèmes ont disparu spontanément. Le bilan complet réalisé dans le service de pathologies professionnelles du CHU de Nantes n’a pas permis d’identifier l’agent causal. Pour les allergies de contact, nous avons substitué les allergènes : gants en cuir remplacés par des gants synthétiques ; solvants de décapage remplacés par des fontaines bio de dégraissage enzymatique. Ces changements ne sont pas toujours faciles à faire accepter. Si des groupes ont été réunis pour tester différents modèles de gants et choisir les plus adaptés, certains salariés ont résisté en achetant leurs propres gants en cuir. Mais ce ne sont pas des gants de protection chimique : ils s’imprègnent vite de produits chimiques et n’ont pas de fonction anti-coupure. Les fontaines de dégraissage « bio » fonctionnent sans solvant grâce à une action enzymatique, mais nécessitent plus de temps pour agir, d’où le souhait de certains de revenir en arrière. Pourtant il suffit d’organiser les tâches différemment dans le temps.

LE CAS DES CHAUSSURES EN CUIR

« J’ai constaté que pour chaque cas d’allergie de contact au niveau des pieds, il y avait une lésion préexistante favorisant la survenue de l’allergie : mycose, brûlure, opération chirurgicale…, explique Isabelle Gourlay. Dans les équipes qui travaillent aux enrobés par exemple, les salariés se déplacent sur un matériau très chaud, entre 150 °C et 180 °C, et les pieds transpirent beaucoup, ce qui est normal. La peau de la plante du pied se gorge d’eau et parfois se décolle un peu comme une très grosse ampoule. Ce phénomène fragilise la barrière cutanée du pied et favorise l’apparition d’une hypersensibilisation au chrome ou à la colle présente dans les chaussures. Pour les allergies provoquées par les colles des semelles des chaussures de sécurité de tout type (cuir ou synthétique), la solution est de faire faire des chaussures sur mesure, entièrement cousues main. »

Quelles autres actions de prévention avez-vous pu mener ?

I. G. La prévention collective consiste à agir avant. Nous avons ainsi réalisé une campagne d’affichage « testé, approuvé, adopté ». La prévention nécessite beaucoup de communication et de patience car tout le monde n’est pas encore convaincu et sensibilisé au sujet des allergies. Les salariés allergiques sont de bons relais pour passer les messages auprès des collègues qui ne se sentent pas concernés.

Voyez-vous les bénéfices de ces actions ?

I. G. Oui, il y a moins d’allergies aujourd’hui. Le dernier cas remonte à 2019. La pandémie de Covid-19 avait pu masquer ces problèmes en 2020 et 2021. Mais, pour l’heure, sur l’année 2022, nous n’avons eu aucun cas.

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