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Les allergies professionnelles

Propreté : standardiser les produits pour éviter les dermatites

Acteur majeur de la propreté, Atalian va déployer en 2023, après une expérimentation en Sud-Est, une démarche de rationalisation de sa gamme de produits chimiques utilisés pour le tertiaire, responsables potentiellement de dermatites de contact. Un travail au long cours, orchestré par le service qualité, sécurité, environnement, en lien avec les métiers.

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Grégory Brasseur - 12/12/2022
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Salariée d'Atalian utilisant une centrale de dilution

À peine une semaine dans le service et tout le monde en parle. La centrale de dilution pourrait bousculer les habitudes des équipes Atalian chargées de la propreté du site de La Garde de l’université de Toulon. Mais, surtout, contribuer à réduire l’exposition aux risques chimiques. « Ce dispositif apporte une sécurité d’utilisation des produits, en évitant les accidents liés aux projections, mais aussi les mauvais dosages, qui conduisent à un encrassement des sols et à une surutilisation des produits », soutient Carmen Lopez, chargée de clientèle au sein de l’entreprise de nettoyage.

Il n’est en effet pas rare qu’un agent de propreté « en mette un peu plus », s’il estime que le produit n’est pas assez coloré. Désormais, plus d’erreur possible. Carmen Lopez et Laurence Cœur, cheffe d’équipe d’Atalian sur l’université, ont été formées à l’utilisation de la centrale. Elles seules l’utilisent et, d’un coup de voiturette, fournissent les équipes (environ 30 personnes) dans les différents bâtiments. « Un local a été aménagé pour le stockage et le nombre de produits – et de manutentions – a drastiquement diminué », affirme la cheffe d’équipe. Des poches non perçables sont clipsées dans l’appareil. Elles contiennent un produit sanitaire « quatre-en-un », un détergent multisurface et un produit pour les sols.

L’action n’est pas une initiative isolée : Atalian s’est engagé dans une démarche de rationalisation et de réduction des produits chimiques utilisés pour le tertiaire, avec une phase d’expérimentation en région Sud-Est. Ce n’est pas parce qu’un produit nettoie qu’il est sans risque. La dermatite de contact, en particulier au niveau des mains, est fréquente chez les agents de propreté. Les produits de nettoyage et de désinfection peuvent contenir de nombreux irritants ou allergènes (parfums, conservateurs…). De plus, le travail en milieu humide et le port prolongé de gants peuvent être des facteurs d’irritation cutanée.

La chimie remise à plat

Tout est parti d’un constat : celui de l’utilisation de plus de 250 références de produit, 500 références d’achat… et des accidents du travail directement liés aux opérations de dilution. « 75 % de nos prestations concernent le tertiaire, il fallait donc commencer par là et toucher la charnière opérationnelle, qui gère les chantiers, en donnant, au moment de la commande, des notions relatives à la sécurité des produits, explique Norbert Morvan, directeur régional Sud-Est. L’objectif étant de réduire le nombre de fournisseurs (trois au lieu de quinze), proposer aux chargés de clientèle un choix de produits restreint et promouvoir l’installation d’une centrale de dilution partout où c’est possible. »

Au pilotage, le service qualité, sécurité, environnement (QSE) et notamment une référente risques chimiques, Daphné Bakkali, coordinatrice QSE-méthodes, qui a rencontré les fournisseurs avec un cahier des charges précis. « Pas de pictogramme de danger, pas de valeur limite d’exposition professionnelle, pas de phrase de risque H sur l’étiquette, manipulables si possible sans EPI, non soumis à la réglementation sur le transport des marchandises dangereuses et conditionnés dans des bidons recyclables », détaille-t-elle. « La substitution de certains produits vise notamment à limiter les risques d’irritation ou de sensibilisation cutanée ou respiratoire auxquels les agents de propreté peuvent être confrontés », complète Nadia Nikolova-Pavageau, experte d’assistance médicale à l’INRS.

LE TÉMOIGNAGE DE...

Norbert Morvan, directeur régional Sud-Est d’Atalian

« Le projet a été lancé en région Sud-Est pour l’activité tertiaire, majoritaire et employant des salariés multisites. Il pourrait être transposé à d’autres secteurs (ultrapropreté, agroalimentaire, hospitalier, industrie), où sont déjà présents des agents de maîtrise et d’encadrement qui ont connaissance des risques. Il nécessite une écoute et un accompagnement sur le long terme, c’est pourquoi nous avons mis en place ce pilotage  QSE avec une référente risques chimiques. Chaque site a ses spécificités. Nos clients  peuvent eux-mêmes avoir des exigences sur la validation des produits. »

Tout en réduisant la voilure, il s’agissait de laisser un choix aux chargés de clientèle, également consultés. Les fournisseurs, impliqués dans la phase d’expérimentation, se sont déplacés sur site dès que nécessaire. « Il faut que chacun puisse juger de ce qui est acceptable par les salariés et le client en fonction du site. Cela peut demander du temps », estime François-Xavier Manginot, le responsable QSE-méthodes Sud-Est. « Il y a un aspect collégial au projet, beaucoup d’écoute. L’ensemble des dimensions ont été intégrées : qualité, commerce, exploitation…, souligne Daniel Estève, le directeur d’agence de la Seyne-sur-Mer. Avec l’université de Toulon, la démarche correspondait bien à la philosophie du client, qui a mis à disposition un local dédié. »

Salariée de l'entreprise de propreté Atalian

Une centrale de dilution présente un intérêt dès lors qu’il y a plus de 1 200 m2 de surface au sol à nettoyer, cinq salariés, un local commun, un point d’eau, de l’espace et un encadrant formé à son paramétrage. « Le produit a peu d’odeur. Pour ma part, j’aime qu’il y ait un parfum. Ça montre qu’on est passé », remarque Maryline Conet, agent de propreté à l’université. « Pourtant, ce n’est pas l’odeur qui fait que c’est propre », rappelle Carmen Lopez, insistant sur la pédagogie à déployer. L’important aussi : un étiquetage compris par tous et la formation. Les produits sont appliqués sur la microfibre, pas sur le support ni en pulvérisation dans l’air. Quand elles existent, la préférence va aux têtes de vaporisation moussantes, sans projection. « Un travail d’accompagnement et de suivi est toujours nécessaire auprès des clients et des équipes », insiste Daniel Estève.

Des retours positifs

Cette année, 10 agences sur les 24 en Sud-Est ont testé le projet. 75 % des produits proposés ont été utilisés, avec des retours positifs. « Il y a une gestion plus raisonnée des commandes, moins de perte de temps lors du choix, une optimisation des flux, une meilleure gestion environnementale, mais surtout la suppression des produits les plus dangereux et une réduction des accidents du travail », évoque Daphné Bakkali.

UNE APPROCHE GLOBALE

« La standardisation des produits chimiques a facilité la qualité de travail des chargés de clientèle, très sollicités, constate Maud Artaud-Janicki, ingénieure-conseil à la Carsat Rhône-Alpes et correspondante du groupe Atalian, estimant qu’elle s’inscrit ainsi dans la lignée du programme TMS Pros. Avec Atalian Propreté, elle évoque une démarche coconstruite pour répondre aux enjeux du groupe, qui s’est traduite par la formation des directions et de 37 personnes ressources chargées de la prévention des TMS et, récemment, le lancement d’un projet visant à intégrer les questions de santé et de sécurité au travail dans les processus-clés : commerce, achat, opérations. « Ces processus sont déterminants dans la prise de décision, explique-t-elle. Le principe est de se poser les bonnes questions en amont du démarrage de tout chantier, tant sur les procédés des clients que sur les produits utilisés. »

Dans un premier temps, des recommandations étaient faites, les anciennes références ne disparaissant pas du logiciel d’achat. Mais dès janvier 2023, seule une centaine sera proposée. En parallèle, un déploiement au niveau national est prévu.

Dans le service QSE, d’autres recherches sont en cours, notamment pour se passer de la chimie : centrales à eau, microfibres utilisables sans produit chimique, disques diamant quand la surface rend l’utilisation de l’auto-laveuse intéressante… « Il s’agit de nouvelles méthodes de travail, indique François-Xavier Manginot. Il faudra accompagner les équipes en se laissant un temps nécessaire à l’acquisition de la culture. »

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