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Les allergies professionnelles

Vers des farines moins volatiles

Trois meuniers s’apprêtent à commercialiser une farine de fleurage à faible indice de pulvérulence. Le fruit d’un travail de recherche lancé il y a plus de deux ans par le Laboratoire national de la boulangerie-pâtisserie (Lempa). Son directeur, Pierre-Tristan Fleury, revient sur le projet.

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Grégory Brasseur - 12/12/2022
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Les meuniers proposent désormais des farines moins pulvérulentes

Travail & Sécurité. Quelles étapes ont permis d’en arriver à la production de nouvelles farines de fleurage à faible indice de pulvérulence ?

Pierre-Tristan Fleury. Depuis plusieurs années, le Lempa mène des travaux de recherche pour réduire la mise en suspension des poussières de farine dans les fournils afin d’améliorer la santé respiratoire des boulangers. En 2018, nous avions un projet avec plusieurs boulangeries normandes sur les niveaux d’émission de poussières dans les fournils. La qualification de l’environnement s’avérant complexe, nous avons travaillé sur la qualification de la farine. D’abord, nous avons étudié l’impact de la qualité et de la préparation des blés sur la volatilité des farines, avec l’idée de faire des préconisations aux meuniers. Nous avons alors mis en évidence une différence liée à la variété des blés et à leur préparation. Une campagne de mesures chez une trentaine de meuniers a montré des différences, parfois au sein d’un même moulin, avec la production, suivant les périodes de l’année notamment, de farines plus ou moins volatiles. Un autre projet a permis d’avancer sur les cartographies meunières : deux meuneries de taille importante nous ont envoyé leurs farines de passage, ce qui nous a permis d’observer des caractéristiques de volatilité de la farine différentes en fonction de l’appareil à cylindre d’où elle sortait. Ce travail d’exploration s’est poursuivi avec trois meuniers pour les accompagner dans la formulation de farines à faible volatilité.

SAVOIR-FAIRE

Le point de départ de la fabrication de la farine est la combinaison de plusieurs variétés de blé. Ces blés sont mélangés et nettoyés, pour éliminer les impuretés. Suivent l’ajout d’eau pour rendre l’amande farineuse plus friable et la mise au repos. Pour extraire la farine, on procède ensuite à une succession d’étapes de broyage et de tamisage. Ces opérations doivent être répétées plusieurs fois. Le blé est écrasé par des cylindres. Le produit de chaque passage est séparé par tamisage à l’aide des plansichters (tamiseurs rotatifs) et les différentes fractions réorientées, suivant leur granulométrie, vers les cylindres appropriés. À chaque passage entre les cylindres, une fraction de farine dite farine de passage est obtenue. C’est en analysant ces farines et en les combinant qu’une farine de fleurage à faible indice de pulvérulence est obtenue.

Les meuniers n’étaient-ils pas réticents à envisager un changement de formulation ?

P.-T. F. Les choses bougent. Certains peuvent avoir peur d’une stigmatisation des nouvelles farines. Il faut s’approprier une autre façon de faire. Longtemps, l’unique objectif était de faire du beau et bon pain. C’est bien sûr toujours le cas, mais les moulins Céard, Foricher et Rioux ont ajouté à cette exigence celle de la santé de leurs clients boulangers. Avec eux, nous nous sommes interrogés sur les règles d’assemblage permettant d’obtenir une farine à plus faible indice de pulvérulence. Pour faire simple, avec l’analyse des farines de passage que nous envoie un meunier, on peut lui dire quelle quantité de chaque farine mélanger pour obtenir une farine moins volatile. Avec le laboratoire de chimie de la Carsat Normandie, des mesures dans le fournil d’application du Lempa ont mis en évidence que les farines de fleurage de faible pulvérulence permettent de diviser par trois le niveau d’empoussièrement ! D’autres mesures, lors de l’utilisation de diviseuses, montrent que l’on réduit aussi de façon significative les plus petites particules (inférieures à un micron), qui sont le plus profondément inhalables.

Du côté des boulangers, quels changements cela implique-t-il ?

P.-T. F. Nous préconisons qu’ils acquièrent le réflexe d’utiliser une farine de fleurage à faible volatilité. C’est la farine projetée sur la pâte ou le plan de travail pour éviter que ça colle. Cela n’a aucune répercussion sur les pratiques et les aspects techniques du métier. En parallèle, il faut bien sûr continuer à informer et former les boulangers sur les risques. Avec l’un des meuniers, Foricher, nous étudions le développement de farines conventionnelles qui auraient elles-mêmes des propriétés moins volatiles. Les premiers résultats sont encourageants. On peut aujourd’hui avancer sur cette voie sans impact qualitatif sur le produit fini. Pour les boulangers, il reste un enjeu d’acceptation de ces solutions innovantes pour réduire de manière efficace l’exposition aux poussières.

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