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La grande distribution

La nouvelle génération d’hypers intègre la prévention

Depuis 2012, Lidl a initié une stratégie de rénovation de ses magasins et développé un nouveau standard de conception prenant en compte la santé et la sécurité au travail. Visite du supermarché d’Eckbolsheim, dans le Bas-Rhin, ouvert en juillet 2021.

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Corinne Soulay - 26/04/2023
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Un salarié réapprovisionne les armoires réfrigérées.

Large baie vitrée, poutres en bois naturel, sol rutilant… Le magasin Lidl d’Eckbolsheim, qui s’étend sur 1 686 m2 près de Strasbourg, dépoussière l’image de l’enseigne allemande, longtemps associée à celle d’entrepôts encombrés, éclairés aux néons. Une exception ? « Depuis 2012, nous menons une campagne de rénovation, dont ce supermarché a bénéficié, précise Alexis Doussot, responsable SQVT (santé, qualité de vie au travail) de l’enseigne. Cela correspond à une stratégie de sortie du hard discount. Sur nos 1 600 magasins, 700 ont déjà été rénovés. Et, pour tous, nous déclinons un même standard de conception. »

Un rapide tour dans les rayons suffit à saisir la montée en gamme. Globalement, règne une impression d’espace et de clarté induite par la part belle donnée à la lumière du jour, la hauteur sous plafond, la largeur des allées – jusqu’à 3 m pour la principale – et le choix du carrelage, des dalles immaculées de 60 cm de côté. De quoi séduire le client… mais pas seulement. « Je travaille chez Lidl depuis 30 ans et, avant, j’avais souvent mal aux yeux et au dos, assène Marie, une salariée. Avec les nouveaux équipements, je suis moins fatiguée. »

Car l’enseigne ne s’est pas simplement offert un lifting de surface, la prévention des risques professionnels a été intégrée dans la conception des nouveaux supermarchés. « Notre travail sur les nouveaux standards a concordé avec la structuration de notre politique de santé et sécurité au travail », explique Romain Recq, responsable HQSE (hygiène, qualité, sécurité, environnement). Parallèlement, Lidl a aussi bénéficié de l’accompagnement de la Carsat : « Notre relation a débuté dès 2005, via le dispositif de correspondant d’enseigne mis en place par le réseau Assurance maladie-risques professionnels pour suivre les acteurs de la grande distribution, détaille PierreYves Adam, ingénieur-conseil à la Carsat Alsace-Moselle et représentant grand compte Lidl.

Une salariée utilise la presse à balles.

La relation entre l’enseigne de distribution et l’organisme n’a pas cessé, depuis, de fructifier. « À l’époque, nous avions réalisé une analyse ergonomique de l’activité des hôtes de caisse, poursuit l’ingénieur-conseil, puis nous avions travaillé de concert pour équiper les établissements en transpalettes électriques à haute levée. Nous avons ensuite cheminé ensemble et le programme TMS Pros nous a encore rapprochés. »

Autre paramètre qui a contribué à perfectionner le modèle de supermarché « nouvelle génération » : la publication, en 2015, de la recommandation R478 de la Cnam, sur la mise en rayon. « Ce document a été déterminant dans notre réflexion, insiste Romain Recq. Il nous a permis de travailler sur trois axes – organisationnel, technique et humain – et de mettre sur pied un magasin test pour affiner nos choix. Nous sommes propriétaires de quasiment tous nos terrains et bâtiments, ce qui offre une grande latitude dans ce que nous pouvons mettre en place. »

D’abord des mesures organisationnelles

Retour dans les allées du supermarché d’Eckbolsheim. Des réserves aux caisses, l’organisation a été pensée pour réduire les déplacements et les manutentions manuelles. Les fours et chambres froides, auparavant situés à distance du comptoir boulangerie, sont désormais attenants. La mise en rayon, quant à elle, est facilitée par l’absence de dépotage de colis. Ici, les palettes quittent les réserves pour être déposées directement dans le supermarché grâce à un transpalette électrique. Ou encore, les cartons sont mis en place entiers sur les étals, grâce à des chariots à hauteur variable. « Ce type d’organisation implique des discussions en amont avec les achats, souligne Romain Recq. Puisque les cartons sont mis en rayon, ils doivent être assez solides pour ne pas se déchirer quand on les manipule. »

Une réflexion a aussi été menée sur le poids des colis. Contrairement à d’autres enseignes, Lidl compte peu de références (1 900) et la plupart sont des marques distributeur. « Nous pouvons ainsi facilement avancer avec le fournisseur sur ces questions, se réjouit le responsable HQSE. Le poids moyen de nos colis atteint désormais 6,16 kg. » L’implantation des produits suit également une logique de prévention, les plus lourds étant positionnés en rayon à mi-hauteur.

DES NOUVEAUX QUI ONT DROIT À L’ERREUR

Depuis 2014, un dispositif d’accueil a été mis en place pour les nouveaux embauchés. Avant leur prise de poste, ceux-ci sont accueillis une journée à la direction régionale dont dépend leur magasin. « On leur explique le concept et les valeurs de l’enseigne et ils suivent des formations sécurité, notamment celle consacrée à l’utilisation des transpalettes électriques, explique Nathalie Meyer, responsable RH de la direction régionale d’Entzheim. Pour leur premier jour en magasin, on s’assure qu’ils ne débutent pas trop tôt, à 8 ou 9 heures, pas avant. » Pendant plusieurs jours, ils sont identifiés par le port d’un t-shirt indiquant « Oups… je suis en formation ». « Cela permet d’informer les clients que la personne débute, et qu’elle a droit à l’erreur, et de rappeler aux collaborateurs qu’elle peut avoir besoin d’aide et d’accompagnement. » Pour faciliter l’utilisation du matériel, des e-learning, accessibles grâce à un QR-code, sont aussi disséminés dans tout le magasin.

Des mesures organisationnelles complétées par du mobilier et des aides techniques adaptés afin, notamment, de limiter les postures contraignantes. Au rayon des viandes, par exemple, les bacs, qui obligeaient les salariés à se pencher à 90° pour disposer les barquettes, ont disparu au profit de vitrines ergonomiques. Aux surgelés, les articles les plus bas prennent place dans de larges tiroirs à glissières et, au rayon boissons, des facers – systèmes de poussoirs – permettent de déplacer facilement les bouteilles en verre. Autre avancée, aux fruits et légumes, les imposantes étiquettes de prix papier, placées en hauteur, ont laissé place à un affichage électronique avec, à la clé, la suppression des risques de chute lors de l’actualisation des tarifs. Bientôt, tout le supermarché devrait en être doté et un déploiement national est en cours.

À la faveur d’un pic de fréquentation, Marie s’installe en caisse : ici, tous les équipiers sont polyvalents. Tapis en amont et en aval, imprimante placée face à elle, scanner tridimensionnel… Le poste d’encaissement aussi a été conçu pour favoriser l’ergonomie. « Là encore, un travail a été fait avec nos fournisseurs pour que les articles présentent des codes-barres à plusieurs endroits pour limiter les manipulations », précise Romain Recq. Le pic passé, une autre salariée quitte la caisse : direction les réserves pour trier les cartons vides. Une presse à balles permet de les compacter sans effort. « Avant, il fallait les jeter un à un dans la machine et on risquait de se coincer les doigts, se remémore la jeune femme. Là, il suffit d’installer le roll rempli, à l’arrière, et cela se fait automatiquement. » Une barrière immatérielle entraîne par ailleurs l’arrêt de la machine si une présence est décelée dans la zone de chargement.

Plan et organisation optimisés, mobilier ergonomique… Toutes ces améliorations sont vouées à être généralisées à l’ensemble des supermarchés de l’enseigne. « Les vitrines et les facers, par exemple, ont d’ores et déjà été déployés presque partout », précise Alexis Doussot. Quant aux projets de rénovation complète, ils se poursuivent : en 2022, 100 magasins ont été refaits à neuf.

PAS À PAS, LA PRÉVENTION SE STRUCTURE

• 2012. Un service HQSE (hygiène, qualité, sécurité, environnement) est créé, composé de trois personnes.
• 2015. Lidl participe au programme TMS Pros.
• 2017. Rédaction de la charte santé, sécurité et environnement.
• 2018. Création du service SQVT (santé, qualité de vie au travail), rattaché au département RH, qui compte neuf personnes.
2021. Nomination de responsables SQVT au niveau des 25 directions régionales, coordonnant, dans chaque supermarché, un « capitaine SQVT », avec des heures allouées, chargé d’animer la prévention des risques professionnels (tour mensuel de sécurité, déploiement du document unique d’évaluation des risques professionnels, analyse de tous les accidents et des plans d’action mis en place, briefings thématiques réguliers…).

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