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La grande distribution

TMS : de l’action ciblée à la dynamique globale

À l’ouest de Nantes, le Super U de Couëron a bénéficié d’un accompagnement personnalisé sur un projet de prévention des troubles musculosquelettiques (TMS) visant l’activité drive. Un travail élaboré dans le cadre d’une stratégie nationale de l’enseigne.

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Grégory Brasseur - 26/04/2023
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Deux salariés préparent les commandes drive.

C’est un magasin périurbain un peu atypique. Ancré depuis la fin des années 1970 dans la vie locale de Couëron, en Loire-Atlantique, le Super U a été réaménagé et optimisé par vagues successives, sans importantes possibilités d’agrandissement. Il emploie aujourd’hui 115 personnes sur une surface de 2 300 m2 et réalise un chiffre d’affaires de 30 millions d’euros. Pour la prévention des troubles musculosquelettiques (TMS), à laquelle la direction est sensibilisée depuis longtemps, ces contraintes liées au bâti peuvent peser.

« En 2021, la Carsat nous a proposé de faire partie d’un projet pilote et d’initier une vraie démarche d’enseigne », évoque Alexandra Mas, l’une des cogérantes. Quelques mois plus tôt, Cedryc Fernandez, contrôleur de sécurité à la Carsat Rhône-Alpes et correspondant grand compte pour l’enseigne, contacte Ludivine Notarianni, responsable QSSE (qualité, santé, sécurité, environnement) chez U Enseigne, pour évoquer un accompagnement des établissements ciblés par l’action nationale TMS Pros. Celui-ci repose notamment sur la mise en place d’un parcours de formation des dirigeants et d’une personne ressource désignée dans chaque magasin.

Pour Couëron, Alexandra Mas pense à Christopher Harris, responsable non alimentaire. « Il connaît l’entreprise, ses contraintes, ses métiers. Il fallait quelqu’un en capacité de consulter les équipes et de porter un regard sur l’activité globale, reprend la cogérante. En collaboration avec la Carsat, nous nous sommes structurés pour améliorer les conditions de travail, prévenir l’usure professionnelle et, de cette façon aussi, fidéliser notre personnel. »

Étudier l’activité drive

Pour déployer sa démarche, Système U s’appuie sur un cabinet de consultants. Christopher Harris suit une partie de la formation en salle, avec des personnes ressources issues d’autres sites, et l’autre en magasin. « La consultante, Sophie Lefeuvre, ergonome et psychologue du travail, a su s’imprégner de nos contraintes. Il fallait identifier un projet prioritaire en interne. L’activité drive s’est imposée. C’est à mon sens le levier du magasin pour les années à venir », explique-t-il. À lui seul, le drive représente 10 % du chiffre d’affaires, 600 commandes hebdomadaires, avec une progression constante, qui s’est accélérée pendant la crise sanitaire.

LE TÉMOIGNAGE DE...

Christopher Harris, personne ressource TMS dans le magasin

« Nous sommes dans un moment charnière. Quand nous avons lancé ce projet pour le drive, nous savions que tout ne serait pas possible tout de suite. Mais d’ores et déjà, les premiers enseignements ont été tirés et ils seront bien utiles car un projet d’agrandissement va être étudié. Cette vision globale que nous avons cherché à développer nous ouvre un champ des possibles. On sait ce que l’on veut et ce que l’on ne veut plus. Nous allons nous appuyer sur l’élan collectif qui a pris sur les équipes du drive et qui prendra, je l’espère, ailleurs. L’approche que nous a proposée la Carsat a remis de la dynamique dans le magasin et repositionné le manager au coeur du projet de prévention. Une démarche de ce type nous a aussi permis de faire le tour des équipes. Les salariés se sont véritablement sentis écoutés. »

« Le local a été créé il y a dix ans et n’était pas dimensionné pour une telle croissance. Nous n’avons pas mesuré l’ampleur qu’allait prendre cette activité », confirme Océane Lallot, responsable du drive. « Nous avons travaillé à partir des étapes du programme TMS Pros : dresser un état des lieux et analyser les situations, identifier les priorités, travailler sur un plan d’action partagé avec les représentants du personnel et le suivre dans le temps », reprend Christopher Harris. Il commence donc par interroger les salariés, réalise des vidéos du travail réel des équipes, anime des réunions collectives en abordant notamment des questions liées aux risques psychosociaux.

« La consultante m’a aidé dans le tri des informations et l’orientation vers les solutions les plus viables », indique-t-il. Les points critiques sont rapidement identifiés : la nécessité d’aller en rayon prélever les produits faute d’emplacement picking dédiés en réserve, les nombreuses manutentions liées à l’utilisation des bacs et des bases roulantes, le port de charges ou encore l’augmentation constante des commandes, qui conduit à vider les rayons pour des clients « invisibles », ce qui n’est pas toujours compris dans les autres services.

Une réflexion globale

Parmi les premières actions, l’établissement revoit l’isolation des locaux. « Le froid, le stress, peuvent être en cause dans l’apparition des TMS », souligne le référent. « Il y a tout de suite eu une volonté de l’établissement de travailler sur le sens du travail et d’appréhender les TMS sous toutes leurs dimensions, en intégrant les collaborateurs dans la réflexion », constate Carole Bolot, ingénieure-conseil à la Carsat Pays-de-la-Loire. En réserve, de la place est faite pour réduire les piles de bacs et de bases roulantes. « J’ai été filmée lors de toutes les activités du drive. On a regardé ensemble là où ça faisait mal. Aller chercher les bacs en haut de la pile, pour moi, c’était très inconfortable », témoigne Christelle Courcoul, une opératrice.

Une salariée devant les congélateurs aux portes vitrées du drive.

À la suite de ces observations, des congélateurs plus grands ont été installés, dotés de portes vitrées, afin que le personnel voie les sacs de l’extérieur et puisse les récupérer plus facilement. Les hauteurs de stockage dans la chambre froide sont limitées. Mais le grand changement arrive en décembre 2022, avec la mise en œuvre d’une nouvelle technique de préparation : la ramasse globale. « Avant, c’était une commande, une préparation, avec des gestes répétés à chaque fois. Désormais, chaque personne part sur l’une des neuf zones définies dans le magasin et y récupère la marchandise pour dix commandes. Cela évite de nombreux allers et retours, et fait gagner en productivité », affirme Océane Lallot. Précédemment, les salariés commençaient par les produits lourds (packs d’eau, sacs de croquettes…) pour équilibrer le chariot et parcouraient tout le magasin avec.

Quand Christelle Courcoul termine sa ramasse globale, elle dépose les produits frais en chambre froide. Les produits secs sont directement récupérés par l’opératrice chargée de l’éclatement des commandes. 85 % de l’activité est désormais gérée en ramasse globale. Quelques commandes de dernière minute, souvent plus petites, sont traitées en monopréparation pour être prêtes en moins de 2 heures. « Le gros chantier sera maintenant la mise en place du picking réserve », indique Christopher Harris. Le projet : créer des places pour les 20 % des produits qui font 80 % du chiffre, afin de ne pas avoir à aller les prélever dans les rayons.

« C’est une réponse à plusieurs irritants identifiés, facteurs de risques psychosociaux, explique-t-il. C’est réalisable mais nécessite une réorganisation des réserves et la mobilisation des différents secteurs, car cela implique de changer des habitudes de travail. » Pour aider les équipes à mieux se connaître, le magasin va d’ailleurs lancer un « vis ma vie ». Il devrait contribuer à éviter les décalages de perception mais aussi participer à la reconnaissance de chacun.

UNE STRATÉGIE NATIONALE

Accompagné par la Carsat, Système U a mis en place une stratégie nationale et un parcours de formation spécifique :
• formation des dirigeants à la conduite de projets et à l’identification de personnes ressources, capables d’analyser objectivement les situations de travail en magasin ;
• formation avec un consultant des personnes ressources issues de différents magasins ;
élaboration par ces personnes d’un plan d’action avec des étapes-clés pour lequel chaque magasin avait pour objectif de choisir un premier projet atteignable, sur un périmètre restreint, motivé par la sinistralité, la volonté des équipes, un projet d’agrandissement, etc. ;
• accompagnement personnalisé en magasin sur 2 demijournées pour aiguiller la personne ressource sur le projet.
À terme, un partage d’expériences entre magasins est prévu avec l’objectif de s’engager dans une pérennité de l’action.

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