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La grande distribution

Des relations constructives et des résultats probants

D’un côté des troubles musculosquelettiques, de l’autre des irritations des yeux et à la peau… C’est avec l’aide de la Carsat Rhône-Alpes que l’hypermarché Cora de Publier, en Haute-Savoie, a pu progresser sur ces sujets, même si, comme le reconnaît la responsable des ressources humaines, c’est un éternel recommencement.

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Delphine Vaudoux - 26/04/2023
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Une salariée à la découpe de fromage.

Euromarché, puis Mammouth, et, depuis 1997, Cora. Implanté depuis plusieurs décennies à Publier, en Haute-Savoie, cet hypermarché occupe une surface de vente de 9 500 m2 et emploie 260 salariés. Comme de nombreuses enseignes de la grande distribution, il participe à la démarche TMS Pros, ce qui a été perçu comme une aubaine par la responsable des ressources humaines, qui a pu également questionner la Carsat sur un tout autre sujet.

C’est en 2019 que l’établissement reçoit ce courrier de la Carsat Rhône-Alpes lui indiquant qu’il est ciblé par le programme de l’Assurance maladie consacré à la prévention des troubles musculosquelettiques (TMS) et l’invitant à une réunion de présentation de la démarche. « L’objectif, explique Delphine Legras, contrôleuse de sécurité à la Carsat Rhône-Alpes, est de montrer aux entreprises que les TMS touchent tous les secteurs. » Suivront la formation du dirigeant, puis, en 2021, celle de la personne ressource TMS, à savoir Laure Sévin, responsable des ressources humaines. « J’apprécie vraiment ce projet, remarque la jeune femme. Si, au début, j’ai eu un peu de mal à comprendre ce que l’on attendait de moi, j’ai ensuite beaucoup appris en allant voir les salariés pour analyser leur activité. »

Le ciblage du secteur des produits frais traditionnels a été facile. « On y avait enregistré quelques accidents de travail », poursuit-elle. Elle se rend au rayon fromage à la coupe et explique aux six salariés la démarche. « J’étais nouvelle, donc je n’avais pas de préjugés. J’ai passé en revue tous les aspects de leur activité : la découpe, l’emballage, la gestion de la réserve, ainsi que le service aux clients. »

Des gestes répétitifs mieux répartis

Elle met en place un comité de pilotage constitué du directeur de magasin, du manager du rayon, du responsable maintenance et d’un membre du CSE. Le service de prévention et de santé au travail (SPST) ainsi que la contrôleuse de sécurité de la Carsat sont invités à y participer. Un groupe de travail voit aussi le jour, regroupant deux personnes du rayon, un membre du CSE, le manager du rayon et le responsable maintenance, ce qui permet à la responsable des ressources humaines d’arriver le dernier jour de formation avec du concret. « Ce sont essentiellement des changements organisationnels qui ont été proposés, souligne la contrôleuse de sécurité… c’est ce que j’ai trouvé intéressant dans le plan d’action proposé. »

 Lampe à UV destinée à lutter contre les insectes.

Le secteur fromages a été réorganisé, des meubles déplacés pour fluidifier les mouvements et donner plus d’espace aux employés. De plus, jusqu’à présent, les salariés qui arrivaient à 5 heures du matin préparaient l’étal libre-service en découpant 30 à 40 kg de fromage pendant trois heures. Malgré le matériel adapté mis à leur disposition, ce travail répétitif nécessite de forcer sur les bras. Cette activité a été revue pour soulager les salariés : elle est désormais répartie sur l’ensemble des salariés, et a lieu toute la journée, au fur et à mesure des besoins.

Par ailleurs, pour garantir la qualité des fromages, les présentoirs et l’atelier sont à une température de 3 °C, une ambiance thermique dénoncée par les salariés. « Pour cette question, on n’a pas encore trouvé de solution organisationnelle, reconnaît la responsable des ressources humaines. On teste des vêtements et sous-vêtements. » Une avancée qui satisfait déjà une des fromagères. La réserve a également été réorganisée pour que les fromages les plus lourds soient sur les rayons situés à mi-hauteur.

Lampes UV contre les insectes

Autre secteur, autre problématique totalement différente. Lors de sa participation à une réunion de la CSSCT, Delphine Legras est interpellée sur des symptômes apparus chez des salariés du secteur de la boulangerie : irritation occulaire et cutanée, yeux rouges qui grattent, comme s’il y avait du sable, ou encore troubles momentanés de la vision… des phénomènes qui s’atténuent lorsque les salariés portent des lunettes.

« Certains portaient des lunettes de natation pour servir les clients », se souvient l’un des boulangers. « J’ai été touché deux fois, témoigne l’un des salariés, et arrêté deux semaines. » Lors des arrêts, les symptômes cessent, puis réapparaissent au retour au travail. Le SPST fait réaliser une étude sur l’ensemble des postes. Les farines, les poussières, les levures sont analysées, les autres magasins du groupe sont interrogés… mais cela ne débouche sur rien. Les produits de ménage sont passés au crible, « mais on aurait dû avoir d’autres cas dans le magasin… Toutes les procédures de nettoyage ont cependant été revues », remarque Laure Sévin. La toiture, les combles, les aérations, le four, sont nettoyés, mais le problème persiste.

LES UV

Les rayons UV sont largement utilisés dans les procédés industriels ainsi que dans les secteurs médicaux et dentaires pour notamment détruire les bactéries, assurer le séchage de l’encre et le durcissement des résines, administrer une photothérapie et bronzer. Selon l’objectif visé, on a recours à des UV de différentes longueurs d’onde et intensités. Alexandre Sanmarti, contrôleur de sécurité au centre de mesures physiques Rhône-Alpes-Auvergne, est intervenu chez Cora : « Je suis arrivé après la bataille, car ils avaient déjà pris l’initiative de changer les tubes. J’ai pu vérifier que les nouveaux avaient une longueur d’onde correspondant aux UVA et une puissance de 15 W : pour protéger les salariés sur le long terme, il faut tout de même veiller à les mettre à distance de ceux-ci et ne pas hésiter à ajouter des déflecteurs. »

Delphine Legras fait intervenir le laboratoire de chimie de la Carsat. « Nous avons visité la boulangerie en pensant que le problème était dû à la farine, explique Catherine Wilhelm, responsable du laboratoire. Nous n’avons rien trouvé. L’air était sec, nous avons mesuré des paramètres d’ambiance. » Une collègue d’un autre laboratoire lui mentionne des cas similaires dus à des lampes à UV n’ayant pas la bonne intensité ou fréquence, ou étant mal positionnées. « Il est vrai qu’une lampe UV destinée à tuer les insectes et installée au-dessus du four était particulièrement éblouissante », reconnaît la contrôleuse de sécurité qui, suite aux recherches menées, alerte l’hypermarché qui change immédiatement les lampes à UV.

« On n’a pas gardé les anciennes, c’est une erreur », remarque Laure Sévin. Impossible de savoir si les précédentes lampes étaient défectueuses, mal étiquetées, ou s’il s’agissait de lampes destinées à désinfecter les couteaux. Les nouvelles lampes insecticides ont aussi été déplacées, pour les éloigner des salariés, et les symptômes ont disparu. « Je me suis aperçu, à travers ces démarches, que la prévention des risques professionnels était un éternel recommencement et qu’il fallait être sans cesse vigilante », conclut Laure Sévin. n D. V.

LE GROUPE CORA ET LA PRÉVENTION DES RISQUES PROFESSIONNELS

Sur les 60 Cora implantés en France, 42 ont été ciblés lors de la première saison de TMS Pros (de 2014 à 2018) et, parmi eux, 39 ont validé l’étape 4 (les 3 restants l’ayant atteinte mais pas validée, faute de temps). Dix-huit ont été concernés par la saison 2 de la démarche, démarrée en 2019. Un groupe a été créé pour informer régulièrement les contrôleurs de sécurité des Carsat qui suivaient les établissements ciblés des échanges en cours avec la direction des ressources humaines et des avancées. Vingt-huit directeurs en place et en devenir ont été formés à la prévention des risques professionnels ainsi qu’une personne ressource TMS Pros par magasin. De plus, un projet est en cours sur les exosquelettes, porté par Wendy Schleich, doctorante et salariée à Cora, accompagnée par Jean-Jacques Atain Kouadio de l’INRS et Christine Kolczynski, correspondante de ce grand compte à la Carsat Nord-Est.

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