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Le recyclage du plastique

Un procédé de recyclage chimique de mousse de matelas voit le jour dans le Loiret

Dans le Loiret, Orrion Chemicals Orgaform est une PME française qui produit adhésifs, émulsions de cires, lubrifiants et autres additifs pour des industriels. L’entreprise s’est dotée en 2021 d’une unité de recyclage de mousse de matelas en polyuréthane. Intégrant des aspects de prévention des risques dès la conception, cette nouvelle ligne a aussi bénéficié de plusieurs améliorations depuis sa mise en fonctionnement.

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Damien Larroque - 04/01/2024
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Un salarié d'Orrion Chemicals Orgaform en situation de travail.

À Semoy, à côté d’Orléans, une usine chimique est en activité depuis plus de 50 ans. Passée par le giron de groupes internationaux, elle est rachetée à l’Américain Dow Chemicals en 2010. Redevenue une PME française et rebaptisée Orrion Chemicals Orgaform (OCO), l'entreprise emploie aujourd’hui 48 salariés qui se répartissent entre la R&D, la fabrication et la commercialisation d’ingrédients pour l’industrie. 40 % de son chiffre d’affaires provient de ses propres recettes de colles, de couches protectrices pour verre et de facilitants de démoulage. Le reste est le fruit de la confection à façon d’adhésifs, de lubrifiants ou d’additifs, notamment.

Depuis 2021, elle s’est lancée dans le recyclage de mousse de matelas en polyuréthane. À l’origine de ce développement, un appel d’offres européen remporté par Oco l’année précédente pour la mise en œuvre industrielle d’un procédé de dépolymérisation du polyuréthane mis au point outre-Rhin. « Au-delà de la solidité technique de notre dossier et d’une approche tenant compte de la sécurité au travail et de l’environnement, le fait que la France soit le seul pays de l’Union européenne à posséder une filière déchet pour les matelas était un atout », souligne Christian Siest, président. En 2021, la première unité de recyclage chimique de mousse polyuréthane au monde est ainsi inaugurée.

Un chariot pour charger la mousse

Préalablement découpés et débarrassés de leurs éléments textiles et métalliques dans des centres de tri, les matelas sont livrés en balles de 450 kilos. À l’aide d’un engin élévateur dont la fourche a laissé place à une pince, les morceaux de mousse sont introduits dans une trémie qui les conduit vers un broyeur. « Le polyuréthane est léger, mais un chargement manuel n’était pas envisageable. Au rythme de six balles quotidiennes, on frôle les trois tonnes, indique Thomas Le Couriaut, responsable QHSE. Et l’alimentation par convoyeur n’a pas été retenue car des morceaux de mousse en seraient régulièrement tombés, nécessitant des manutentions, et d’autres se seraient coincés dans les parties mobiles du tapis, générant des blocages. »

RISQUE POUSSIÈRES

L’ouverture des balles de matelas, comme l’opération de déchiquetage des matelas, sont sources de poussières dans l’atelier. Un risque biologique (moisissures) peut également être présent lorsque les matelas stockés sont humides. Des prélèvements atmosphériques seront nécessaires pour évaluer ces risques ainsi que la nécessitéde mettre en place des mesures de prévention (ventilation, captage à la source…).

À la sortie du broyeur, la mousse est aspirée dans une canalisation équipée d’un aimant pour capter d’éventuels résidus métalliques ainsi que d’un détecteur d’étincelle couplé à un dispositif d’humidification pour éviter tout départ de feu. La matière chute ensuite dans un silo en tissu au fond duquel une vis sans fin l’envoie dans un réacteur où elle subit l’action conjuguée de différents produits chimiques. Ces derniers, lorsqu’ils sont sous forme solide, sont conditionnés en big bags. Pour éviter les risques liés à la manutention, un palan intégré à la ligne permet de les positionner au-dessus d’une trémie. Quant aux réactifs liquides, ils sont pompés depuis leurs contenants. Un système de vanne permet de réaliser la manœuvre sans éclaboussures lorsque l’opérateur détache les flexibles qui les relient au réacteur. Autre précaution, les réactifs inflammables sont pompés depuis une armoire ventilée. « Et, bien sûr, tous les additifs dangereux sont posés sur des bacs de rétention, même si l’ensemble du bâtiment est en rétention », précise Thomas Le Couriaut.

Une bonne conception n’empêche pas les améliorations

En sortie du réacteur, à l’état liquide, les polyols résultant de la dépolymérisation de la mousse empruntent des canalisations qui arrivent dans des cuves de stockage d’où ils repartent dans les camions des clients. « L’opération de dépotage a été sécurisée, observe Bruno Longo, contrôleur de sécurité à la Carsat Centre-Val-de-Loire. Une plate-forme rétractable, munie de garde-corps, vient se placer sur les citernes, permettant aux opérateurs de ne pas risquer la chute. »

Un salarié de l'entreprise alimente la ligne de dépolymérisation à l'aide d'un chariot élévateur.

LES RECYCLAGES MÉCANIQUE ET CHIMIQUE SONT COMPLÉMENTAIRES

Quatre millions de matelas sont jetés chaque année en France. La plus grande partie d’entre eux sont incinérés, certains sont enfouis et une petite proportion est envoyée dans la filière du recyclage mécanique qui les transforme en revêtement de terrains de jeux ou en isolants. « S’il a son rôle à jouer, le recyclage mécanique n’a pas la capacité d’absorber cette quantité énorme de déchets, estime Christian Siest, président de Oco. Le procédé chimique vient en complément, mais il faut multiplier les sites qui le mettent en œuvre. Nous comptons pour notre part lancer une deuxième unité lorsque la première aura atteint sa vitesse de croisière de 200 000 matelas annuels. Elle ne tourne actuellement qu’à 20 %. Pour favoriser cette montée en puissance, il faudrait une réglementation obligeant les fabricants de polyuréthane à intégrer à leur recette une proportion de polyols recyclés. Car ces derniers sont à l’heure actuelle plus chers que ceux produits de manière classique. »

Mais la nature inédite du procédé n’a pas permis d’anticiper tous les écueils. « J’utilisais une pince à long manche pour couper le cerclage métallique des balles de matelas, mais l’un d’eux aurait néanmoins pu me blesser, se souvient Philippe Leprince, opérateur déchiqueteur. Aujourd’hui, le centre de tri utilise des liens en tissu. » « Constatant qu’il fallait parfois grimper sur une échelle pour vérifier le niveau de mousse, nous avons installé à la verticale de la trémie une caméra reliée à un écran de contrôle », se félicite Julie Sanchez-Vado, responsable maintenance et travaux neufs. Autre sujet ayant émergé, le niveau sonore trop élevé du broyeur, identifié avec l’aide du Centre de mesures physiques de la Carsat. « Si les grincements n’ont pas disparu, ils ont été efficacement diminués par le réglage des pièces incriminées », précise Thomas Le Couriaut.

Dernier changement en date : le remplacement des filtres qui retiennent les dernières impuretés à la sortie du réacteur, qui se démontaient par en dessous, au profit de modèles qui le sont par le dessus. « Plus besoin de travailler avec les bras en l’air, se réjouit Philippe Lecomte, technicien maintenance. C’est d’autant plus appréciable que, malgré l’optimisation du tri des matelas et de la réaction, contrairement aux estimations, les changements de filtres ne sont pas hebdomadaires mais quotidiens. » Des retours d’expérience qui enrichiront la conception de la seconde unité de recyclage que Oco prévoit de construire à moyen terme.

OCO CROIT EN LA CHIMIE VERTE

La PME française travaille sur la conception d’une unité de production de tensio-actifs à partir de biomasse. Ces molécules que l’on retrouve dans certains produits cosmétiques permettent également, lorsqu’ils sont introduits dans la composition du bitume, de travailler ce dernier àfroid. Sans montée en température, l’émission de polluants, comme par exemple les hydrocarbures aromatiques polycycliques, diminue, réduisant par voie de conséquence l’exposition des ouvriers des travaux publics.

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