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Le recyclage du plastique

Du tri à la valorisation, le traitement du plastique réinterroge les conditions de travail

Générer moins de déchets pour réduire l’impact sur l’environnement : dans son engagement pour une économie circulaire, la plasturgie réinvente ses modèles et mise sur la réutilisation et le recyclage. Des transformations sont en train de s'opérer au sein de la filière, avec des incidences sur les conditions de travail des salariés. 

7 minutes de lecture
Grégory Brasseur - 04/01/2024
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Vue d'un convoyeur contenant du plastique dans un centre de tri.

Désigné comme un polluant majeur de l’environnement, le plastique est visé par des législations de plus en plus contraignantes. Abandon de certaines utilisations, réemploi ou recyclage : le secteur est constamment poussé à se réinventer, ce qui implique de s’interroger sans cesse sur les conditions de travail. Au cours des 50 dernières années, le plastique a révolutionné la production industrielle : emballages, automobile, aéronautique, électronique... Certains de ses usages – isolation des bâtiments, réduction du gaspillage alimentaire ou dans le secteur de la santé– ont constitué des avancées.

En 2022, la production de plastique, qui ne cesse de croître, était de plus de 400 millions de tonnes au niveau mondial, dont près de 59 millions en Europe, d’après Plastics Europe. À eux seuls, les emballages représentent 40 % du plastique utilisé sur le continent. En France, la loi anti-gaspillage et économie circulaire de 2020 (Agec), qui ambitionne de réduire la production de déchets et favoriser le réemploi et le recyclage, prévoit la fin de la mise sur le marché des emballages en plastique à usage unique d’ici à 2040 et fixe un objectif de 100 % de recyclage des emballages en plastique à usage unique à l’horizon 2025.

Plusieurs voies possibles

Dans ce contexte, pour les plasturgistes, gérer ses propres rebus et les valoriser devient incontournables. Tout comme intégrer les contraintes de fin de vie du produit dès sa conception. En 2021, près de 35 % des plastiques collectés dans l’Union européenne (mais seulement 26 % en France) étaient recyclés (source : Plastics Europe). La valorisation énergétique, quant à elle, demeurait majoritaire (42 %) et 23 % étaient enfouis. La même année, Citeo, l’éco-organisme en charge de la filière des emballages ménagers, indiquait un taux de recyclage des emballages en plastique de 30 % en France, et même 59 % pour les bouteilles et flacons.

Le recyclage des plastiques est réalisé selon deux méthodes : le recyclage mécanique et le recyclage chimique. « Ces deux voies, complémentaires, doivent coexister si l’on veut recycler une plus grande diversité de déchets », affirme François Nicolas, directeur du site Plastipak de Sainte-Marie-la-Blanche, en Côte-d’Or, qui recycle des bouteilles plastiques usagées en PET (polytéréphtalate d'éthylène) pour en fabriquer de nouvelles.

UNE MATIÈRE, DEUX FILIÈRES DE RECYCLAGE

En très grande majorité, le recyclage du plastique est mécanique. Dans ce cadre, les déchets sont collectés et triés afin de constituer des gisements par famille de polymères, puis broyés, lavés, extrudés pour être transformés en granulés de matière première recyclée (MPR). Pour les bouteilles en plastique transparentes en PET (polyéthylène téréphtalate), ce recyclage se fait en boucle fermée, avec retour au produit initial. C’est loin d’être la majorité des cas. Les matériaux composés de multiplies matrices polymères, les additifs introduits ou encore la pollution due à l’usage (comme la pollution alimentaire) rendent les situations souvent plus complexes. De plus, le nombre de fois où le plastique peut être recyclé mécaniquement est limité.

Le recyclage mécanique concerne plus de 99 % des plastiques recyclés. Ce traitement expose les salariés à des risques divers, liés notamment aux machines (broyeurs, presses), au bruit, aux poussières ou encore aux manutentions, malgré des procédés très automatisés. Avec le recyclage chimique, on retrouve les risques classiques de l’industrie chimique (utilisation de solvants, acides forts…). Dans les centres de tri comme chez les plasturgistes, il existe également des risques liés à la matière. « Certains retardateurs de flamme bromés ou certains phtalates, aujourd’hui interdits en Europe, peuvent être présents dans les déchets à recycler, indique Cécile Fonteneau, experte d’assistance-conseil à l’INRS. Il faut pouvoir identifier ces substances et évincer des filières de recyclage les articles qui en contiennent afin de ne pas polluer de futures matières. » Enfin, les risques biologiques sont également présents, notamment suite à l'extension des consignes de tri et la présence d'emballages alimentaires souillés.

Vue de l'intérieur d'un centre de surtri.

Lors de la transformation à chaud de matière plastique recyclée (MPR) provenant du recyclage mécanique, des risques toxicologiques plus importants qu’avec l’utilisation d’une matière vierge apparaissent. « De par son cycle de vie, la MPR contient plus d’impuretés. Celles-ci peuvent également modifier les propriétés physiques de la matière comme sa viscosité, ce qui conduit bien souvent à des températures de mise en œuvre plus élevées, et favorise là encore la génération de polluants », ajoute Cécile Fonteneau. Avec la MPR provenant du recyclage chimique, le risque de présence d’impuretés est réduit et on se rapproche des caractéristiques de la matière vierge.

Sur le volet prévention, lors de la mise en œuvre de MPR, les mesures qui s’appliquent sont des mesures classiques comme l’aspiration des polluants à la source, la ventilation des locaux et l’optimisation des températures pour réduire les émissions. Il faut aussi et avant tout bien connaître ses matières et en avoir identifié des sources fiables.

Sans tri, pas de recyclage

Pour mieux recycler et trouver de nouveaux débouchés, l'amélioration du tri, à la source comme dans les centres dédiés est essentielle. Ceux-ci doivent être en capacité de fournir les qualités et quantités de matière nécessaires aux opérateurs de recyclage. Une question qui a des incidences sur la santé et la sécurité au travail. Ces dernières années, le secteur des emballages a connu des évolutions majeures. L’activité de tri des déchets d’emballages ménagers est organisée selon le principe de la « responsabilité élargie du producteur ».

L’éco-organisme Citeo, agréé par l’État, joue un rôle-clé dans sa structuration. Il est depuis longtemps un interlocuteur du réseau Assurance maladie-risques professionnels, avec lequel il a participé à la publication de brochures sur la conception des centres de tri. Il a également présidé la commission pour la norme NF X 35-702 sur les cabines de tri, publiée en 2015, commission qui regroupait des acteurs du réseau prévention des risques professionnels, des fédérations professionnelles, et des exploitants de centres.

CONNAÎTRE SA MATIÈRE : UN ENJEU MAJEUR DU RECYCLAGE

Identifier les composés présents dans les matières recyclées ou post usage est un vaste sujet. Au Centre technique industriel de la plasturgie et des composites (CT-IPC), on utilise des méthodes d’analyse pour traquer les matières organiques et inorganiques présentes au sein des matrices polymères, en ayant conscience de la difficulté d’être exhaustif quand on ignore ce que l’on recherche. « Les composés trouvés dans les gisements post consommation sont le fruit d’un parcours lié à la production, au stockage, à l’utilisation, à la fin de vie du produit et peuvent être totalement insolites », explique Colette Breysse, responsable du laboratoire emballage du CT-IPC à Clermont-Ferrand. On peut se trouver face à des cocktails de substances diverses, en quantité variable, dont certaines sont préoccupantes au regard de Reach. « On retrouve des marqueurs-types du contact avec des aliments (acides gras, limonène...), des arômes d’agents lessiviels, des hydrocarbures, des phtalates, du bisphénol… Côté inorganiques, on peut trouver du sodium, du calcium, de l’aluminium, du plomb…, reprend la spécialiste. Ce qu’il faut retenir, c’est que la qualité de la collecte et du tri fera la qualité de la matière recyclée. » Connaître ses gisements est essentiel pour savoir ce que l’on peut en faire.

Depuis le 1er janvier 2023, l’extension des consignes de tri, qui permet aux ménages de déposer tous leurs emballages plastiques dans le bac jaune, est généralisée en France. Cette évolution s’est accompagnée de la réduction du nombre de centres et de la transformation de l’outil industriel sur les unités maintenues avec, au préalable, une réévaluation des risques inhérents à ces changements. « La structuration de la filière autour d’un éco-organisme qui s’est saisi des questions de prévention a permis le développement d’unités dans lesquelles étaient déployées les préconisations du guide de conception et de la norme cabines », souligne Éric Silvente, expert d’assistance-conseil à l’INRS.

Vue d'un stockage de plastique à l'extérieur d'un centre de tri.

« Pendant la phase d’expérimentation, des recycleurs nous ont alertés sur des difficultés rencontrées avec la matière issue des centres pratiquant l’extension des consignes de tri, explique Éric Fromont, responsable du projet tri et flux développement chez Citeo. Il est apparu indispensable de préserver une bonne qualité de matière pour les filières matures, comme celle des bouteilles en PET clair et, pour alimenter les filières de recyclage en développement, de mettre en place un nouveau flux. Appelé flux développement, il rassemble des familles d’emballages que les centres de tri ne parvenaient pas à bien séparer. »

Ce flux, mis en balles dans des centres de tri, est traité dans des unités de surtri dont la première est entrée en activité en mai 2023 à Ruffey-lès-Beaune, en Côte-d'Or. En investissant pour la reconversion de centres de tri en centres de surtri, Citeo, qui est propriétaire du process, a imposé à nouveau ses exigences de santé et sécurité au travail. Derrière la massification de ces nouveaux flux, avec une garantie de qualité de la matière triée, l’éco-organisme, qui vend cette matière aux recycleurs, encourage le développement de nouvelles capacités industrielles de traitement.

NOUVEAUX USAGES, ANCIENS RISQUES

À compter du 1er janvier 2025 (1er janvier 2028 pour les collectivités territoriales de moins de 2 000 habitants), les contenants alimentaires en plastique de cuisson, de réchauffe et de service seront interdits en restauration collective des établissements scolaires et universitaires, ainsi que des établissements accueillant des enfants de moins de 6 ans (loi EGalim). Mais les supprimer implique d’en trouver d’autres, comme par exemple l’inox, un matériau déjà utilisé dans ce secteur.
Quel serait alors l’impact du poids supplémentaire des contenants et couvercles sur les conditions de travail ?
« En matière de stockage, de port de charges, de manutentions, certains risques qui avaient été supprimés avec l’utilisation des plastiques à usage unique pourraient réapparaître, indique Anita Romero-Hariot, experte d’assistance-conseil à l’INRS. L’emploi de contenants réutilisables nécessite un lavage, voire une désinfection et donc l’utilisation de produits chimiques. Une réévaluation globale des risques professionnels est nécessaire. » Elle induira des changements organisationnels qui peuvent être profonds et qu’il faut anticiper en tenant compte des réalités.

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