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Le recyclage du plastique

Quelles conditions de travail dans les centres de tri des déchets d’emballages ?

L’obligation pour les collectivités d’étendre les consignes de tri pour les déchets d’emballages ménagers vise à faciliter les solutions industrielles de recyclage. Mais quel est l’impact sur le travail dans les centres de tri ? Premiers éléments de réponse avec Jean-Louis Grosmann, ingénieur-conseil à la Carsat Bourgogne-Franche-Comté.

3 minutes de lecture
Grégory Brasseur - 04/01/2024
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Vue d'un convoyeur dans un centre de tri.

Travail & Sécurité. Pourquoi vous êtes-vous lancé dans un état de lieux des conditions de travail dans les centres de tri des déchets ménagers en Bourgogne-Franche-Comté ?

Jean-Louis Grosmann. Depuis le 1er janvier 2023, la consigne de tri a été étendue à toute la France pour les emballages en plastique. Tous les particuliers sont invités à abandonner l’ensemble de leurs déchets d’emballages en plastique dans la poubelle jaune. Antérieurement, on se contentait de trier quelques objets en plastique, tandis que les autres (barquettes, pots de yaourts, plastiques souples…) étaient déposés dans les ordures ménagères et terminaient la plupart du temps incinérés ou enfouis. Ce changement suppose que les centres de tri, qui voient leur volume de déchets reçus augmenter et l’arrivée de nouveaux objets, soient en capacité de les accepter et les trier. Nous avons voulu voir comment cela avait été anticipé en Bourgogne-Franche-Comté et quelles conséquences cela avait sur les conditions de travail.

Qu’avez-vous observé ?

J-L G.  D’après les exploitants, les conditions de travail ont pu être maintenues à un niveau satisfaisant, voire améliorées lorsque les cabines de tri ont été entièrement reconstruites. La situation dépend du degré de modernisation qui a accompagné cette évolution, marquée notamment par une concentration des centres. Ceux qui ne ferment pas voient leur capacité augmenter à mesure qu’ils réalisent des investissements pour absorber ces flux. À Noidans-le-Ferroux, un centre a été totalement reconstruit et mis en service en 2021. Un autre est entré en activité cette année à Dijon. Dans ces deux cas, nous voyons une amélioration des conditions de travail du fait de laprise en compte, dès la conception, de standards qui aujourd’hui prévalent dans l’activité. À Pontarlier, Lons-le-Saunier ou Besançon, des centres qui s’étaient inscrits, pour une partie de leurs collectes, dans une expérimentation lancée depuis quelques années par Citeo sur l’extension des consignes, des adaptations ont été faites : arrivée de séparateurs de films plastiques ou ajout de trieurs optiques pour conserver une activité soutenable en cabine. On ne peut pas trier un tel volume d’emballages supplémentaire sans passer par une réorganisation et des investissements matériels. L’un des enjeux est de limiter le tri en cabine à un contrôle qui permet de retirer du flux quelques indésirables ou produits qui n’ont pas été bien orientés par les machines, sans chercher à extraire la fraction principale valorisable. Rappelons également qu’un opérateur ne doit pas avoir à traiter plus de trois produits différents.

Vous constatez une augmentation de la mécanisation, mais aussi une vigilance à maintenir sur les postes de tri manuel en cabine…

J-L G. Tout à fait. Dans les nouveaux centres de tri, la modernisation est passée par la prise en compte de la norme NF X35-702 et l’amélioration des standards en cabine : systématisation de fenêtres sur l’extérieur ; installation de lumière artificielle permettant un éclairage homogène sur les tables ; réduction du bruit (au niveau de la structure de la cabine, des entrées des convoyeurs ou des goulottes d’évacuation équipées de matériaux absorbants…) ; positionnement des opérateurs dans un flux d’air neuf vertical descendant ; mise en place de sièges assis-debout et, comme à Dijon ou dans le centre de surtri de Ruffey-lès- Beaune, de réhausses motorisées pour se positionner en fonction de sa taille, etc. Reste toutefois la présence encore fréquente de conteneurs additionnels disposés de part et d’autre des tapis, et dans lesquels les trieurs déposent des produits à évacuer vers d’autres exutoires. Ces conteneurs encombrent l’espace et génèrent des manutentions. Leur utilisation est bien souvent liée à la présence, dans les collectes sélectives, de produits indésirables qui eux-mêmes génèrent des risques (déchets d’équipements électriques et électroniques, batteries au lithium, cartouches de protoxyde d’azote ou même déchets de soins). Sur cet aspect, l’enjeu est d’améliorer le tri en amont. Pour conclure, je dirais que la réorganisation du travail en cabine demeure un chantier à poursuivre en ayant conscience que les conditions de travail peuvent être très fluctuantes selon le flux entrant. Et qu’à la lumière des changements induits par l’extension des consignes de tri, il faut convoquer à nouveau la démarche ergonomique pour réévaluer le travail et l’activité en cabine afin de convenir de règles d’exploitation propices à un travail soutenable à tout moment, en particulier en cas d’aléas ou d’à-coups.

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